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Europe

Là où l'Allemagne penche à l'extrême droite

17 septembre 2017|mediapart.fr | Donatien Huet

Les élections fédérales du 24 septembre devraient acter le retour de l’extrême droite au Bundestag. Une première depuis la Seconde Guerre mondiale, qui révèle la polarisation de l’électorat allemand entre l’Est et l’Ouest, les territoires urbains et ruraux et les zones plus ou moins prospères.

La victoire de Donald Trump cet hiver aux États-Unis laissait augurer un printemps des extrémistes européens. Pour l’instant, il n’en est rien ou presque. Après les relatifs échecs du Parti pour la liberté de Geert Wilders aux législatives hollandaises, du Front national de Marine Le Pen aux élections françaisesou du Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni aux législatives anticipées britanniques, les regards se tournent désormais vers l’Allemagne, qui renouvelle son assemblée parlementaire le 24 septembre. Les études des diverses entreprises de sondages donnent le parti anti-immigration Alternative für Deutschland (AfD) loin derrière les conservateurs de la CDU ou les sociaux-démocrates de la SPD, mais néanmoins au-dessus de la barre des 5 %, suffisante pour envoyer plusieurs dizaines de députés garnir les rangs du Bundestag.

Une entrée qui serait historique : depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et l’extinction du NSDAP d’Adolf Hitler, l’extrême droite (voir notre Boîte noire) n’a jamais eu de représentant au Parlement fédéral, malgré quelques succès glanés à l’occasion de scrutins locaux ou régionaux. Parti eurosceptique à sa création en 2013, l’AfD s’est mué, avec l’arrivée massive de réfugiés en Allemagne, en un parti farouchement xénophobe. En témoigne la tonalité de ses actuelles affiches de campagne.

Une affiche électorale de l’AfD, à Kehl (Allemagne) : "L’islam ne fait pas partie de l’Allemagne. La liberté des femmes n’est pas négociable." © DH/Mediapart Une affiche électorale de l’AfD, à Kehl (Allemagne) : "L’islam ne fait pas partie de l’Allemagne. La liberté des femmes n’est pas négociable." © DH/Mediapart

Lors des élections fédérales qui ont suivi la réunification des deux Allemagne en 1990, les scores des formations d’extrême droite au sein des cinq nouveaux Länder (Brandebourg, Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, Saxe-Anhalt, Saxe, Thuringe) étaient insignifiants. Ce n’est qu’à partir de 1998 que « l’Est » dépasse « l’Ouest », à la faveur des légères percées dans les urnes du parti des Républicains et de l’Union populaire allemande. Depuis, cette tendance n’a fait que se confirmer. En 2013, quand la chancelière Angela Merkel a été reconduite pour son troisième mandat, l’AfD a obtenu 5,8 % des voix à l’Est, contre 4,4 % à l’Ouest, et les néonazis du NPD (Parti national-démocrate d’Allemagne) 2,8 % des voix à l’Est, contre 1 % à l’Ouest.

Les endroits où l’on plébiscite le plus l’extrême droite sont aussi ceux qui comptent la plus faible population d’immigrés. Ce paradoxe, souvent évoqué lorsque le vote Front national est disséqué, se vérifie aussi outre-Rhin. Exemples : les circonscriptions électorales du Erzgebirgskreis et de Bautzen, dans le Land de Saxe, sont parmi celles qui ont le plus voté pour les partis d’extrême droite en 2013 (respectivement 11,66 % et 11,24 % des suffrages) alors qu’elles ne comptent que 2,2 % et 2 % d’allochtones, l’un des pourcentages les plus bas du pays. À l’inverse, les quartiers berlinois de Friedrichshain, Kreuzberg et Prenzlauer Berg ont crédité la droite de la droite de seulement 3,54 % des voix, bien qu’un habitant sur cinq y soit d’origine étrangère.

Difficile en revanche d’établir une relation évidente entre la géographie du vote patriote et la flambée d’hostilité envers les réfugiés et demandeurs d’asile. Depuis 2015, la fondation Amadeu-Antonio a en effet recensé plus de 5 600 actes de violence à leur égard, dont 3 700 pour la seule année 2016. Mais ces agressions ne sont pas l’apanage des fiefs d’extrême droite et contaminent l’ensemble du pays.

À chacune des élections fédérales organisées depuis la réunification, les partis d’extrême droite ont décroché des résultats bien plus probants dans les petites communes que dans les grandes. Ces scores varient selon les années : en 2005, ils étaient en moyenne deux fois plus élevés dans les localités de moins de 10 000 habitants que dans celles de plus de 50 000 habitants, alors que trois ans plus tôt, en 2002, ceux-ci se situaient à peu près dans la même fourchette. En 2013, l’avènement de l’AfD dans le paysage politique a réduit ce fossé entre villes et campagnes.

L’extrême droites’implante plus aisément au sein des territoires ruraux, mais également dans les territoires moins prospères, laissés-pour-compte du fameux « miracle allemand ». Les cartes du taux de chômage, de la population bénéficiaire des allocations sociales Hartz IV, du produit intérieur brut par habitant et du revenu moyen par foyer tendent à se superposer avec celles des récents résultats de l’extrême droite. Crainte du déclassement d’un côté, préjugés tenaces vis-à-vis des immigrés de l’autre : deux sentiments sur lesquels l’AfD et consorts peuvent capitaliser.

© Mediapart. Sources : Statistisches Bundesamt, Wahlatlas.

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