Édition du 23 avril 2024

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Brésil - 8 janvier : contradictions et alternatives dans la lutte contre le facisme

Dans un Brésil fantasmé, l’investiture de Lula a eu lieu le 2 janvier : sept représentants des opprimés et des exploités représentant le « peuple » brésilien ont remis l’écharpe présidentielle au nouveau président. Il s’agissait de mettre en scène les souhaits des électrices et électeurs de Lula – y compris celles et ceux qui ont voté pour lui uniquement pour écarter du pouvoir Bolsonaro – et de couronner ainsi le processus de négociations pour la formation du nouveau gouvernement, qui a duré deux mois.

Tiré de Inprecor no 703-704 janvier 2023

Par José Correa Leite
13 janvier 2023

Du fantasme au Brésil réel

Mais ce n’était pas le vrai Brésil. Car le vrai Brésil ce sont aussi des miliciens, des fanatiques religieux, des propriétaires terriens et leurs jagunços [paramilitaires], des hommes d’affaires ultralibéraux, des chercheurs d’or… le tout exprimé par l’acronyme BBB qui symbolise au Congrès fédéral les parlementaires représentant les intérêts « du bœuf, de la balle et de la Bible ».

40 % des personnes consultées dans le cadre de l’Atlas Research du 10 janvier 2023 pensent que Lula n’a pas gagné les élections présidentielles d’octobre et 37 % se déclarent favorables à une intervention militaire pour invalider ces résultats illégitimes – même si seulement 10 % sont favorables à l’installation d’une dictature militaire.
Vladimir Safatle a raison lorsqu’il rappelle que ce qui s’est passé le 8 janvier c’est le « principe de réalité ».

C’est donc à juste titre que divers analystes qualifient le 8 janvier de «  deuxième investiture de Lula ». Les bolsonaristes fanatiques, qui ont encouragé le saccage de la place des Trois Pouvoirs à Brasilia, ont fait ce qu’ils avaient promis de faire depuis longtemps et ont offert à Lula l’accueil que, selon eux, il mérite. Une action exemplaire des bandes fascistes. Mais selon le sondage Atlas cité plus haut, seulement 18 % des personnes interrogées approuvent l’invasion du Congrès par les bolsonaristes. Les attentats du 8 janvier sont un événement incontournable, synthèse de tendances multiples et contradictoires, sur lequel la population dans son ensemble est contrainte de se prononcer – le sondage Quaest sur la popularité de Bolsonaro sur les réseaux sociaux montre qu’elle a chuté à son pire taux en quatre ans, passant de 40 % la semaine précédente à seulement 21 % le 9 janvier. Dans le sondage Datafolha du 11 janvier, 93 % des personnes interrogées condamnent les attaques et la plupart d’entre elles préconisent l’arrestation des personnes impliquées. Dans le sondage Ipsos du 13 janvier, 81 % des personnes interrogées condamnent les attaques – tandis que 9 % les approuvent totalement et 9 % les approuvent partiellement. Les raids ont été à la fois un choc pour les institutions du pouvoir étatique qui se croient éloignées du désordre et une expérience pratique du militantisme fanatique de Bolsonaro pour d’immenses masses de Brésiliens.

Les journaux comparent le 8 janvier 2023 à Brasilia au 6 janvier 2021 à Washington. Cependant, au-delà de la volonté de nier les résultats des élections et de révéler les défis posés aujourd’hui aux systèmes politiques libéraux par les mouvements illibéraux ou néo-fascistes, les comparaisons ont des limites. Bolsonaro avait déjà quitté ses fonctions et Lula avait prêté serment en tant que président, tandis que Trump était toujours au pouvoir et qu’il s’agissait pour le Congrès américain de reconnaître le résultat électoral. La mobilisation fasciste états-unienne avait pour objectif que le Congrès maintienne Trump au pouvoir et n’accorde pas le mandat à Biden. L’insurrection brésilienne est une destruction généralisée des sièges des trois pouvoirs – le palais de l’Alvorada, le Congrès fédéral et le Tribunal suprême fédéral – dont la signification est celle d’un coup d’État, cherchant à créer une situation de chaos, guerre civile et faillite du gouvernement, qui justifierait l’intervention des Forces armées. Et la tradition de contrôle civil sur l’armée place le 6 janvier étatsunien dans un cadre structurel complètement différent de celui du 8 janvier : le Brésil a mis fin à sa dernière dictature militaire en 1985 mais il a conservé la militarisation des forces de police et un statut spécial dans le service public pour les militaires. Heureusement, la réaction institutionnelle au Brésil – y compris de la part des conservateurs – a été beaucoup plus saine que celle des Républicains aux États-Unis. Le fait que Lula ait géré une crise de cette ampleur à son avantage alors qu’il avait à peine une semaine de mandat et qu’il ait rassemblé autour de lui les autorités politiques, en dit long sur sa capacité politique. Mais elle exprime aussi la peur des élites brésiliennes face au désordre et à la présence des gens dans les rues.

La réaction immédiate de la gauche et du progressisme a été jusqu’à présent assez unifiée, à en juger par le nombre de manifestations qui ont été organisées dans tout le pays le 9 janvier. Il faut se battre contre la complaisance et la connivence à l’égard de la violence politique et de la militarisation de la société ; n’offrir aucune trêve ni amnistie aux personnes impliquées dans la tentative de coup d’État ; rendre Bolsonaro et ses amis responsables de leurs actions ; démanteler le noyau de pouvoir fasciste qui a été installé dans les forces armées et d’autres organes de l’État ; lutter pour le retrait des militaires de la vie politique et la démilitarisation de la police, de la politique et de la société… Il semble que la signification de « décombres autoritaires » a refait surface dans la conscience de la gauche 34 ans après la promulgation de la Constitution de 1988.

Les contradictions du gouvernement de Lula

Mais cet événement majeur de la vie nationale soulève une question incontournable : comment une action comme celle de Brasilia a-t-elle pu être organisée sans que le gouvernement fédéral en soit préalablement informé et puisse réagir ?

L’explication qui nous était offerte jusqu’à présent était celle de la collusion du gouvernement du District fédéral avec les manifestants. En conséquence, l’ancien ministre de la justice et secrétaire à la sécurité du gouvernement du district fédéral de Jair Bolsonaro, Anderson Torres (qui était providentiellement en voyage aux États-Unis), est devenu le principal suspect du complot qui a abouti aux agressions. Toujours le 8 janvier, Lula a décrété une intervention fédérale dans les organes de sécurité publique du District fédéral (DF) jusqu’au 31 janvier. Puis, aux premières heures du 9, le juge du Tribunal suprême fédéral (STF), Alexandre de Moraes, a démis de ses fonctions pour 90 jours le gouverneur bolsonariste du District fédéral, Ibaneis Rocha, et il a ordonné une série de mesures visant la liquidation totale dans les 24 heures des campements devant les casernes dans tout le Brésil, l’arrestation des manifestants et la recherche des financiers de ces actions. Le 9, plus de 1 500 manifestants avaient été arrêtés à Brasilia. Des initiatives de mouvements sociaux pour la défense de la démocratie et contre toute amnistie pour les putschistes ont eu lieu dans tout le pays. Le 10, le juge du STF, Alexandre de Moraes, a ordonné l’arrestation d’Anderson Torres, qui aurait rencontré Jair Bolsonaro à Miami le 7 janvier. Le 11, une Force nationale, composée de policiers de différents États et non de militaires, est chargée de la sécurité de l’Esplanade, dont l’accès est fermé.

La complicité du gouvernement du DF avec les manifestants semble évidente. Mais cela ne représente que la surface des événements. Au fur et à mesure que les enquêtes progressent, il semble que le 8 janvier était le plan B du bolsonarisme. Le projet de décret trouvé par la police fédérale au domicile d’Anderson Torres montre que le plan A proposé par l’entourage de Bolsonaro était un coup d’État, pour instaurer, avec le soutien des forces armées, un «  état de défense  » (1) du Tribunal supérieur électoral et changer le résultat de l’élection de 2022. Cela aurait mis les militaires en position de pouvoir modérateur d’un second gouvernement Bolsonaro. Si le plan A n’a pas été exécuté, c’est qu’il n’a pas obtenu le soutien de la majorité des commandants opérationnels des troupes, dont probablement pas celui du Commandant de l’Armée. Au fur et à mesure que ce dispositif est connu, le Plan B se révèle être une alternative au Plan A.

Le problème qui découle du manque de réaction préalable du gouvernement fédéral est lié aux caractéristiques du gouvernement Lula et aux défis qu’il doit relever. Il a été constitué comme un gouvernement du front démocratique qui a porté Lula et Alckmin au pouvoir fédéral – un gouvernement du PT et de ses alliés progressistes (à l’exception du PSOL, qui n’a pas accepté de participer au nouvel exécutif), passant notamment par Marina Silva (2) et Sonia Guajajara (3), et allant jusqu’à Simone Tebet (4) et les libéraux.

Cela amène une partie de la gauche à se reconnaître dans la dynamique de ce front et à chercher à niveler ses défis autour, essentiellement, de l’idée de neutraliser la pression ultralibérale des marchés et de « Faria Lima  » [ici la haute finance]. Le problème est réel et la préoccupation est correcte, mais elle conduit une partie de la gauche à un économisme délirant : dans un article intitulé « Débolsonariser le Brésil. Comment ? » du 11 janvier, Elias Jabbour affirme : « Le bolsonarisme ne commencera à disparaître que lorsqu’un certain consensus dans notre société sera atteint autour de la nécessité d’une croissance économique accélérée, de l’industrialisation et de la construction des bases matérielles d’un État providence brésilien. » (5) Il convient de se demander sur quelle planète se trouve l’auteur alors que le bien-être régresse partout dans le monde. La lutte contre le fascisme contemporain est une lutte plus large visant à trouver un sens et des perspectives, des projets qui ne se réduisent pas à des exigences économiques ou à des politiques qui contrecarrent l’atomisation sociale des masses populaires.

La composition du gouvernement cherche cependant à répondre également à deux autres caractéristiques interconnectées. D’une part, la modération dans le traitement du bolsonarisme et de son noyau organisé dans un secteur du commandement des Forces Armées, indispensable en raison du rôle important que les militaires réservistes ont obtenu ces dernières années. José Múcio a été nommé au ministère de la Défense, soutenu par le pragmatique Flávio Dino au ministère de la Justice, dans une tentative de transition pactisée avec les militaires et les secteurs importants de la droite qui sont ancrés dans les institutions de l’État. À cette fin, Lula a fait entrer au gouvernement des personnes modérées, particulièrement enclines à conclure des accords avec les partisans de l’ancien président Bolsonaro ou, du moins, avec de nombreux secteurs conservateurs anti-PT. Cela s’avère être la grande contradiction des événements du 8 janvier, alors que ce qui était le plan A de Bolsonaro apparaît au grand jour et que la complicité de certains secteurs des forces armées avec les attentats devient évidente.

D’autre part, ce début de mandat présidentiel a toujours été, aux yeux de Lula et du PT, un espace pour «  acheter  » la gouvernabilité de la législature en payant le prix exigé par les députés et sénateurs du « Centrão » – le bloc de parlementaires conservateurs qui participe à tout gouvernement – en leur offrant des ministères avec des budgets importants. Les deux objectifs sont liés : la conciliation se fait avec les partisans non bolsonaristes de Bolsonaro, qui se trouvent dans une large mesure dans les trois partis du Centrão entraînés dans le gouvernement (le MDB, le PSD de Kassab et União Brasil). Il s’agit, officiellement, de 9 des 31 ministères (dont le stratégique ministère des Communications), ce qui a déjà valu à Lula un ministre de l’União Brasil (6) lié à des miliciens de Rio de Janeiro au ministère du tourisme.

La réalité des événements

Cependant les faits ont leur propre vie. Lula a su tirer parti des circonstances qui se présentaient mais il doit aussi essayer de les devancer. L’énorme violence déployée par les manifestants le 8 janvier, digne de bandes fascistes classiques, a été désavouée par la grande majorité de la population et des dirigeants politiques. Elle semble avoir isolé et affaibli de manière significative le bolsonarisme militant. Les gouverneurs élus dans le sillage du vote de Bolsonaro au premier tour – comme le nouveau gouverneur de São Paulo, Tarcisio de Freitas, un possible leader politique capable d’hériter des secteurs conservateurs – ont dû se rendre à Brasilia pour désavouer les « actes terroristes » et les actions des « vandales » (comme la presse les appelle) et pour montrer leur solidarité avec Lula. Même Valdemar Costa Neto, président du PL, auquel Jair Bolsonaro est désormais affilié, a critiqué ces actes. Les campements bolsonaristes sont démantelés dans tout le pays, sur ordre direct du STF.

Lula semblait, dans son discours de la nuit du 8, avoir abandonné la zone de confort des politiques de conciliation qui l’ont guidé depuis sa sortie de prison, tant en ce qui concerne sa stratégie d’alliances que sa campagne électorale et la mise en place du gouvernement. Après avoir décrété l’intervention dans les organes de sécurité du DF, il a traité les fascistes de fascistes, critiqué Bolsonaro, rappelé la déforestation de l’Amazonie et son importance pour l’ensemble de l’humanité, pointé du doigt « l’agrobusiness maléfique » qui détruit la forêt et empoisonne les aliments et déclaré qu’il s’en prendra aux financiers des putschistes. Il s’agit d’une rupture au moins partielle avec la stratégie consistant à rechercher une transition en alliance avec le bolsonarisme, même sans l’aval de Bolsonaro. Tout au long de la semaine, Lula a explicité d’autres points, déclarant notamment qu’il n’a pas confiance dans les militaires et que le rôle que leur définit la Constitution n’est pas celui d’être un « pouvoir modérateur ».

Mais « l’agrobusiness maléfique » c’est la dynamo des exportations brésiliennes et le cœur de l’appareil de pouvoir oligarchique qu’est l’État brésilien. De plus, son « pacte  » consiste à rechercher un accord avec les forces armées – que Bolsonaro a tenté de transformer en pilier de soutien à son gouvernement. La Constitution de 1988 préserve aux militaires un rôle dans l’ordre politique. Lula et ses plus proches conseillers et ministres cherchent la voie d’alliances de plus grande envergure et de la conciliation. Peuvent-ils initier des ruptures, même si ce n’est qu’occasionnellement ? Comment peuvent-ils le faire tout en maintenant les trois piliers de leur stratégie politique modérée : gouvernement de façade démocratique, transition convenue avec les militaires et les conservateurs, et intégration à moindre coût du Centrão dans le pacte de gouvernance ?

Que faire contre le bolsonarisme ?

Les contradictions politiques sont implacables et celles qui sont à la base du gouvernement Lula sont apparues en force le 8 janvier. José Múcio est l’ambassadeur des militaires auprès du gouvernement, et son inaction ou sa complicité semble avoir joué un rôle central dans l’occupation sans entrave par les manifestants du siège des trois pouvoirs. Múcio est sorti de l’épisode assez usé, mais Lula a ouvertement parlé du problème et lui a réaffirmé sa confiance, prenant sans doute en compte la continuité du dialogue avec les secteurs militaires. En même temps, la réaction de Lula a été d’affronter les putschistes et, pour ce faire, il s’appuie sur une autre figure qui s’est révélée centrale, le juge du STF, Alexandre de Moraes.

Moraes a une trajectoire politico-juridique de deux décennies liée au PSDB de São Paulo et à l’ancien gouverneur Geraldo Alckmin. Il a été le ministre de la Justice de Michel Temer, qui l’a nommé au STF. Mais au cours des quatre dernières années il s’est affronté durement au gouvernement Bolsonaro pour « combattre l’extrémisme ».
Cela a conduit l’ancien président à demander au Sénat fédéral en août 2021 la destitution de Moraes – sans succès. Moraes dirige une enquête sur les « actes antidémocratiques » et une autre sur les « milices numériques », qui cible l’un des fils de Jair Bolsonaro, Carlos Bolsonaro. C’est Moraes qui a dirigé en 2022 la justice électorale brésilienne d’une main de fer, créant des procédures draconiennes pour proscrire les fake news sur les réseaux sociaux pendant la campagne. Et il a pris des mesures tout aussi sévères contre diverses initiatives bolsonaristes. Il est devenu l’icône de l’activisme juridique antibolsonariste – nécessaire… mais inquiétant du fait de sa concentration de pouvoirs.

Le sénateur Flávio Bolsonaro, autre fils de l’ancien président, aurait déclaré que « la pacification du pays passe par le classement des enquêtes qui [visent les bolsonaristes et] sont menées par Alexandre de Moraes au STF ». Moraes a déclaré plus tard – le 12 décembre lors de la validation du résultat de l’élection de Lula et d’Alckmin – que «  cette cérémonie attestait une victoire totale et indiscutable de la démocratie et de l’État de droit contre les attaques antidémocratiques, la désinformation et les discours de haine proférés par divers groupes organisés qui, déjà identifiés, seront, je le garantis, tenus pleinement responsables afin que cela ne se reproduise pas lors des prochaines élections ».

Tout cela semble avoir été mis en lumière, ces deux derniers jours, avec la révélation du plan A raté du coup d’État dans le projet d’Anderson Torres et l’appel à la sanction des putschistes. Aujourd’hui, 13 janvier, le procureur général nommé par Bolsonaro, Augusto Aras, sous la pression de 79 membres du ministère public fédéral, a demandé au STF d’inclure Bolsonaro dans l’enquête sur la paternité des actes du coup d’État, ce que Alexandre de Moraes a immédiatement fait.

Débolsonariser la société brésilienne nécessite des mesures que nous n’abordons pas ici, comme la reprise de l’organisation autonome de la société civile et la réoccupation des rues par les mouvements sociaux, la régulation et la démocratisation des plateformes et réseaux numériques qui alimentent l’activisme de la droite radicale et en tirent profit, des politiques visant à augmenter la confiance des secteurs populaires dans leurs propres forces, et un système économique qui rompt avec l’extractivisme et l’agrobusiness générés par toutes les forces au pouvoir ces quarante dernières années. Elle exige également des alternatives internationales. La capacité politique du bolsonarisme s’est construite en l’articulant sur le terrain mondial avec les forces nationalistes conservatrices qui sont en « guerre contre la modernité ». Aucune victoire démocratique ne sera définitive si elle n’est pas projetée dans le cadre d’une alternative pour toute l’humanité et pour le tissu de vie de la planète.

Cependant, une lutte démocratique décisive s’est ouverte. C’est l’occasion pour faire face à l’impunité, à la violence, au mépris de la vie (les morts criminelles de la pandémie en étant le cas le plus flagrant), à la militarisation de la société et à son contrôle par les milices – en liant tout cela à la criminalisation des activités de coup d’État de Bolsonaro et de ses associés. La mobilisation pour que les putschistes répondent de leurs actes peut – et, à notre avis, doit – catalyser un processus d’auto-organisation populaire sous des drapeaux de gauche. Un tel coup de force contre le fascisme brésilien, s’il est consolidé, mettra également le conservatisme traditionnel en position défensive et influencera fortement le rapport de forces stratégique.

Pour saisir cette opportunité, le gouvernement Lula et le système judiciaire brésilien doivent naviguer dans des zones qu’ils n’ont pas fréquentées au cours des dernières décennies. Il faut également que la gauche institutionnalisée sorte de son inertie, en ravivant sa capacité – oubliée – à tirer parti de l’auto-organisation populaire. Nous devons tous chercher les voies pour cela. La prochaine période sera tout, sauf paisible !

* José Correa Leite, animateur du Forum social mondial, a longtemps milité au sein de la tendance Démocratie socialiste du Parti des travailleurs (PT), qu’il a quitté en septembre 2005 pour rejoindre le Parti du socialisme et de la liberté (PSOL). Il est aujourd’hui un des dirigeants d’Insurgência, une tendance du PSOL qui fait partie de la section brésilienne de la IVe Internationale.

Cet article a d’abord paru sur le site web de Insurgência, le 14 janvier 2023 : https://www.insurgencia.org/blog/8-de-janeiro-contradicoes-e-alternativas-na-luta-contra-o-fascismo?categoryId=163386
(Traduit du brésilien par JM).

Notes

1. «  L’état de défense » est un instrument prévu par la Constitution qui peut être activé par le président de la République pour « préserver ou rétablir l’ordre public  ». Selon l’article 136 de la Carta magna brésilienne, une telle mesure ne peut être prise que lorsque l’ordre est «  menacé par une instabilité institutionnelle grave et imminente ou affecté par des calamités de grande ampleur dans la nature  ». Les mesures coercitives peuvent alors être des restrictions sur les droits de réunion, le secret de la correspondance ainsi que des communications télégraphiques et téléphoniques.

2. Marina Silva, historienne et psychopédagogue, militante écologiste, adepte de la plus puissante église pentecôtiste au Brésil, a été élue sénatrice en 2002 sous l’étiquette du PT, elle a exercé la fonction de ministre de l’Environnement de 2003 à 2008 sous la présidence de Lula. Candidate du Parti vert à l’élection présidentielle, elle est arrivée troisième avec 19,3 % des suffrages. À nouveau candidate en 2018, elle n’a obtenu que 1 %. En février 2013 elle a fondé le parti Rede Sustantabilidade (REDE, Réseau soutenabilité) en présence de près de 1,5 million de personnes. En 2022, en vue des élections parlementaires, le Parti socialisme et liberté (PSOL) et le REDE se sont coalisés au sein d’une Fédération PSOL REDE. Elle a été nommée par Lula ministre de l’Environnement et du Changement climatique le 1er janvier 2023.

3. Sonia Guajajara est une militante autochtone de la tribu Guajajara œuvrant pour la protection de l’environnement et du PSOL, elle a été élue députée fédérale à São Paulo en octobre 2022. Elle a été nommée par Lula ministre des Peuples autochtones le 1er janvier 2023.
4. Simone Tebet, avocate, sénatrice, candidate à l’élection présidentielle de 2022 pour la coalition du Centrão (MDB-PSDB-Cidadania), est arrivée troisième au premier tour avec 4,2 % des voix. Elle a apporté pour le deuxième tour son soutien au candidat de gauche Lula alors que le MDB n’a donné aucune consigne de vote et que certains de ses dirigeants, tel Ibaneis Rocha, ont soutenu Bolsonaro. Elle a été nommée par Lula ministre de la Planification et du Budget le 1er janvier 2023.

5. cf. https://www.ihu.unisinos.br/625492-desbolsonarizar-o-brasil-como

6. União Brasil est un parti de droite issu de la fusion en 2021 entre les Démocrates (DEM) et le Parti social libéral (PSL), qui comptait alors le plus grand nombre de députés fédéraux (et n’en compte plus que 59 sur 513 à l’issue des élections de 2022). União Brasil a présenté à la présidentielle de 2022 Soraya Thronicke (0,51 % des suffrages), avocate, sénatrice, présidente de la commission de l’agriculture et de la réforme agraire au Sénat de 2019 à 2021, tristement célèbre pour ses discours niant les droits fonciers des peuples indigènes.

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