Édition du 23 avril 2024

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Pakistan : Des partis politiques appellent à l’annulation de la dette extérieure et lancent un mouvement contre la dette

Une conférence mutlipartite tenue à Lahore le 29 août dernier a convenu de lancer une campagne contre le remboursement de la dette extérieure du Pakistan et d’organiser des rassemblements de protestation à travers le pays. Vingt-huit partis politiques, syndicats, groupes de femmes et organisations de la société civile ont participé à cette conférence.

Une conférence mutlipartite tenue à Lahore le 29 août dernier a convenu de lancer une campagne contre le remboursement de la dette extérieure du Pakistan et d’organiser des rassemblements de protestation à travers le pays. Vingt-huit partis politiques, syndicats, groupes de femmes et organisations de la société civile ont participé à cette conférence. Il a été décidé de débuter cette campagne par des rassemblements à Lahore, Karachi et Islamabad. Le premier rassemblement se tiendra à Islamabad le 2 septembre. Le sénateur Hasil Bezinjo, un des leaders principaux du National Party, s’est engagé à porter cette question au Sénat et à y présenter une résolution pour exiger du gouvernement qu’il refuse de payer la dette extérieure.

La conférence était présidée par Aman Kariaper et Ammar Ali Jan, secrétaire général du Labour Party Pakistan (LPP) à Lahore. Dans ses remarques introductives, Ammar a souligné que le pays a subi des pertes de 250 milliards de roupies pakistanaises (environ 2,3 milliards d’euros, NDT) pour les seuls secteurs de l’agriculture et de l’élevage, et que les coûts de reconstruction suite aux inondations pourraient se chiffrer en milliards de dollars.

La conférence a débuté par la présentation de Abdul Khaliq, personne focale du CADTM au Pakistan, qui a avancé qu’il existait de solides arguments juridiques, éthiques et politiques en faveur de la suspension immédiate du service de la dette et du refus de nouveaux prêts. Il a également présenté, pour étayer son argumentation, les précédents historiques en Amérique latine et en Afrique. Selon lui, la dette n’est pas une simple question financière mais bien une question politique. Il a souligné que les dettes contractées par des dictateurs sont considérées en droit international comme des dettes illégitimes et que le poids de ces dettes ne devrait pas être supporté par les générations futures.

Selon certaines estimations, la dette du Pakistan a déjà été remboursée au moins huit fois, a-t-il indiqué. La dette fait donc partie intégrante du système de re-colonisation qui prévaut dans le tiers-monde. Le Pakistan est en train de vivre l’un des pires désastres de son histoire, une catastrophe qui a touché des millions de gens, fait 1500 morts, dévasté des terres agricoles et détruit des infrastructures de communication, causant des pertes économiques de plusieurs millions. “Nous pensons qu’il est temps de déclarer la suspension unilatérale des remboursements de la dette extérieure au lieu de mendier des aides pour le secours aux victimes et la réhabilitation”. Il a rappelé que le Pakistan payait environ 3 millions de dollars d’intérêts sur une dette extérieure s’élevant à 54 millions de dollars.

L’État pakistanais n’est plus en mesure de satisfaire les besoins élémentaires des 20 millions de personnes touchées par les inondations qui manquent de nourriture, de vêtements, d’abri et de soins médicaux, a-t-il rappelé. Le pays ne peut donc pas rembourser sa dette ; les institutions financières internationales et les créanciers ne devraient pas espérer du Pakistan qu’il poursuive les remboursements aux dépens de ses citoyens qui manquent déjà de nourriture, d’abri, d’écoles, d’hôpitaux, de tribunaux et autres services publics, a-t-il affirmé.

Aasim Sajjad Akhtar, universitare, écrivain et militant du Workers Party Pakistan, a mis en avant que les obligations suite au rééchelonnement de la dette, présenté en 2008 par le dictateur précédent comme son grand succès, vont échoir en 2015, et que cela risque d’élever à plus de 70% la dette exprimée en pourcentage du PIB, et de la rapprocher du seuil de 80% reconnu par la Banque mondiale comme étant insoutenable. Il a fait remarquer que les recherches menées par son groupe indiquent que plus de 80% de la dette du Pakistan a été contractée pendant des régimes dictatoriaux. Sur les aspects politiques de la campagne, Akhtar a suggéré de remettre en cause la logique des dépenses militaires considérables qui, même en ces temps de crise aiguë, n’est pas réexaminée.

Dans la discussion ouverte qui a suivi, la question de la dette et ses nombreuses implications politiques ont été débattues par tous les délégués présents. Jamil Omar, président du Awami Jamhoori Forum, a suggéré de mettre en place un mécanisme de suivi composé et dirigé par le réseau des militants représentés à la conférence pour garantir la transparence et la reddition de comptes quant à la gestion et la destination des fonds libérés par l’annulation de la dette. Pour lui, il s’agissait d’un impératif éthique corollaire à l’annulation de la dette.
Le sénateur Senator Hasil Bizenjo du National Party a pleinement soutenu l’idée de l’annulation de la dette comme moyen pour remettre en cause l’ordre politique actuel et a proposé de présenter une motion au Sénat pour discuter de cette question.

Le secrétaire général de la Human Rights Commission of Pakistan (Commission des Droits Humains du Pakistan), IA Rehman, a exhorté le gouvernement à ne pas contracter de nouveaux prêts pour satisfaire les besoins liés aux inondations. Si quelqu’un veut aider le Pakistan, a-t-il dit, il doit le faire par des dons.

Abid Hassan Minto, juriste reconnu et président du Workers Party Pakistan, a présenté une analyse détaillée de la situation socio-économique actuelle et a proposé de former une comité composé d’organisations politiques et sociales partageant les mêmes vues pour construire un mouvement politique sur la base des exigences exposées durant la conférence. Au lieu d’accepter de nouvelles offres de prêts, le Pakistan doit déclarer la répudiation unilatérale de sa dette extérieure. A maintes reprises, des pays confrontés à des tragédies semblables aux inondations catastrophiques qu’a connues le Pakistan ont été forcés par les institutions financières internationales et les pays donateurs à hypothéquer leur avenir en empruntant pour financer l’effort de secours et de reconstruction. Ainsi la tragédie se poursuit et s’amplifie les années suivantes. Les conférenciers ont précisé que les inondations récentes représentent la pire catastrophe de l’histoire du Pakistan. Le pays a été dévasté des régions du nord jusqu’à la pointe sud. L’État, dépossédé de sa capacité à satisfaire les besoins de son peuple par des années de néolibéralisme et de militarisme, s’est avéré déficient, tant de par son échec persistant à maintenir les infrastructures existantes que dans sa réponse au désastre.

Parmi les personnes ayant pris la parole lors de la conférence, il y avait Raja Zulqernain, secrétaire général de l’Association du Barreau de la Cour Suprême, Khurshid Ahmad, secrétaire général de la Pakistan Workers Confederation, Nasir Mansoor, secrétaire adjoint de la National Trade Union Federation, Nazar Mengal de la Pakistan Trade Unions Defense Campaign, Karamat Ali, directeur de PILER, Lal Khan, rédacteur en chef de Asian Marxist Review, Ihsan Wain, secrétaire général de Awami National Party, l’ex sénateur Tariq Choudry of Tehreek Insaaf, Niasr Shah, secrétaire général du Labour Party Pakistan, M A Bhutta, vice-président du Saraiki National Party, Ilyas Khan, secrétaire Peoples Lawyers Forum, Manzoor Gilani, président du Istiqlal Party, Syeda Deep de IPSS, I A Rehman, secrétaire général de la Human Rights Commission of Pakistan, Farooq Tariq, coordinateur de la Labour Relief Campaign, et Asad rehman de la Sungi Development Foundation.

La résolution adoptée lors de la conférence comprend les points suivants : 
 Suspension immédiate du remboursement de la dette extérieure 
 Les institutions ou les pays donateurs qui veulent aider le Pakistan doivent le faire sous la forme de dons et non de prêts. Pas de nouveaux prêts. 
 Le budget militaire doit être révisé 
 Mise en place d’une commission d’audit pour mener une enquête publique sur la dette extérieure du Pakistan. La commission devrait bénéficier d’une garantie constitutionnelle 
 Des réparations pour le changement climatique doivent être payées au Pakistan par les pays industrialisés 
 Une commission fédérale sur les secours post-inondations doit être mise sur pied pour superviser les secours, les travaux de réhabilitation et de reconstruction à la suite des inondations 
 Contacter le secrétariat de SAARC (South Asian Association for Regional Cooperation, Association de l’Asie du Sud pour une coopération régionale) pour demander de l’aide et pour l’acceptation de l’aide indienne sans aucune condition.

Labour Relief Campaign (LRC) est composée de huit organisations : National Trade Union Federation, Women Workers Help Line, CADTM Pakistan, Labour Party Pakistan, Progressive Youth Front, Pakistan For Palestine, Labour Education Foundation et Pakistan Kissan Rabita Committee.

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