Le comportement de Jean Charest et de ses acolytes a utilisé la provocation comme écran de fumée afin de cacher ses propres malversations. Son intention est clairement de casser le mouvement, jamais il n’a eu véritablement l’intention de négocier. À au moins deux reprises, Charest est intervenu directement pour saboter toute chance de règlement du conflit.
Depuis le début de la lutte sociale, après trois mois de grève, Line Beauchamp s’était finalement approchée d’un règlement le 5 mai, mais Charest avait déclaré publiquement le lendemain que le gouvernement n’avait rien cédé. De quoi s’assurer que les associations étudiantes locales rejettent l’entente. Certains ont appelé ça cracher dans sa soupe. En plus d’empêcher les associations étudiantes de régler, il tenait Line Beauchamp dans un étau. Même si elle s’était dit favorable au moratoire, même si, selon les rumeurs de corridors, elle semblait en désaccord avec une loi spéciale, elle n’avait aucune marge de manœuvre. Selon des portes-paroles étudiants Charest a sacrifié Line Beauchamp. Opinion confirmée par Pierre-André Bouchard-St-Amant de l’Université Queen’s ( Le Devoir 18 mars), "Le facteur qui a fait tout basculer a été la démission de la ministre Line Beauchamp, parce que ça a été l’échec au caucus des libéraux de la ligne modérée (...) Il y a eu aussi des négociations pipées, c’est-à-dire aucune marge de manoeuvre du gouvernement pour régler la situation, ce qui a mené à la démission..."
La négociation du 28 mai aura duré quatre jours. Les associations étudiantes avaient accepté l’étalement avec un gel pour les deux premières années. Le gouvernement tenait à un gel d’un an. Charest avait en effet imaginé un scénario brillant, il acceptait la tenue d’États généraux sur l’éducation mais restait ferme sur un gel d’un an. Les conclusions des États généraux qui auraient eu lieu la première année, n’auraient alors jamais pu être mises en application puisque le gouvernement poursuivait avec sa hausse tout de suite après. La ministre Courchesne avait même indiqué que l’argumentation étudiante était tout à fait logique. Peut-être n’y aurait-il pas eu d’entente. Mais un coulage médiatique a eu lieu la quatrième journée et a mis fin aux négociations. En effet, le matin même, André Pratte signait un éditorial sous le titre « Une faiblesse inouïe » dans lequel il insinuait que le gouvernement avait cédé aux associations étudiantes : « Après avoir refusé pendant plus de trois mois de céder sur ce point, le gouvernement Charest a finalement accepté de diminuer la hausse des droits de scolarité qu’il avait annoncée dans le budget de 2010- 2011. Ce recul, qui se concrétisera s’il y a entente avec les associations étudiantes, illustre à quel point le gouvernement libéral est aujourd’hui affaibli, au point de sortir perdant d’un dossier où il avait pourtant, au départ, l’appui de la majorité de la population. »
C’est ce qu’on appelle un coup fumant. Il n’y a qu’un pas à faire pour conclure qu’André Pratte était en service commandé. Mais bien sûr ces gens-là ne se parlent pas. Quelques heures après la sortie de l’éditorial la ministre Courchesne et les représentants étudiants prenaient une pause. À son retour, elle leur annonce que les négociations sont rompues. Le président de la FECQ, Léo Bureau-Blouin commentait la situation en ces termes : « La seule réponse que nous a donnée la ministre de l’Éducation, c’est : "pour des raisons partisanes, pour des raisons de communications publiques, on ne peut pas faire ça" ». (La Presse 31 mai 2012) C’est on ne peut plus clair, la ministre Courchesne ne pouvait plus régler. Sinon, elle confirmait les propos d’André Pratte et donnait l’impression d’un gouvernement faiblard. Le coup avait porté. Encore une fois, Charest avait bien joué ses cartes.
C’était la deuxième fois que Jean Charest court-circuitait une ministre.