Un projet pour satisfaire les barons politiques et Vinci
Le projet de Notre Dame des Landes (NDDL) est ancien, le site ayant été choisi en 1967 originellement pour accueillir le fret et le Concorde. La crise pétrolière a enterré le projet initial. Parallèlement, dans les années 80, la construction d’une nouvelle piste pour l’actuelle aéroport de Nantes est envisagée afin d’éviter que les avions ne survolent l’agglomération et les nuisances. Mais, le Conseil général de l’époque refuse comptant sur la construction de NDDL. En 2000, le gouvernement Jospin ressort le projet des cartons avec l’objectif de faire de NDDL un aéroport international (de 1600 ha soit plus que Roissy). Pourtant, il existe d’autres solutions tant à l’hypothétique augmentation du trafic qu’aux nuisances sonores à Nantes : nouvelle piste, meilleure répartition du trafic entre aéroports de la région (Brest, Renne, Anger) et baisse globale du trafic au profit du train.
Il y a par ailleurs plusieurs raisons de s’opposer à ce projet inutile. L’avion est le moyen de transport le plus polluant en termes d’émission de gaz à effet de serres et NDDL soustrait à l’agriculture des terres absolument indispensables à une transition vers une agriculture moins intensive et relocalisée. De plus la zone ciblée, des zones humides en tête de deux bassins versants, joue un rôle important tant sur le plan de la biodiversité que sur les ressources en eau. Enfin, ce projet est très couteux (561 millions d’euros) et sera largement financé par des fonds publics (presque 50%). C’est littéralement un cadeau à la multinationale Vinci, qui a obtenu la conception, le financement, la construction, l’exploitation et la maintenance de NDDL pour 55 ans ! Le plan de financement prévoit par ailleurs que les actionnaires soient rémunérés à hauteur de 12%. Ce beau cadeau de Noël est l’expression d’une collusion entre le pouvoir politique et les intérêts d’une multinationale. Par exemple, le préfet Bernard Hagelsteen de Nantes, est devenu en 2011 conseiller auprès de Vinci Autoroutes, puis responsable des péages pour ASF, filiale de Vinci. Mais Vinci n’est pas la seule à espérer profiter de ce projet : chambre de commerce et d’industrie de Nantes, banque, compagnie de taxis…Ceci explique l’empressement des élus à soutenir le projet.
Une lutte exemplaire face une répression féroce
La mobilisation contre ce projet est ancienne et multiforme. La lutte est d’abord juridique. En février 2011, plusieurs associations déposent un recours juridique contre le décret de concession signé en 2010. Plusieurs occupations ont successivement été organisées de puis 2007. Actuellement des militants occupent les terrains préemptés par le département (la ZAD). Plusieurs manifestations ont aussi eu lieu. La mobilisation du samedi 17 novembre qui a réuni entre 20 000 et 40 000 personnes sur le site du projet en a été le point d’orgue : 400 tracteurs d’exploitants agricoles fermaient la marche de cette manifestation qui fut la plus importante depuis le 6 mai après celle contre le traité européen.
Face à la détermination des occupants de la ZAD et aux manifestations, le gouvernement répond en octobre 2012 par les expulsions et une répression particulièrement violente. Dans son communiqué du 24 novembre, l’équipe médicale indique : « nous avons atteint aujourd’hui, (…), un pic de violence avec une centaine de blessés, dont une trentaine graves pris en charge à l’infirmerie. On dénombre une vingtaine de personnes touchées par des éclats de grenades assourdissantes, aux jambes, aux bras, à la lèvre, au bas ventre. (...). Suite à des tirs tendus de flashball, on dénombre quatre blessures au thorax, avec fractures de côtes et état de choc, de multiples blessures aux jambes et aux mains, une blessure hémorragique au visage. »
L’extension de l’opposition, le gouvernement en difficulté
Comme dans d’autres mobilisations, l’exemplarité de la lutte associée à l’existence d’un front politique et associatif très large (EELV, PG Greenpeace, LDH, Conf, Solidaires, Autonomes et habitants) est en train de faire basculer l’opinion et d’une lutte locale, NDDL devient un point de confrontation nationale. Paradoxalement, la violence de la répression contre les occupants de la ZAD s’est retourné contre le gouvernement. Des mouvements de solidarité au mouvement se multiplient actuellement. Et le 25 novembre le 1er ministre juge donc, après 40 jours d’affrontements, d’appeler à l’apaisement, preuve de sa fébrilité.
Ce projet met aussi le gouvernement en difficulté car les écologistes qui participent au gouvernement sont depuis le début opposés à ce projet. Cécile Duflot en avait même fait publiquement lors des négociations avec le PS un point de casus Belli. Enfin ce projet met directement en cause le 1er ministre qui en tant que maire de Nantes a porté le projet depuis le début. La sortie de crise ne sera donc pas simple. Les élus de EELV ont soufflé au gouvernement une solution : un médiateur et un processus référendaire comme à Stuttgart. Cette porte de sortie serait peut être une victoire à la Pyrrhus car une fois la mobilisation retombée rien n’indique même qu’un vote ne soit pas favorable au gouvernement (c’est précisément ce qui s’est passé à Stuttgart).
Et le Front de Gauche ?
Dans cette mobilisation, le FDG est divisé. En effet, depuis le début le PCF est pour l’aéroport. Le communiqué des élus communistes de Nantes est à ce titre édifiant : « Les élus communistes de Nantes et de Nantes Métropole expriment leur indignation face aux nouveaux événements qui ont eu lieu autour du futur Aéroport Grand Ouest. La montée de la violence doit s’arrêter et les opposants prendre leurs responsabilités. La construction de l’aéroport a été débattue dans nos assemblées et celles-ci ont pris part à ce projet qui est maintenant lancé. Vinci est aujourd’hui concessionnaire et toutes les procédures ont été respectées dans la transparence. »
Néanmoins, certains membres du PCF voir des fédérations (e.g. le PCF de la Sarthe) se sont prononcés contre le projet de NDDL. Le parti de gauche (PG) la gauche anticapitaliste (GA) la FASE, la Gauche Unitaire, C&A, soutiennent et participent à la mobilisation. Hors FDG, le NPA et de façon plus surprenante LO soutiennent le mouvement. Si le FDG était un parti, il serait probablement paralysé. L’absence de points de vue commun au sein du FDG sur cette question comme sur d’autres, par exemple sur la sortie du nucléaire, est un problème, mais aussi une leçon indiquant que tout en construisant le FDG, il est indispensable que les autres composantes en accord avec ce type de lutte expriment ensemble une voix propre qui allie anticapitalisme et écologie.