Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Le maire Labeaume réduit la démocratie comme peau de chagrin

Les événements entourant l’adoption de la loi 204 ont révélé une facette importante de la politique du maire de Québec, Régis Labeaume. Si plusieurs personnes soulignaient son ton autoritaire, ils sont de plus ne plus nombreux à constater qu’il ne s’agit pas seulement d’un trait de caractère, mais surtout un élément central de sa politique.

Après avoir court-circuité les mécanismes d’octroi de contrats sous lesquels les municipalités sont tenues de se conformer, tout cela afin d’offrir sur un plateau d’argent un édifice tout neuf pour soutenir le plan de développement de Québecor, le maire de Québec tente maintenant de réduire la démocratie municipale à sa plus simple expression.

Réduire le nombre d’éluEs au conseil municipal

Non satisfait d’une première réduction du nombre d’éluEs au conseil municipal décrétée en 2008 faisant passer le nombre de représentantEs de 37 à 28, il souhaite maintenant opérer une deuxième réduction à 20 ou 21. De cette façon, la population de Québec aura vu sa représentation être coupée de près de la moitié en moins de 4 ans. Pourtant, la loi sur les élections et les référendums dans les municipalités stipule qu’une ville de 500 000 personnes doit avoir un minimum de 30 districts électoraux. Or, la ville de Québec compte 510 000 citoyenNEs.

En 2008, M. Labeaume a obtenu la permission légale de réduire le nombre de conseillers sous ce seuil. Le ministre des Affaires municipales s’apprête à accorder de nouveau un passe-droit au maire de Québec. « M. Labeaume ne peut sabrer davantage dans les postes de conseiller sans une modification législative, souligne le ministre Lessard. Il aura besoin d’un projet de loi pour autoriser une modification ». On peut sans doute compter sur la complicité des libéraux pour accommoder le maire Labeaume.

Le maire Labeaume ne compte pas en rester là. En effet, il souhaite du même coup restreindre le nombre de conseils de quartier, une structure pourtant essentiellement consultative et aux pouvoirs particulièrement encadrés. À ce niveau, il rencontre une opposition citoyenne qui pourrait le forcer à reculer.

D’autres dirigeants municipaux emboîtent le pas comme il est relaté dans les journaux, le cas de Longueuil par exemple. Il apparaît qu’une tendance lourde se dessine et qui va dans le sens d’une démocratie bâillonnée par une élite qui veut imposer sa vision et ses intérêts. Globalement, cette tendance s’inscrit dans une dynamique qui va vers une démocratie autoritaire qui laissera bien peu d’espace aux citoyeNEs et beaucoup à l’oligarchie comme nous avons pu le constater dans le dossier Québecor.

Les autorités municipales peuvent compter sur la complicité de la grande presse de masse pour vendre l’idée que moins de représentantEs fait plus de démocratie. À Québec, le quotidien Le Soleil publie (3 novembre 2011 par exemple) à pleines pages des sondages démontrant l’appui populaire à une telle mesure, passant sous silence qu’un tel mouvement d’opinion peut aussi s’expliquer par le taux de désapprobation de la classe politique en général. Désapprobation qui tire ses racines dans une ambiance de corruption et dans un sentiment général que les éluEs ne rendent de compte à personne sauf à l’oligarchie régnante. Alors à quoi bon avoir tant d’éluEs qui de toute façon n’écoutent pas.

Les IndignéEs attaqués

Autre facette de la conception de la démocratie municipale selon Régis Labeaume : le maire déclarait sur toutes les tribunes, il n’y a pas si longtemps de cela qu’il se qualifiait de social-démocrate intégriste (conférence de Centraide du 26 janvier 2009). Cet ex-président de Centraide proclamait qu’il était sensible au phénomène de pauvreté dans sa ville. Récemment, il a affirmé appuyer les IndignéEs de Québec et leur mouvement d’occupation. Pourtant, suite à une mise en demeure de la compagnie Kevlar (groupe immobilier et gestion de stationnements) adressée à la Ville de Québec, le maire fait un virage de 180 degrés et, d’ultimatums en mises en garde musclées, invite les IndignéEs à déguerpir.

Le tout a débuté par une mise en demeure de Kevlar qui possède le stationnement sous-terrain au-dessus duquel se trouve le parc de l’Université du Québec, occupé par les IndignéEs. Jugeant leur présence à risque pour les installations (oui, oui, des gens pensent qu’une occupation peut endommager un stationnement sous terrain pouvant accueillir 350 voitures sur 7 planchers), Kevlar exige de la Ville qu’elle mette un terme à la présence de ces indésirables.

Kevlar est cette même firme qu’on a soupçonné d’avoir usé de lobbying pas très éthique dans l’affaire de l’attribution du contrat de construction d’un édifice devant regrouper les fonctionnaires fédéraux de la région de Québec. La Presse (3 octobre 2008) avait révélé les propos de Julie Couillard qui avouait avoir travaillé pour le compte de Kevlar à convaincre le ministre Maxime Bernier d’user de son influence en faveur de Kevlar pour ce contrat. Voilà une entreprise pour qui seul compte le bilan financier au bout du mois, une entreprise du 1%. Bien sûr, le maire a saisi le prétexte au bond pour adopter le rôle du leader capable de dompter les turbulents.

L’autre prétexte utilisé par le maire Labeaume origine d’un incident que certains pensent moussé par la station de radio d’extrême droite CHOI-FM (voir la lettre de Rambozo dans notre section Opinion). Des commentaires entendus en onde auraient pu être interprétés comme une incitation à mettre le feu aux installations des IndignéEs. Or, le jour même, un ou des individus auraient tenté de provoquer un incendie et une tente aurait été touchée. Aussitôt connus ces faits, le service d’incendie appuyé par la police sont intervenus sur le site, pour saisir tout ce qui pouvait représenter un risque d’incendie et accessoirement, réchauffer les participantEs de l’occupation.

Une façon élégante de mettre de la pression afin d’avoir les IndignéEs à l’usure (voir le communiqué dans notre section plus bas). Les IndignéEs se sont présentés au conseil municipal du lundi 7 novembre pour faire valoir qu’en vertu de l’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés et de l’article 3 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, la présence permanente d’un campement est légale et exprime l’idée que la démocratie passe par la réappropriation des espaces publics comme vecteurs d’échanges citoyens.

Voilà qui va heurter les préceptes du maire Labeaume pour qui n’a droit à l’espace public que les activités générant des retombées pour le milieu des affaires. Pourtant, un sondage pour le compte du Globe and Mail et dont les résultats sont rapportés par La Presse du 8 novembre indique que 60% de la population canadienne appuie le mouvement des IndignéEs, un pourcentage qui grimpe à 70% au Québec. Et le maire Labeaume remet en question la légitimité du mouvement. Comme l’a si bien fait remarquer un commentateur citoyen : si les IndignéEs réclamaient la venue d’une équipe de hockey de la LNH et la construction d’un nouveau Colisée, l’attitude de la Ville serait sans doute très différente.

Vers une démocratie autoritaire

La conception de la Ville vue par le maire Labeaume se rapproche davantage de celle d’une entreprises avec ces décisions prises derrière des portes closes, des décisions inspirées par un conseil municipal qui se prend de plus en plus pour un conseil d’administration d’entreprise privée et qui réserve le privilège d’entrer dans le club des 1% à de moins en moins de monde. Bref, une ville-entreprise où tout est fait pour les 1% et que les 99% s’en tiennent à un rôle de figurants. La démocratie, ça suffit et vive l’oligarchie…

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