Édition du 23 avril 2024

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Syndicalisme

Syndicalisme de combat : toujours d'actualité !

Aujourd’hui s’ouvre à Québec, ce qui sera mon dernier congrès de la Confédération des syndicats nationaux, la CSN. J’y milite depuis 1975. J’y ai aussi assumé des fonctions de direction. Mais j’ai toujours été avant tout un militant de la base. C’est d’ailleurs à ce titre que j’assisterai à ces cinq jours de débats d’orientation.

L’auteur est un ex-président de la CSN.

J’aurais souhaité m’y faire discret. Mais voilà qu’un bout de phrase, tirée d’une entrevue du président Létourneau, semble questionner tout ce à quoi j’ai cru depuis quarante ans : « On n’est plus dans le syndicalisme de combat... ». J’espère qu’il ne s’agit ici que d’une phrase sortie de son contexte...

Un de ceux qui a le mieux analysé le syndicalisme au Québec est, selon moi, le professeur Jean-Marc Piotte. Voici ce qu’il écrivait en 2010, dans la Revue À babord !, sur le syndicalisme de combat : « Le syndicalisme de combat vise essentiellement à affermir le rapport de force des syndicats face aux patrons, non seulement durant la période de négociations, mais durant la période de paix des relations industrielles. Or, la puissance d’un syndicat est directement proportionnelle à la conscience et à la mobilisation de ses membres. » Le syndicalisme de combat cherche à combattre les inégalités, toutes les inégalités, avant, pendant et après les négociations qui le touchent plus quotidiennement. Des syndicats peuvent donc être très combatifs lors du renouvellement de leur contrat de travail, mais ne pas être suffisamment « conscientisés » pour entrer dans la catégorie du syndicalisme de combat. C’est le syndicalisme de combat que veulent museler la droite et les Radios X de ce monde. Ils y voient une attaque aux droits individuels, mais surtout au droit des capitalistes à exploiter comme ils le veulent la race humaine ! Pourtant nous sommes inondés de rapports d’études démontrant que les inégalités sociales sont en hausse depuis trente ans. Même la très capitaliste Banque mondiale en appelle à la réduction des inégalités sociales pour cause de danger d’instabilité politique. L’économiste Thomas Piketty a publié dernièrement un best-seller démontrant, si besoin était, que le capitalisme ne peut qu’engendrer à perpétuité de plus grandes inégalités sociales. Bref, au moment ou le capitalisme est remis en question par ses propres tenants, ce n’est certes pas le moment de réduire la pression sur lui !

La CSN serait-elle en train de changer son orientation politique des cinquante dernières années ? Je ne peux le croire. Y a-t-il un équilibre à trouver entre le combat social et les luttes locales ? Non ! Toutes les luttes visant à se faire respecter comme travailleurs ou travailleuses, toutes celles visant à briser les injustices dont sont victimes les femmes, les LGBT, les travailleurs immigrants, les exclus, les pratiquants ou non des religions, toutes ces luttes doivent faire partie du programme. Toutes les inégalités engendrées par le système économique actuel doivent faire partie de la conscience du syndicalisme de combat, des syndicalistes politisés et des combats qu’ils doivent mener.

Oui, il existe encore des classes sociales. Oui, il existe encore des exploiteurs. Oui, il y a des alternatives possibles au capitalisme. Oui, le dérèglement climatique, amplifié par l’appétit des profits exorbitants, menace nos sociétés et encore plus celles où vivront nos enfants. N’y a-t-il pas là de quoi nourrir un syndicalisme généreux, combatif, conscient de tous les enjeux, mobilisé sur les questions qui forment la trame complète de la vie de ses membres ? Un syndicalisme près de ses membres, démocratique et non bureaucratique ? Un syndicalisme formateur, revendicateur, frondeur ? Un syndicalisme stimulant et en marche vers un avenir meilleur ? Un syndicalisme de combat. Un syndicalisme CSN !

Louis Roy

Président de la CSN

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