Édition du 23 avril 2024

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International

Obama emprunte à Bush

Le nouveau président Barack Obama, qui sera investi le 20 janvier, s’est pour l’instant bien gardé d’intervenir sur les sujets délicats. Certaines de ses décisions donnent cependant un avant-goût des premiers mois de sa présidence.

Obama a déjà pris une série de décisions, notamment sur son entourage et son futur gouvernement. Rouge [1] a déjà évoqué le lourd passé des conseillers économiques néolibéraux avec lesquels il allait travailler. Mais on peut aussi parler de ceux qu’il va charger des dossiers de politique étrangère, et notamment des guerres en cours ou des relations avec des alliés belliqueux comme Israël. Si sa nouvelle équipe élimine certains des plus conservateurs de l’équipe Bush, elle maintient Robert Gates à la tête du Pentagone, un homme que Bush est allé chercher pour mieux poursuivre sa politique, après sa défaite aux élections de mi-mandat en 2006. Si on évoque la fermeture possible de Guantanamo, symbole du caractère extrême et liberticide de la « guerre contre le terrorisme », on ne parle pas de la fin de cette guerre elle-même. La continuité en la matière est même garantie par des hommes comme Robert Gates, ministre de la Défense depuis deux ans et qui a occupé des fonctions de haut rang, à la CIA, jusqu’en 1993.

La probable nomination d’Hillary Clinton comme secrétaire d’État n’est certes pas dans la pleine continuité du gouvernement Bush, mais elle ne correspond pas non plus à une rupture progressiste avec les politiques démocrates, qu’une partie des électeurs d’Obama espère encore. Éric Holder, attendu au ministère de la Justice, est aussi issu de la sphère Clinton et, même s’il se dit opposé à la peine de mort, il n’en a pas fait une affaire d’État quand il était l’adjoint de la ministre de la Justice de Bill Clinton. Il a plutôt favorisé diverses grâces de politiciens démocrates et il a été favorable à la remise en cause de la convention de Genève dans le contexte du 11 Septembre. Bill Richardson, qui devait occuper le poste de ministre du Commerce, a dû y renoncer, car il vient d’être inculpé pour corruption…

Parallèlement, Obama se doit d’envoyer quelques signaux en direction des salariés. La ministre du Travail qu’il doit nommer, Hilda Solis, est une parlementaire considérée comme l’une des plus progressistes, et cela permettra à une partie de la main-d’œuvre immigrée latino-américaine, nombreuse et plutôt combative, de s’y identifier. Cela montre que les attentes de réelles réformes sociales de certains électeurs exercent une certaine pression sur Obama. Pression toute relative, mais qui semble plus élevée qu’elle n’a été depuis longtemps, sans pour autant être vraiment organisée à ce stade.

L’un des principaux revers, pour tous ceux qui attendaient un changement positif, est venu du côté des droits des homosexuels, notamment en Californie, avec le vote de la proposition annulant le droit au mariage homosexuel existant dans cet État. Dans ce contexte, qui a vu une mobilisation non négligeable émerger courant novembre, Obama maintient ses bons rapports avec l’influent pasteur anti-avortement et homophobe Rick Warren, qu’il a invité à sa cérémonie d’investiture.

Obama a su se construire une image de renouveau, alors que les choix politiques faits depuis plusieurs années, voire plusieurs décennies, plongent les États-Unis dans de grandes difficultés. Mais à quels changements peut-on croire ? Plus que jamais, Obama est là pour défendre la même classe dirigeante que Bush. Ce qui ne veut pas dire que rien ne va changer mais, si les mobilisations des salariés et de la jeunesse ne se renforcent pas, il ne s’agira que d’un simple changement pour assurer la continuité, sur le plan international, sur les mesures contre la crise, ou sur les quelques attentes un peu précises exprimées par les salariés concernant les droits syndicaux, les salaires, le statut des sans-papiers et la couverture santé.


[1] n° 2279, 18 décembre 2008. Voir aussi sur ESSF : Economie : Obama choisit ceux qui ont échoué

* Paru dans Rouge n° 2282, 15/01/2009.

Mots-clés : États-Unis International

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