Édition du 30 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Négociation secteur public et parapublic : Dernière semaine de négociation avant la pause du temps des Fêtes

La semaine qui vient de se clore (du 6 au 12 décembre) a commencé avec la conclusion d’une entente de principe (deuxième version) entre le Conseil du trésor et la FIQ.

Cette proposition d’entente de principe a été avalisée par 82% des déléguées qui participaient au Conseil national de la Fédération. Elle prévoit, entre autres choses, un ajout de ressources (1000 postes à temps complet), une prime « d’attraction-rétention », la réduction de la main-d’œuvre indépendante, une mesure susceptible de favoriser la conciliation travail-famille et l’ajout de 500 équivalents à temps complet dans les centres d’activités en médecine-chirurgie.

La question que nous pouvons nous poser, à ce moment-ci, face à ce document, est la suivante : compte tenu des énormes besoins dans le réseau de la santé, les résultats obtenus sont-ils réellement susceptibles de régler les problèmes de rétention du personnel infirmier et des autres salariéEs syndiquéEs représentés par la FIQ ? Les Assemblées générales seront invitées à se prononcer, par référendum, sur une « Entente de principe globale ». Donc, uniquement quand il y aura une proposition de règlement portant également sur le salaire, la retraite, les droits parentaux et les disparités régionales. À quand cette entente globale ? NulLE ne saurait le dire, mis à part François Legault.

http://www.fiqsante.qc.ca/nego2020/2020/12/08/negociation-des-professionnelles-en-soins-les-deleguees-de-la-fiq-et-de-la-fiqp-enterinent-a-forte-majorite-la-nouvelle-entente-de-principe-sur-les-matieres-sectorielles/. Consulté le 12 décembre 2020.

Les discussions aux autres tables ?

Nous avons effectué, le vendredi 11 décembre, une série d’appels téléphoniques auprès de conseillères et de conseillers syndicaux des grandes organisations syndicales impliquées dans la présente ronde de négociation. Les informations recueillies, à cette occasion, nous mettent en présence de résultats plutôt maigres.

Concrètement, entre le Conseil du trésor et certaines organisations syndicales, il ne semble y avoir aucun échange ni du côté de la table centrale ni du côté des tables sectorielles. Avec d’autres, les discussions se poursuivent « sous embargo » dans un cadre exploratoire. Les échanges « informels » portent sur des sujets amplement discutés depuis le mois d’octobre. S’agit-il, d’échanges fructueux qui contribuent à un avancement réel des choses ? La question se pose. Il semble qu’il serait plus juste de parler d’un simulacre de négociation.

Donc, les échanges entre le gouvernement et les différents comités de négociation syndicaux ne semblent pas aller au-delà d’un surplace occupationnel. François Legault se prépare à passer à l’histoire comme un maître de l’illusion. En mars dernier il disait qu’il voulait une convention collective conclue pour la fin du même mois, neuf mois plus tard, il n’y a, pour le moment, qu’une seule entente de principe conclue en bonne et due forme et elle ne sera pas acheminée aux membres tant et aussi longtemps qu’il n’y aura pas une « entente globale de règlement ». C’est plutôt mince comme résultat.

Convention collective et Loi sur les normes de travail

Nous invitons les personnes intéressées par la présente négociation dans les secteurs public et parapublic à prendre connaissance du plus récent « Info-négo » du SPGQ. Il s’agit d’un compte-rendu détaillé de la séance de la rencontre qui a eu lieu le 8 décembre dernier entre le Secrétariat du Conseil du trésor et le SPGQ. À votre grand étonnement vous apprendrez qu’au Québec, l’État-patron ne semble même pas spontanément enthousiasme à l’idée d’inclure dans les conventions collectives de ses salariéEs syndiquéEs les bonifications qu’il veut accorder aux employéEs couverts par la Loi sur les normes. Nous citons :

« Lors de sa rencontre de négociation du 8 décembre avec les représentants du Secrétariat du Conseil du trésor (SCT), le comité de négociation fonction publique du Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) a présenté les plus récentes modifications à la Loi sur les normes du travail. Elles ont amélioré les conditions de travail des travailleurs, notamment au chapitre des vacances et congés, a indiqué le SPGQ à ses interlocuteurs.

Ces conditions de travail, a ajouté le SPGQ, devraient aussi être bonifiées dans la convention collective du personnel professionnel. Cela permettrait d’améliorer l’attractivité des postes professionnels et de préserver l’écart traditionnel des conditions de travail des professionnels. » (En caractère gras dans le texte)

Source https://spgq.qc.ca/wp-content/uploads/2020/12/Info-Nego_FP_2020-12-10.pdf . Consulté le 11 décembre 2020.

Incroyable, une loi dite d’intérêt publique qui ne s’applique pas ipso facto aux professionnelLEs à l’emploi du gouvernement salariéEs. Ici nous pouvons soulever la question suivante : dans quel genre de régime juridique particulier ces personnes vivent-elles ? S’agit-il d’un régime que nous pouvons apparenter à un régime discriminatoire ?

Qu’en est-il des autres employeurs inclus dans l’expression « secteurs public et parapublic » ? N’y a-t-il pas lieu, pour les fédérations syndicales concernées, tous les secteurs confondus, de mettre de l’avant des revendications similaires à celles qui sont préconisées par le SPGQ ? Il faudrait peut-être que certainEs conseillères ou conseillers juridiques syndicaux examinent de manière approfondie cet enjeu et indique la voie à privilégier en vue de remédier à cette apparente, à première vue du moins, injustice. Ou qu’on nous explique pourquoi ce qui est bon pour l’unE ne le serait pas pour l’autre. Bref, nous précise si cette situation est acceptable et fondée en droit ou si elle est détestable et mérite d’être combattue.

La suite des choses

Il est impossible de prévoir l’avenir. À quand des ententes de principes aux autres tables sectorielles et à la table centrale ? Il n’y a que François Legault qui le sait. Rappelons qu’en 2002, les négociations des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic se sont conclues entre le 18 et le 23 décembre. Qu’en sera-t-il cette fois-ci ? Réponse : Aucune idée.

Il est arrivé à au moins deux occasions que le gouvernement du Québec étire indûment la négociation. Dans un premier temps, lors de la ronde de 2003 à 2005 et, dans un deuxième temps, à l’occasion de la ronde de 2015. Ces deux négociations se sont accompagnées de deux années chacune d’augmentation salariale de 0% (2004, 2005, et 2015 et 2019). Le gouvernement en avait profité pour accumuler des réserves provisionnelles en vue de régler le coût de l’équité salariale (en 2003-2005) et de la relativité salariale (lors de la négociation de 2015). Pourquoi étire-t-il à ce point aujourd’hui la présente ronde de négociation qui souffle déjà sa première bougie ? Pour reporter à la prochaine année financière le coût d’une entente globale ? Nous l’ignorons et nous tenterons de trouver éventuellement une réponse satisfaisante à cette question.

Quoi qu’il en soit, il semble y avoir de l’impatience et de l’insatisfaction du côté de certainEs salariéEs syndiquéEs qui adoptent (à l’unanimité dans certains cas) des mandats de grève à exercer au moment jugé opportun. Le gouvernement va sûrement ajuster sa stratégie et sa riposte en tenant compte du durcissement du ton de certains syndicats. Vers où et quoi cela nous mènera-t-il ? Qui vivra verra.

Yvan Perrier

13 décembre 2020

10h30

yvan_perrier@hotmail.com

https://www.newswire.ca/fr/news-releases/les-profs-du-cegep-de-riviere-du-loup-votent-a-l-unanimite-en-faveur-de-la-greve-863052541.html. Consulté le 11 décembre 2020.

https://www.newswire.ca/fr/news-releases/bilan-de-session-parlementaire-on-attend-toujours-un-remede-contre-les-mauvaises-conditions-de-travail-du-secteur-public-849534544.html. Consulté le 11 décembre 2020.

https://www.newswire.ca/fr/news-releases/le-personnel-de-soutien-du-secteur-de-l-education-manifeste-devant-les-bureaux-du-ministere-de-l-education-a-montreal-et-a-quebec-836618701.html. Consulté le 11 décembre 2020.

Zone contenant les pièces jointes

Yvan Perrier

Yvan Perrier est professeur de science politique depuis 1979. Il détient une maîtrise en science politique de l’Université Laval (Québec), un diplôme d’études approfondies (DEA) en sociologie politique de l’École des hautes études en sciences sociales (Paris) et un doctorat (Ph. D.) en science politique de l’Université du Québec à Montréal. Il est professeur au département des Sciences sociales du Cégep du Vieux Montréal (depuis 1990). Il a été chargé de cours en Relations industrielles à l’Université du Québec en Outaouais (de 2008 à 2016). Il a également été chercheur-associé au Centre de recherche en droit public à l’Université de Montréal.
Il est l’auteur de textes portant sur les sujets suivants : la question des jeunes ; la méthodologie du travail intellectuel et les méthodes de recherche en sciences sociales ; les Codes d’éthique dans les établissements de santé et de services sociaux ; la laïcité et la constitution canadienne ; les rapports collectifs de travail dans les secteurs public et parapublic au Québec ; l’État ; l’effectivité du droit et l’État de droit ; la constitutionnalisation de la liberté d’association ; l’historiographie ; la société moderne et finalement les arts (les arts visuels, le cinéma et la littérature).
Vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante : yvan_perrier@hotmail.com

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