Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Europe

Le racisme, la France ou les chroniques de la saloperie ordinaire

Le racisme exprime-t-il une poussée de l’extrême-droite, ou pas  ; lutter contre le sentiment d’insécurité, est-ce légitime, ou pas  ; la lutte des classes aura-t-elle raison du racisme, ou pas  ?

Des colloques, des publications, des plateaux télé multiplient les occasions de poser ces questions sans jamais parvenir à opposer un obstacle sérieux à ce que le fantasme d’une invasion musulmane, d’une invasion étrangère qui dénatureraient la France, la Suisse, l’Europe s’impose au cœur du débat politique.

Est-il difficile de travailler à réunir toutes celles et tous ceux qui ne supportent plus cette manipulation, ou sommes-nous devenus si rares ?

Le racisme en toile de fond

L’UMP organisait le 5 avril à Paris sa convention sur la laïcité et l’islam.

Pour la justifier, Claude Guéant, depuis peu ministre de l’Intérieur, assénait les clichés racistes comme on assomme les bœufs : «  En 1905, il y avait très peu de musulmans en France, aujourd’hui il y en a entre 5 et 10 millions [1] […] Cet accroissement du nombre de fidèles et un certain nombre de comportements posent problème […] Il est clair que les prières dans les rues choquent un certain nombre de concitoyens […] Et les responsables des grandes religions ont bien conscience que ce type de pratiques leur porte préjudice […] La question interpelle nos concitoyens : nombreux sont ceux qui pensent qu’il y a des entorses à la laïcité. » [2]

Durant plusieurs semaines, alors que le parti sarkozyste louvoie d’un lâcher de dictateurs au lancement de guerres coloniales, Jean-François Copé s’est efforcé de gonfler la croyance en une question musulmane en chantant sur tous les tons l’importance de sa convention.

«  C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes  »

Le flop ridicule de l’absurde projet importe peu. Il permet à Claude Guéant d’annoncer immédiatement la réduction de l’immigration légale, la limitation du regroupement familial.

Applaudi par l’ex-socialiste Eric Besson, aujourd’hui ministre de l’Industrie, qui a payé ses galons au Ministère de l’immigration et de l’identité nationale : «  L’immigration doit être adaptée à notre capacité d’intégration  ».

Et flatté par le centriste Hervé Morin, ex-ministre de la Défense, pour qui : «  Il appartient au ministre de l’Intérieur de fixer les conditions de la régulation de l’immigration  ». Et par Georges Tron, secrétaire d’Etat à la Fonction publique…

Avant Claude Guéant, le ministre de l’intérieur avait été Brice Hortefeux après son départ du Ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale que Fillon lui avait créé le 18 mai 2007. Ce ministère disparaît en novembre 2010 et le ministère de l’Intérieur est alors renommé ministère de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration.

Claude Guéant Brice Hortefeux, bonnet blanc blanc bonnet. A l’Université d’été 2009 de l’UMP, Hortefeux posant avec un jeune militant d’origine maghrébine, déclarait : « Il ne correspond pas du tout au prototype. Il en faut toujours un. Quand il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes  ».

Poursuivi par le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) pour «  diffamation à caractère raciste  » ou pour injures raciales, Brice Hortefeux est condamné le 4 juin 2010, par le tribunal correctionnel de Paris à 750 euros d’amende pour injure non publique envers un groupe de personnes à raison de leur origine, à 2000 euros de dommages et intérêts à payer au MRAP, et à la publication d’un communiqué de presse, compte tenu de «  l’effet délétère sur le lien social d’un tel propos, quand il est tenu par un responsable de si haut niveau  ».

Marine Le Pen et le front national

Sont-ils d’extrême-droite ces politiciens de l’UMP ? Cherchent-ils à débaucher sur son terrain l’électorat du Front national, comme le croient encore certains, ou expriment-ils leur conviction profonde de protéger l’identité nationale contre son altération excessive comme n’importe quel défenseur suisse de l’Überfremdungsdiskurs  ?

Et Marine Le Pen, qui booste son parti à grands coups de déclarations sociales et républicaines, qui se prépare pour le second tour de la présidentielle de 2012, est-elle d’extrême droite lorsqu’elle touille jusque dans le vieux fonds du gaullisme de gauche ?

La réglette à mesurer la distance d’un hypothétique centre a-t-elle du sens ? Ne faut-il pas plutôt combattre le racisme et l’impérialisme colonial au nom des droits de tous les peuples opprimés et des travailleurs exploités, dans les pays soumis comme dans les métropoles occidentales ?

L’auteur est militant à ACOR SOS Racisme

Karl Grünberg

SOS racisme France

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