Édition du 23 avril 2024

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International

L’irrémédiable décadence de la monarchie espagnole

Suite aux incidents survenus lors du XVIIème sommet ibéroaméricain, la complaisante presse espagnole s’est empressée d’attribuer la responsabilité de l’affrontement entre les représentants de l’Espagne et du Venezuela aux paroles du président vénézuélien, en passant sous silence le rôle obscur et grossier de Juan Carlos de Bourbon.

Tous les journaux courtisans espagnols ont serré les rangs pour défendre la monarchie, amenant même les éditorialistes de El País à considérer que Juan Carlos de Bourbon « a rempli son rôle », bien qu’ils se contredisent plus tard en montrant leur préoccupation pour les incidents répétés qu’il provoque, montrant par là leur désir que « la personne du Roi ne devrait pas figurer davantage au premier plan politique ».

Cependant, malgré l’insistance de cette presse courtisane, le plus significatif pour l’Espagne dans ce sommet ibéroaméricain n’ont pas été les accusations du Président vénézuélien Chávez à l’encontre de l’ex-Premier ministre espagnol José Maria Aznar. Ce qui devrait faire réfléchir les citoyens sont les dures accusations faites par les représentants de divers pays à l’encontre d’entreprises espagnoles et des comportements de la diplomatie espagnole. Parce que, par exemple, il est prouvé que l’ambassade espagnole à Caracas a reçu, en 2002, des instructions précises du Premier ministre Aznar pour appuyer le coup d’État au Venezuela, en complicité avec Washington. Ce qui devrait poser question en Espagne, ce sont les paroles de Daniel Ortega, accusant la diplomatie espagnole d’ingérence dans les processus électoraux du Nicaragua, et de collaboration avec la droite dans ce pays pour éviter le triomphe électoral du Front Sandiniste. De même, ce qui devrait être un motif de grande interrogation, ce sont les dénonciations envers la Unión Fenosa, accusée d’user de méthodes de gangsters en Amérique Latine. Et devraient aussi poser question les critiques encore plus dures du Président Nestor Kirchner envers les procédés des entreprises espagnoles en Argentine. Parce que ce qui est significatif dans l’affrontement de Santiago du Chili est la distanciation progressive entre une partie importante de l’Amérique Latine et l’Espagne, à cause de l’avidité et de la rapacité des entreprises espagnoles. Mais tout cela, la presse espagnole l’a jusqu’ici passé sous silence.

Le résumé hâtif fait en Espagne, sur diverses chaînes de télévision, sélectionnant arbitrairement certaines interventions de Chávez avec l’intention de le présenter comme un dirigeant bagarreur, choque par rapport à l’extrême amabilité avec laquelle ont été traités d’autres présidents, à commencer par Bush, et jusqu’à José Maria Aznar. Cette presse espagnole, qui se déchire les vêtements devant le qualificatif de « fasciste » lancé par Chávez à Aznar, n’a pas réagi de la même façon quand ce dernier a insulté Chávez, comme l’a rappelé au sommet chilien le Vice-président cubain Carlos Lage. Aznar a traité Chávez de « nouveau dictateur », a parlé d’un prétendu « retour au nazisme », a dénoncé « l’énorme danger pour l’Amérique Latine » que représente le Venezuela, a accusé le Président vénézuélien d’être un défenseur de « l’abus de pouvoir, de la tyrannie et de l’appauvrissement », entre autres multiples expressions similaires. Aznar, de plus, a appuyé le coup d’État pour renverser Chávez et instaurer une dictature militaire. Devant tout cela, de quelle manière la presse espagnole s’attend-elle à ce que le Président vénézuélien traite Aznar ?

Telle était la réalité à Santiago du Chili et, devant elle, Juan Carlos de Bourbon a voulu faire taire Chávez . Pourquoi Juan Carlos de Bourbon s’est-il senti offensé devant les critiques de Chávez à Aznar ? Comment le monarque croit-il qu’il faille qualifier un ex-Premier ministre qui a appuyé un coup d’État militaire visant à détruire les institutions démocratiques vénézuéliennes ? Pourquoi a-t-il ressenti comme une attaque la description du comportement honteux des multinationales espagnoles en Amérique Latine, dénoncées non seulement par Chávez , mais aussi par Correa, le Président de l’Équateur, par le Nicaraguayen Ortega et le Bolivien Morales, et même par un Président très modéré comme l’Argentin Kirchner ?
Parce que le plus significatif sur la scène chilienne n’a pas été le langage plus ou moins diplomatique des participants de la réunion, le plus important n’a pas étél’emportement ou les qualificatifs utilisés, bien qu’ils retentissent maintenant dans certaines réunions qui habituellement se déroulent dans des flots de paroles pleines de rhétorique vide, et entre les félicitations, baisemains et flatteries dont est tellement friand Juan Carlos de Bourbon, habitué qu’il est à ce qu’en Espagne tous lui rendent grâce. Le plus significatif est la distance, qui s’accroît entre une Amérique Latine qui, avec raison, veut sortir de la pauvreté, et certaines entreprises qui, comme l’a fait le monarque, se comportent à la façon d’un gros dur de bistrot !

En effet, pour qui donc Juan Carlos de Bourbon se prend-il pour se comporter comme il l’a fait ? Penserait-il par hasard qu’il a autorité sur les Présidents et les peuples d’Amérique Latine ? Aurait-il cru à sa propre légende, inventée par l’inqualifiable Maison Royale, qui continue à vanter le grand prestige de Juan Carlos de Bourbon ? Tout d’abord, le monarque espagnol était le seul chef d’État présent au sommet chilien à ne pas avoir été élu par son peuple. Rodriguez Zapatero lui-même, qui a défendu Aznar avec l’argument qu’il avait été élu démocratiquement en son temps, s’est contredit, puisqu’il se tenait aux côtés de Juan Carlos de Bourbon, à propos duquel il n’a pas rappelé la même chose.

Le geste furieux de Juan Carlos de Bourbon tentant de faire taire le Président vénézuélien, usurpant les fonctions de celle qui présidait la session, parlant de façon inconvenante et quittant la salle avec une mauvaise éducation et un manque de sens diplomatique, au moment précis où l’on critiquait la conduite des multinationales espagnoles, démontre la véritable nature de ce monarque, q ces cercles industriels qui lui ont financé des caprices honteux. Accoutumé à ce qu’on lui rende grâce, aux blagues grossières, aux commentaires insipides, cet « excellent professionnel », comme le définissent ses adulateurs, s’est révélé être un individu sans manières, qui se sent blessé quand on dénonce les pratiques de corruption des entreprises espagnoles en Amérique.

L’incompétence et la grossièreté montrées par Juan Carlos de Bourbon, dont le visage après l’incident trahissait le malaise, l’inoccultable honte, est la énième preuve de ce que l’Espagne ne peut supporter plus longtemps un chef d’État pareil, que les Espagnols méritent une république parmi d’autres, en abandonnant le pesant héritage du franquisme, imposé aux citoyens il y a 30 ans déjà. Parce que cette attitude qui a été la sienne n’est pas nouvelle. Ne se souvient-on pas ainsi du geste du monarque levant l’index en un désagréable geste insolent devant la contestation de citoyens du Pays Basque ? Ou encore des grossieretés proférées avant le défilé d’octobre ? Tel est le monarque espagnol, complaisant avec la grande industrie, impliqué dans des commerces troubles qui lui assurent des rentes de millionnaire, indifférent aux problèmes réels des Espagnols, un homme qui consacre presque tout son temps à ses affaires privées, impassible devant la corruption qui gangrène l’Espagne. Juan Carlos de Bourbon, si complaisant avec Bush ou les rois d’Arabie ou du Maroc, est incapable de dire au Président nord-américain la moindre parole contre l’infâme agression en Irak, qui a causé des centaines de milliers de morts, mais qui cependant perd les pédales devant une accusation fondée à l’encontre d’un exPpremier ministre espagnol.

Le spectacle déplorable et pathétique offert par le monarque, perdant les pédales, est une preuve de plus que l’Espagne ne doit pas continuer à supporter une monarchie antidémocratique et inutile, bien que les citoyens de ce pays ne doivent pas ressentir de honte, car Juan Carlos de Bourbon ne les représente pas. Ceux qui ont fait de l’adulation du monarque espagnol un apostolat et un commerce, pontifiant sur le « rôle bénéfique » que joue Juan Carlos de Bourbon en tant que représentant de l’Espagne, peuvent constater maintenant que ce monarque ne sert pas à grand-chose d’autre qu’à échanger des blagues insignifiantes au cours de réunions et à maintenir toute sa famille à la charge des deniers publics et que, de plus, il se comporte comme une grande gueule de bistrot. Les temps changent car, bien que l’éditorialiste de El País le déplore, quand tous les murs construits pour soutenir le grand mensonge qu’est une monarchie imposée, commencent à se fissurer, nous assistons aussi à l’irrémédiable décadence de Juan Carlos de Bourbon et à l’annonce de la IIIème République espagnole.


Source :

http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=4125&lg=fr

Article original publié le 12 Novembre 2007
http://www.rebelion.org/noticia.php?id=58880

Traduit par J-L Seillier pour michelcollon.info et révisé par Fausto Giudice, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est libre de reproduction, à condition d’en respecter l’intégrité et d’en mentionner l’auteur, le traducteur, le réviseur et la source.

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