Édition du 23 avril 2024

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Premières Nations

Les Algonquins du Lac Barrière protestent contre les opérations forestières non-autorisées sur leur territoire

À peu près 450 Mitchikanibikoklnik (Algonquins du Lac Barrière) vivent sur leur territoire traditionnel, aujourd’hui connu sous le nom de Parc de La Vérendrye. Durant les derniers jours ils ont utilisé des méthodes non-violentes pour bloquer des opérations forestières dévastatrices sur leur territoire dans l’ouest du Québec.

Le 24 novembre dernier, le Chef et la Conseil de la communauté ont envoyé une lettre au Gouvernement du Québec, lui demandant de respecter des accords signées avec le Lac Barrière, qui sont censés empêcher la coupe forestière sur des lieux d’importance écologique ou culturel.

« Nous essayons de protéger et de prendre soin du territoire et des eaux pour les générations futures de la société autochtone et non-autochtone » explique Norman Matchewan, un conseiller de la communauté.

En 1991, le Lac Barrière a signé l’Accord trilatéral, d’une importance historique, avec les gouvernements du Québec et du Canada. Il visait l’établissement d’un système sans précédent de gestion durable de plus de 10 000 kilomètres carrés de territoire traditionnel qui n’a jamais été cédé.

En 1998, le Lac Barrière et le Québec ont signé un accord subséquent, pour la négociation du cogestion du territoire, pour le partage de revenus provenant des ressources, et pour des raisons liées. Quelques 100 millions de dollars de ressources sont extraites de leur territoire chaque année, sans que la communauté ne reçoive de redevances.

Les gouvernements du Québec et du Canada refusent de respecter les accords de 1991 et 1998 et permettent aux compagnies forestières de faire de la coupe à blanc sur des énormes tracts de terre, et ceci sans consultation avec la communauté.

Il y a trois semaines, des représentants de la la Sûreté du Québec ont rendu visite au Chef de Lac Barrière, Casey Ratt, le samedi matin, chez-lui.

Dans une lettre au gouvernement du Québec, le chef et le conseil de la communauté écrivent : « Lorsque nous essayons avec nos modestes moyens de protéger nos ressources d’exploitation injuste, vous assurez que le Sûreté du Québec sont présents pour nous intimider, ce qui se traduit en journées en court et souvent en peines et en emprisonnements. »

« Nous utiliserons tous nos moyens, bien qu’ils soient limités, pour protéger notre territoire et nos sites culturels, même si cela implique à nouveau les tactiques de bras de fer de la Sureté du Québec. Nous sommes prêts à faire face aux conséquences ».
Mardi le 3 décembre dernier, Michel Thusky ainé de la communauté est venu à Montréal expliquer la situation et faire le point sur leurs revendications. Une cinquantaine de personnes assistaient à cette conférence organisée par le comité de solidarité avec les Algonquins du Lac Barrière. Son objectif principal : élargir l’appui afin d’influencer le gouvernement. La même semaine Québec solidaire présentait une motion d’appui à la communauté Algonquine à l’assemblée nationale.

Les principaux éléments de son allocution sont résumés dans un dépliant dont voici le contenu :

1- Pas de coupe forestière sans l’avis de la communauté

La destruction Poignan

Produits Forestiers Résolu, une compagnie basée à Montréal, a détruit des sites historiques et sacrés dans le secteur Poignan en 2012, après des tensions avec des membres de la communauté. Ces sites sont essentiels à la survie culturelle des prochaines générations. Le conflit et la destruction ont également réouvert des plaies profondes pour ceux et celles qui ont subi les souffrances dans les écoles résidentielles et pour qui la connexion au territoire est une composante essentielle du processus de guérison.

Dans notre communauté,les familles jouent un rôle clé décisionnel. Nos familles préfèrent ne pas avoir de coupe à blanc sur nos territoires de chasse et de récolte. Cependant nous comprenons qu’une certaine quantité de coupe aura lieu. Dans un esprit de coexistence et afin d’assurer notre survie, les membres de notre communauté qui choisissent de négocier autour de la coupe sur les territoires de leurs familles ont droit à la protection des sites qui ont soit une importance culturelle soit une importance pour la faune.

La dévastation a des répercussions sur les relations entre les membres de la communauté, et même au sein des familles. Comment les jeunes pourraient-ils comprendre la valeur d’un site sacré identifié par leurs parents, s’il est saccagé par des coupes à blanc ? Comment les parents peuvent-ils choisir entre se taire ou se faire envoyer en prison ?
Nous réclamons que la communauté joue un rôle central dans l’identification et la protection des lieux importants, et que ceci soit basé sur les connaissances et les besoins de la communauté, ainsi que sur le plan de gestion intégrée des ressources, déjà établi.

2- Pas d’exploration minière sans consentement

La compagnie minière Copper One a soutenu qu’elle continuera l’exploration d’un projet dans la Rivière Doré, situé au cœur de notre territoire, et ceci malgré nos déclarations à multiples reprises, à l’effet qu’ils n’ont pas notre consentement pour procéder.

Notre communauté voit cette exploitation minière comme la fin de notre identité. Ce serait comme nous enterrer vivants.
Notre identité demeure vivante à travers notre connexion au territoire et aux sites sacrés historiques et lieux d’offrandes que nos ainé-e-s nous ont montrés. Le projet minier causerait des torts irréparables à ces sites et à notre existence en tant qu’êtres humains.

Si le projet va de l’avant, l’exploitation minière détruirait aussi la population d’esturgeons de par ses effets sur les lieux de reproduction, qui ont déjà été identifiés à travers l’Entente trilatérale (de coexistence) de 1991. De plus l’exploitation minière aurait lieu tout près de l’origine des rivières Ottawa et Gatineau, ce qui aurait des effets sur plusieurs communautés telles que la nôtre, le long de ces rivières.

3- Pas de raccordement au réseau électrique sans un plan communautaire

Depuis de nombreuses années, notre communauté est alimentée par des génératrices au diesel. Malgré le fait que nos territoires aient été inondés pour la création de réservoirs, nous n’avons jamais été connectés au réseau hydroélectrique.

L’électricité utilisée par les résidents de la réserve est payée collectivement par la communauté. Récemment les gouvernements du Québec et du Canada ont signé un accord pour le raccordement de la communauté au réseau hydroélectrique, présumant que chaque famille pourra payer les factures d’Hydro-Québec.

Cet accord a été fait sans notre participation et pourrait entrainer des conséquences importantes pour certain-e-s membres de notre communauté qui font déjà face à des conditions de vie très difficiles. Nous demandons que le raccordement ne se poursuive pas avant la préparation d’un plan communautaire qui pourra nous outiller pour faire face à cette situation.

Ce dont la communauté a besoin

1- Une voix dans la gestion de notre territoire traditionnel, surtout quant aux 10 000 km2 reconnus dans l’Entente trilatérale.

2- L’appui des gouvernements du Québec et du Canada pour la mise en œuvre du Plan de gestion intégrée des ressources.

3- Davantage de participation des membres de la communauté dans l’économie de la région.

4- L’expansion de la réserve et la construction de logements dont nous avons tant besoin.

5- Le partage des revenus des opérations forestières, de la pêche de la chasse, et d’autres activités récréatives, afin d’appuyer les membres de la communauté qui sont en transition et répondre aux besoins les plus criants.

Pour plus d’informations, contactez : barrierelakesolidarity@gmail.com ou visitez
www.solidaritelacbarriere.org ou htts ://www.facebook.com/BarrierelakeSolidarity

André Frappier

Militant impliqué dans la solidarité avec le peuple Chilien contre le coup d’état de 1973, son parcours syndical au STTP et à la FTQ durant 35 ans a été marqué par la nécessaire solidarité internationale. Il est impliqué dans la gauche québécoise et canadienne et milite au sein de Québec solidaire depuis sa création. Co-auteur du Printemps des carrés rouges pubié en 2013, il fait partie du comité de rédaction de Presse-toi à gauche et signe une chronique dans la revue Canadian Dimension.

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