Édition du 23 avril 2024

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Réactions de la CSN au rapport Castonguay : une intuition porteuse et plusieurs vieilles idées qui accentuent les inégalités à mettre au placard

La CSN tient d’abord à saluer l’idée de la mise en place d’un fonds de stabilisation dédié à la santé. « Nous le disons depuis longtemps, le réseau public de santé a besoin d’oxygène et donc d’investissement pour remplir correctement sa mission. » Réagissant au dévoilement des recommandations du rapport Castonguay, la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau, rejette cependant le principe d’utilisateur payeur. Elle préfère de loin que le gouvernement du Québec récupère la totalité du 1% de la taxe de vente que vient de délaisser le gouvernement fédéral. Claudette Carbonneau « Demandez aux Québécoises et aux Québécois, s’ils voient une différence dans leurs poches avec cette baisse de taxe ? Ils vous répondront que non, alors que cette somme, qui atteint un milliard annuellement, peut faire la différence dans notre réseau de santé et représente une voie beaucoup plus équitable. C’est notre argent, l’argent du déséquilibre fiscal, d’autant que les sommes récupérées par le gouvernement provincial ont été dilapidées dans des baisses d’impôts, contrairement au souhait de la majorité de la population. »

NON à la contribution des usagers

La CSN est contre la mise en place d’un ticket modérateur déguisé sous la forme d’un système de franchise en fonction du nombre de visites chez le médecin et du revenu de l’utilisateur. Pour la présidente de la CSN, « le principe de l’utilisateur payeur comporte plusieurs dangers et est inacceptable dans un secteur aussi névralgique que la santé. Il constitue une entorse à l’universalité et un bris de solidarité. Il ajoute aux problèmes d’accès actuels une contrainte supplémentaire reliée au fait de payer un montant pour un service obtenu. Nous croyons que des conséquences sont à prévoir sur les efforts de prévention, parce que cela n’encouragera pas les suivis réguliers. L’administration de la contribution proposée sera, en outre, excessivement lourde en regard des sommes à recueillir, somme toute, pas si élevées. »

Ouvrir un grand chantier sur la première ligne

La CSN tient à saluer l’attention que porte le groupe Castonguay à la réorganisation des soins de première ligne. « Si nous ne sommes pas d’accord avec toutes les initiatives proposées, nous croyons, nous aussi, que la consolidation de la première ligne, constitue un incontournable », de poursuivre Claudette Carbonneau. La CSN veut d’ailleurs s’inscrire dans ce débat et croit que le gouvernement doit ouvrir un grand chantier à cet égard pour mettre en œuvre un certain nombre de solutions avec tous les acteurs du réseau de la santé.

Un rapport dissident sur trois points

La dissidence d’un des membres du groupe Castonguay ainsi que les arguments de nombreux intervenants du monde de la santé n’auront toutefois pas réussi à modifier la trajectoire de son président sur trois aspects majeurs. « Nous avions dit que le rapport Castonguay était écrit d’avance. Nous ne nous sommes pas trompés. Recours accru aux assurances privées, décloisonnement des pratiques médicales, hôpitaux publics gérés par le privé : nous retrouvons les mêmes positions défendues par M. Castonguay depuis longtemps », estime la présidente de la Confédération des syndicats nationaux, Claudette Carbonneau. Pour la CSN, il s’agit de propositions qui vont faire reculer le Québec.

Recours accru aux assurances privées

Pour la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau, l’élargissement du recours aux assurances privées ne constitue pas, non plus, une solution. « Avec l’explosion du coût des régimes privés d’assurance collective (110 % en moyenne depuis 10 ans et la tendance semble vouloir se maintenir pour les prochaines années), comment peut-on penser ajouter de nouvelles garanties pour de nouvelles interventions chirurgicales ? », se demande Mme Carbonneau.

L’impact de ces augmentations sur les salarié-es a déjà conduit certains groupes à carrément abandonner leur régime d’assurance collective alors que d’autres se sont vus dans l’obligation de réduire les garanties offertes : la chambre d’hôpital semi-privée ou privée n’est plus couverte, la liste des médicaments admissibles a été réduite, les franchises ont augmenté, le remboursement pour les soins de physiothérapie a été réduit de moitié. « Avec un désengagement des employeurs qui, de plus en plus, gèlent leur contribution, c’est une crise de l’assurance collective qui pointe à l’horizon. Et on veut nous faire croire qu’il y a au Québec un marché de l’assurance duplicative ? », de poursuivre la leader syndicale.
Mixité de pratique des médecins

« Dans le contexte de pénurie actuelle, permettre à un médecin de travailler à la fois dans le privé et le public ne peut qu’accentuer le phénomène de pénurie, de dénoncer la présidente de la CSN. Si les médecins ne sont pas en mesure de travailler parce que des salles d’opération sont fermées dans les hôpitaux, il faut tout faire pour régler ce problème et investir là les sommes et les énergies nécessaires plutôt que de les donner au privé et encourager ainsi un autre exode, celui des infirmières et autres professionnels de la santé. Il faut investir dans les centres ambulatoires publics, comme celui de Maisonneuve Rosemont, ouvert en 2005, et qui ne fonctionne toujours pas à pleine capacité. »

« Jusqu’à aujourd’hui, c’est cette étanchéité qui a protégé le système public. Déjà de plus en plus de médecins profitent du fait qu’ils peuvent entrer et sortir du système très facilement pour aller faire du temps chaque mois dans le privé. Cette situation est à la limite du tolérable », soutient Mme Carbonneau.

Hôpitaux publics gérés par le privé

Alors que le gouvernement prévoit accorder des contrats en PPP, pour la construction et la gestion des bâtisses de nouveaux hôpitaux, le groupe Castonguay va encore plus loin et veut confier la gestion des hôpitaux au privé. Pour la présidente de la CSN, « c’est totalement impensable. Où seront les marges de profit pour ces gestionnaires privés ? Quelle sorte d’arbitrage feront-ils pour les conserver, s’insurge la présidente de la CSN. Dans le marché de l’assurance privée aux États-Unis, il est démontré que pour réduire les coûts on établit toute sorte de contrôle sur les traitements. Quels intérêts auront préséance : la santé des patients ou la rentabilité des gestionnaires et le rendement aux actionnaires ? Les questions sans réponses demeurent nombreuses. »

Le ministre doit donner un signal clair

« Nous demandons maintenant au ministre de la Santé d’indiquer clairement ses intentions à la suite du dévoilement du rapport Castonguay. Nous lui demandons de rejeter le recours aux assurances privées, la mixité de pratique des médecins et la gestion des nouveaux hôpitaux par le privé. Nous attendons un signal clair de sa volonté de consolider le réseau public et de régler les problèmes d’accessibilité. Surtout, nous souhaitons qu’il ne profite pas de l’effet médiatique du rapport pour passer en douce son projet de règlement sur les centres médicaux spécialisés. Le ministre doit s’engager devant les Québécoises et les Québécois à colmater une fois pour toutes les zones grises de sa loi 33 pour mettre fin à la confusion qui règne actuellement. »

La CSN regroupe plus de 300 000 travailleuses et travailleurs, usagères et usagers des services de santé dont une part importante de la protection sociale repose sur l’existence d’un régime public et universel de santé. La CSN compte 110 000 travailleuses et travailleurs dans le secteur de la santé et des services sociaux, ce qui en fait la centrale la plus représentative dans ce secteur.


Source : CSN - 19 février 2008

Mots-clés : Communiqués

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