Édition du 23 avril 2024

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Politique québécoise

Pourquoi Lysiane Gagnon s’attaque-t-elle au député A. Khadir et au PAJU ?

La semaine dernière, madame Lysiane Gagnon, chroniqueuse au journal La Presse, s’est permis une attaque en règle contre le député Amir Khadir en le qualifiant d’entrée de jeu de fanatique. « Khadir le fanatique », titre-t-elle. Monsieur Khadir étant parfaitement capable de se défendre lui-même, j’interviens plutôt sur le sens de l’article.
29 décembre 2010

Globalement, l’article de madame Gagnon reflète le vieil adage : quand le message nous déplaît, on tire sur le messager. Pourquoi ? Parce que le terme « fanatique » n’est pas anodin. Comme le dit monsieur Elie Wiesel : « Le fanatique, c’est quelqu’un qui connaît toutes les réponses mais qui ne connaît pas les questions. Ni les dialogues. Le fanatisme n’est pas seulement armé, mais il est suicidaire et nucléaire et tente d’exterminer Israël. C’est lourd, c’est effarant », déclare le prix Nobel de la Paix (Miotto, Patricia, Le Devoir, 28 décembre 2010) ». Est-ce qu’éliminer Israël représente vraiment l’intention du député Khadir ? Poser la question, c’est y répondre. Bien sûr que non. Si on jette un regard sur ses positions antérieures, il s’est prononcé contre certaines politiques guerrières d’Israël. Sans se gêner, madame manipule les raisonnements douteux et les attaques contre la personne du député Khadir pour laisser entendre qu’il serait un dangereux fanatique.

Essentiellement, elle lui reproche d’avoir participé à une manifestation organisée par le PAJU (organisation militante formée de membres d’origine juive, palestinienne et canadienne qui militent contre les politiques guerrières d’Israël et pour le respect des droits des Palestiniens) devant un magasin de chaussures qui vend des produits israéliens. Il s’agit du magasin où madame Gagnon achète ses souliers, souligne-t-elle…

À la lecture de son article, on se demande bien pourquoi au juste madame Gagnon s’en prend à la participation du député Khadir à une manifestation dans le cadre d’une campagne de boycott de produits israéliens. Elle donne l’impression de vouloir surtout discréditer la personnalité publique qu’est devenu Amir Khadir, le député le plus populaire, révèlent les sondages parce que la population le perçoit comme un élu représentatif de ses aspirations. Faute de motifs solides, elle cherche à le peindre en diable ou en monstre pour se justifier de lui faire un procès sur la place publique. La tactique est vieille comme le monde.

Regardons plus en détail l’argumentation de madame Gagnon en analysant quelques extraits. Ainsi, elle mentionne l’origine nationale du député Khadir alors que cela n’a rien à voir avec sa participation à la manifestation : « pourquoi ne pas boycotter les produits de l’Iran, pays d’origine de M. Khadir, où les femmes sont lapidées et les dissidents torturés ? Mais, comme le signalait M. Monté dans Cyberpresse, on n’a jamais vu M. Khadir « manifester devant un des nombreux restaurants iraniens… » Voilà l’exemple parfait d’un sophisme c’est-à-dire une conclusion fausse parce que l’argumentation repose sur de faux arguments (prémisses) ! Un tel propos ne correspond à aucun raisonnement logique. Sans le dire ouvertement, madame Gagnon évoque l’origine du député Khadir comme arme démagogique : c’est un type d’origine étrangère, insinue-t-elle, alors attention ! Il représente peut-être une menace, semble-t-elle dire. En d’autres mots, madame Gagnon vise à semer le doute chez les personnes qui acceptent facilement les raisonnements à contenu xénophobe quand on est à court d’arguments crédibles. En utilisant une telle argumentation tordue et faible pour justifier sa colère, madame Gagnon attaque avec désinvolture et invite à un rejet implicite du député Khadir, ce qui est une tactique vicieuse.

Dans le reste de l’article, étrangement, les « gros mots » ne manquent pas. Non seulement elle le traite de « radical fanatique », mais elle choisit des termes qui choquent toujours l’imagination populaire et font leur effet ; monsieur Khadir pratiquerait « l’antisionisme obsessionnel » (ce doit être une maladie grave…). Cela signifie-t-il qu’il ne faut jamais critiquer certaines politiques israéliennes ? Et elle poursuit : il manifestait « de concert avec quelques camarades du Parti communiste » (sous-entendu, Amir Khadir est un méchant communiste). Et en passant, pourquoi pas un coup de pied à PAJU, « une organisation dont l’unique vocation est de diaboliser Israël, » affirme-t-elle. Évidemment, le député Khadir était, ajoute-t-elle, « avec une bande de militants… » (avec un certain mépris dans le ton, une bande de militants est une formule-choc pour signifier une bande de vauriens, d’hurluberlus, de rêveurs voire de « crottés » indésirables comme disent les bien-pensants entre eux pour justifier leurs actions répressives…). Et ça suffit pour ajouter au discrédit. Et enfin, poursuivons la description de la charge émotive de madame Gagnon : « il cède à un chantage injustifié dont les motivations sont éminemment suspectes… », écrit-elle ; en d’autres termes, Amir Khadir n’est probablement pas un député honnête… Il cacherait des projets douteux… Encore une fois, il vaut mieux se méfier d’un tel personnage, affirme-t-elle entre les lignes.

En résumé, l’utilisation de clichés, de stéréotypes et d’arguments fallacieux, y compris à couleur xénophobe, s’avère une tactique démagogique risquée, car elle ne respecte pas les règles d’honnêteté intellectuelle qui devraient prévaloir dans un débat politique rigoureux et honnête. Et surtout, il alimente le virus de la xénophobie et de la discrimination à l’égard des citoyens et citoyennes nés à l’étranger qui osent contester l’ordre établi.

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