Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Le Parti Québécois rattrapé par son histoire

Nous pouvons être soulagés : une remise en question du PQ sur la place publique, nécessaire depuis plus d’une décennie, vient enfin de s’amorcer avec les démissions des députés péquistes Pierre Curzi, Louise Beaudoin, Lisette Lapointe et Jean-Martin Aussant. La politologue Josée Legault a nommé « l’effet Amir Khadir » cette situation où des députés de l’Assemblée nationale se tiennent debout afin de défendre leurs convictions profondes.

Un soulèvement de cette ampleur devait finir par arriver. Il y a dix ans, en 2001, les sociologues Gilles Gagné et Simon Langlois ont réalisé une analyse du PQ dont les résultats tiennent toujours. Selon Gagné et Langlois, ce parti aurait été victime de son succès, c’est à dire victime de l’ascension de la classe ouvrière canadienne-française au rang d’une classe moyenne bien desservie par des services publics englobants et sécurisants.

Le PQ se serait englué, écrivaient prophétiquement ces professeurs de l’Université Laval, dans une élite politique composée d’une génération de « satisfaits » en qui s’était essoufflée l’ardeur initiale de la recherche d’une société juste, égalitaire et souveraine.

Le PQ de 1996 à 2003

Durant ses derniers mandats au pouvoir, le PQ n’a pas, en effet, contribué à bâtir un Québec pour tous. Il n’a pas su ou voulu développer un plan porteur pour ses 800 000 analphabètes, son riche territoire ou ses urgences débordantes. Il n’a pas, non plus, mis en chantier une modernisation de notre vieux système électoral datant du dominion britannique. Il a encore moins réussi à mettre sur pied des programmes financiers visionnaires cherchant à bassiner l’économie autrement que par une vente au rabais des fleurons de nos ressources naturelles. Aucune solution d’ensemble visant à soustraire le marché du travail des aléas des crises boursières n’a été mise de l’avant.

Le gouvernement péquiste a préféré compenser à la pièce, par de coûteux et bureaucratiques programmes, les éclopés d’un système en perte d’équilibre. Il s’est ainsi distrait dans la distribution d’un éventail mal assorti de bénéfices, disparates au point de sembler avoir été motivés davantage par une compétition inter-ministérielle que par un souci concerté du bien commun.

La fixation du déficit zéro de Bouchard et de Landry n’avait d’égal que leur admiration pour une politique nord-américaine du libre-échange qui, croyaient-ils à tort, allait permettre au Québec de s’émanciper avant que ne sonne l’heure de son indépendance. Réduire la dette, polir la cote de crédit et affrioler les investisseurs étrangers : voilà la stratégie aveugle qui a conduit à l’étranglement des services publics, le pillage de la forêt boréale et l’asphyxie du réseau universitaire. Même Jacques Parizeau, pourtant plus progressiste que ses deux successeurs, avait abaissé en 1994 les impôts des compagnies minières de 18% à 12% ! La stratégie péquiste de séduction du monde des affaires ne nous a pas rapprochés de l’indépendance et a été réalisée aux dépens des Québécois.

Le PQ face au renouveau politique québécois

Revenons aux démissions d’aujourd’hui. Si l’ancienne gouvernance péquiste est mise en cause, c’est que le PQ n’a jamais, depuis son dernier mandat, démordu de son approche à l’emporte-pièce, électoraliste et flirtant avec le non-respect des principes de la souveraineté populaire. Il faut croire les députés démissionnaires lorsqu’ils affirment que le projet de loi 204 n’a été que « la goutte qui a fait déborder le vase ». De plus en plus affamée et en mal d’un pouvoir qui semble l’aveugler, la direction du PQ a ainsi inélégamment dévoilé son absence de colonne vertébrale dans le fiasco de l’amphithéâtre.

Il ne faut pas trop se surprendre de ce que les trois députés démissionnaires disent avoir conservé leur carte de membre du PQ. Leur geste ne visait que la direction du parti, et donc le PQ n’en est pas encore, comme le titrait Le Devoir, à « imploser ». La signification immédiate du geste de Curzi, Lapointe et Beaudoin n’est pas tellement la chute du PQ—laquelle se produisait déjà au ralentit depuis une décennie—mais une manifestation péquiste, longtemps attendue, du renouveau politique québécois. Québec Solidaire n’en demeure pas moins, tant sur le fond que sur la forme, le fer de lance de ce renouveau pour la pleine souveraineté du peuple québécois.

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