Édition du 12 mars 2024

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Monde du travail et syndicalisme

Royaume-Uni. Le congrès du TUC se tient sous les auspices d’une vague de grèves et d’un débat public pour les coordonner et synchroniser

Alors que les syndicalistes se réunissent pour le congrès annuel du TUC [du 18 au 22 octobre] à Brighton, Mark Serwotka, le dirigeant du syndicat PCS (Public and Commercial Services – quelque 195 000 membres), qui représente 150 000 fonctionnaires [il organise aussi des salarié·e·s du secteur privé sous-traitants pour le gouvernement], a déclaré qu’il était prêt à faire grève le même jour que les autres si les salarié·e·s votaient pour une mobilisation et une grève en novembre. « Si nous remportons ces scrutins, nous sommes prêts à mener une action le même jour que n’importe quel autre syndicat pour montrer au gouvernement que nous faisons grève ensemble », a-t-il déclaré.

19 octobre 2022 | tiré du site alencontre.org

Il a suggéré que les fonctionnaires de la voirie se mobilisent le même jour que les travailleurs du rail, et que les fonctionnaires de la police des frontières se mobilisent le même jour que le personnel des aéroports, afin de provoquer un maximum de perturbations [1].

Mark Serwotka fait partie d’une série de dirigeants syndicaux qui ont intensifié leurs avertissements selon lesquels des grèves coordonnées dans de multiples secteurs, cet hiver, permettraient de provoquer davantage de perturbations, d’accroître leur efficacité et de tenter de remporter les conflits salariaux.

Alors que les syndicats font pression pour obtenir que les salaires soient augmentés face à une l’inflation de 10% [2], le TUC a publié un sondage montrant qu’une personne sur sept saute des repas et se prive de nourriture. Son enquête de type MRP (multilevel regression and post-stratification, technique statistique), menée par Opinium auprès de plus de 10 000 personnes, a révélé que dans près de 50 circonscriptions, ce chiffre s’élève à une personne sur cinq souffrant de la faim. Elle a également révélé que plus de la moitié des Britanniques réduisent leurs dépenses de chauffage, d’eau chaude et d’électricité. [Voir sur la vague de mobilisations l’article publié sur ce site le 12 octobre.]

***

Cependant, les syndicats sont divisés sur leur réponse à la crise salariale, certains poussant leur faîtière, le TUC, à en faire plus en termes d’organisation de grèves synchronisées et coordonnées.

Mick Lynch, le secrétaire général du RMT (The National Union of Rail, Maritime and Transport Workers) – qui organise un nouveau vote [re-ballot, nécessaire du point de vue légal après une première initiative de grèves] afin de prolonger le droit d’organiser des grèves dans les chemins de fer – a déclaré lors d’une réunion en marge de la conférence du TUC : « Nous avons besoin d’un soulèvement. Nous avons besoin d’une vague entière d’actions synchronisées et coordonnées. Je me moque du nom qu’on lui donne. Je me fiche de savoir si Paul Nowak [nouveau secrétaire général du TUC dès janvier 2023] ou Frances O’Grady [Frances O’Grady, en poste depuis 2013 à la direction du TUC, quittera ce poste 2022 ; le 14 octobre, elle a été nommée paire à vie, donc à la Chambre des lords !] sont ceux qui coordonnent l’action, tant qu’ils ne se mettent pas en travers du chemin. Nous pouvons nous en occuper nous-mêmes, franchement. »

Il a averti les membres des syndicats de « se méfier du TUC », affirmant que cette faîtière avait tenté par le passé de conclure un accord avec le gouvernement conservateur sur les lois ayant trait aux modalités de déclenchement d’une grève en échange d’un vote numérique pour les scrutins obligatoires pour une grève. « Nous devons les surveiller attentivement et nous assurer qu’il n’y a pas de trahison », a déclaré Mick Lynch.

Frances O’Grady, qui prononçait son dernier discours d’ouverture au congrès, a indiqué que des actions coordonnées étaient « déjà en cours ». Elle a déclaré : « Lorsque les travailleurs n’ont pas d’autre choix que de voter une action de grève pour un salaire décent, je dis : allez-y. »

Elle a ensuite confié au Guardian : « Nous avons déjà eu un certain nombre de réunions. Il est évident que dans [certains] secteurs, il peut être particulièrement judicieux de synchroniser les jours et les horaires de grève. Dans d’autres secteurs, ce que je vois, c’est clairement une vague d’actions qui se produit, et vous pouvez avoir des discussions raisonnables sur ce qui est plus efficace sur le plan de la mobilisation. La synchronisation peut l’être. Parfois, en fait, il est préférable de ne pas tout avoir le même jour. »

Interrogé sur les commentaires de Mick Lynch, Frances O’Grady a déclaré : « Chacun a droit à son opinion ». Mais elle a insisté sur le fait que le TUC s’opposerait aux projets du gouvernement de légiférer sur des niveaux de service minimums obligatoires pendant les grèves du secteur public. « Nous avons pris un avis juridique et nous sommes très clairs sur le fait qu’il est fort probable que cela soit illégal s’ils essaient de le faire. »

Les syndicats ont annoncé un très grand nombre de scrutins de grève cet automne : les infirmières, les travailleurs de la santé, les ambulanciers et les fonctionnaires étant tous parmi ceux qui envisagent actuellement de voter pour des grèves au cours de l’hiver [3].

Le syndicat des directeurs d’école, la NAHT (National Association of Head Teachers), a déclaré au congrès que les directeurs d’école participeraient à un vote sur la grève dans le cadre d’un conflit sur les salaires et le financement, une première depuis 125 ans.

Plusieurs secrétaires généraux de syndicats ont déclaré au congrès qu’ils étaient prêts à coordonner des actions, bien que tous se soient abstenus d’appeler à une grève générale.

Christina McAnea, secrétaire générale d’Unison, qui organise un scrutin pour 400 000 travailleurs de la santé, a déclaré : « Une action coordonnée nous unit et nous avons un seul objectif : mettre fin à cette crise salariale dans ce pays. »

Andy Kerr, secrétaire général adjoint du CWU (Communication Workers Union), le syndicat des postiers, s’est dit favorable à une « grève coordonnée pour nous défendre ». Steve Gillan, de l’Association des officiers de prison (Prison Officers’ Association), a affirmé que ses membres feraient grève s’ils y étaient autorisés. Le CWU comptera déjà 160 000 salarié·e·s en grève ce jeudi 20 octobre.

Mark Serwotka a été l’un des plus ardents défenseurs de la coordination, a affirmé lors d’une réunion du PCS (Public and Commercial Services), parallèle au congrès, que les enjeux étaient incroyablement élevés : « Si nous ne gagnons pas, les gens mourront de malnutrition, ils mourront d’hypothermie. Ils mourront dans nos rues. »

Paul Whiteman, secrétaire général de la NAHT, a indiqué que les membres lui avaient confié qu’ils ne pouvaient pas continuer à gérer leurs écoles dans les circonstances actuelles, et que la dégradation en matière de salaire et de financement minait l’éducation. (Article publié sur le site du Guardian, le 18 octobre 2022, titre de la rédaction A l’Encontre ; traduction rédaction A l’Encontre)


Notes
[1] Grèves en cours et déjà prévues

• Depuis le 15 octobre, les travailleurs (organisés dans Unite) du West Midlands Metro (région qui inclut l’agglomération de Birmingham, la concentration de population la plus grande après le Grand Londres) ont engagé des actions de grève, qui doivent se répartir sur 52 jours de manière non consécutive.
• Les travailleurs de l’entretien et réparation des logements (organisés dans Unison) de l’arrondissement de Barnet (nord de Londres) ont engagé une grève illimitée depuis le 17 octobre.
• Les enseignant·e·s de l’école primaire Calverton à Newham (arrondissement du Grand Londres) ont voté pour une grève du 18 au 20 octobre et du 1er au 3 novembre. Ils sont organisés dans le NEU (National Education Union).
• Du 20 au 24 octobre, les travailleurs et travailleuses de BT (British Telecommunications) seront en grève. Ils sont organisés dans le CWU (Communication Workers Union).
• Les 20 et 25 octobre et 28 novembre, les travailleurs et travailleuses du Royal Mail (privatisé) engageront une grève. Ils sont organisés dans le CWU.
• Du 18 au 20 octobre, les salarié·e·s de Further Education (enseignement complémentaire), organisés dans l’UCU (University and College Union) sont et seront en grève.
• Depuis le 21 octobre, les conducteurs des bus Arriva à Jesmond (banlieue huppée de Newcastle) seront en grève. Ils sont organisés dans Unite.
• Du 22 au 30 octobre, les salarié·e·s de 65 magistrates’ courts en Angleterre et dans le Pays de Galle sont en grève ; action organisée par le PCS (Public and Commercial Services).
• Du 24 au 28 octobre, une grève sera engagée par les salarié·e·s – membres d’Unite – de la compagnie Woolwich Ferry (Woolwich est la banlieue de Londres située sur la berge sud de la Tamise). Le ferry transporte aussi bien des piétons que des voitures, des camions.
• Du 24 octobre au 7 novembre, les dockers de Liverpool engageront une grève dans le cadre d’Unite.
• Le 28 et le 31 octobre, les conducteurs de la société de bus Stagecoach, à Sunderland (dans le nord-est de l’Angleterre), seront en grève. Le mouvement est organisé par GMB Union.
• Les 2, 8, 14, 23 et 30 novembre, des secteurs du Royal Mail entreront en grève, dans le cadre du CWU.
• Le 3 novembre, grève organisée par le RMT dans le métro et le réseau ferroviaire de Londres.
• Les 3, 5, 7 novembre, grève sous les auspices du RMT dans la société Network Rail.
• Les 3, 9, 15 et 24 novembre ainsi que le 1er décembre, grève dans des secteurs du Royal Mail organisée par le CWU.
• Les 4, 10, 16, 25 novembre et 2 décembre, d’autres secteurs du Royal Mail entrent en grève. (Réd. A l’Encontre)

[2] L’inflation, fin septembre, était de 10,1%, contre 9,9% en août, le taux le plus élevé depuis 40 ans. L’augmentation des prix dans l’alimentation se situe à 14,6% officiellement en septembre. En tenant compte de l’alimentation et de la hausse des prix de l’énergie, à fin septembre l’inflation se situait à 12% pour le secteur inférieur des revenus, selon l’étude du Institute for Fiscal Studies. (Réd. A l’Encontre)

[3] Lors des deux mois qui viennent : les scrutins en cours, imposés par la législation, pour engager une grève

• Des scrutins pour des grèves sont organisés dans diverses compagnies de chemin de fer par le RMT (The National Union of Rail, Maritime and Transport Workers) du 18 octobre au 15 novembre.
• Le 24 octobre, le résultat d’un vote pour une grève sera donné dans le secteur de l’éducation supérieure par le UCU (University and College Union, plus de 120 000 membres).
• Jusqu’au 19 octobre, un vote a lieu chez Amazon (Coventry and Doncaster) pour une grève portant sur les salaires par le GMB Union (fruit de la fusion de divers syndicats jusqu’en 2015, plus de 600 000 membres).
• Jusqu’au 21 octobre, scrutin des salarié·e·s du secteur universitaire (UCU) sur le salaire, les conditions de travail et les retraites.
• Jusqu’au 27 octobre, le scrutin sur une journée d’action sur les salaires doit être enregistrée en Ecosse parmi les sages-femmes, organisé dans le RCM (Royal College of Midwives).
• Du 1er novembre au 13 janvier 2023 est organisé par le NEU (National Education Union, quelque 510 000 membres) un scrutin parmi les travailleurs et travailleuses des écoles pour une journée d’action.
• Le 2 novembre sera enregistré le résultat du vote pour une action de grève sur le salaire organisé par le Royal College of Nursing (RCN).
• Du 24 octobre au 29 novembre, organisation d’un scrutin parmi les salarié·e·s des ambulances en Angleterre et dans le Pays de Galle par le GMB et Unite (1,4 million de membres).
• Du 27 octobre au 9 janvier, les enseignant·e·s sont consultés sur une journée d’action portant sur les salaires, scrutin organisé par le NASUWT (The Teachers’ Union).
• Jusqu’au 7 novembre, les fonctionnaires, membres du PCS (Public and Commercial Services) doivent se prononcer sur une grève portant sur les salaires, les réductions d’emplois et d’autres éléments du coût de la vie.
• Du 27 octobre au 25 novembre, les membres du NHS (National Health Service), organisés dans Unison (le plus grand syndicat professionnel avec 1,3 million de membres), devront voter sur le lancement d’une grève portant sur le salaire. (Réd. A l’Encontre)

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