Édition du 23 avril 2024

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Amérique centrale et du sud

Argentine. Sous pression de la rue, la CGT appelle à une journée de grève générale le 9 mai

Alors que depuis trois mois, les directions syndicales négocient avec le patronat et refusent de s’opposer de manière coordonnée au plan de Milei, elles ont fini par appeler, sous pression de la rue, à une nouvelle journée de grève générale, le 9 mai prochain.

12 avril 2024 | tiré de Révolution permanente | Crédits photo : La Izquierda Diario

En 24 heures, la situation a changé. Alors que ce mercredi, les dirigeants de la CGT n’annonçaient aucune date de mobilisation tout en continuant de mener leurs négociations avec le patronat sur une réforme du travail, ils ont annoncé dans la nuit du jeudi une date de grève générale, prévue le 9 mai prochain. Le contexte de crise économique grave et les attaques directes du gouvernement envers les travailleurs et les classes populaires intensifient les mobilisations par en bas. Les directions syndicales sont donc prises entre le mécontentement de la base et la dureté des attaques du gouvernement et des entreprises, et ont fini par appeler à cette date lointaine du 9 mai.

La passivité de la CGT mise à mal

Les conducteurs de bus ont organisé une grande grève qui a secoué la région métropolitaine de Buenos Aires, réclamant des augmentations de salaire. Dans plusieurs villes, les métallurgistes ont organisé une grande marche. PepsiCo Mar del Plata a été paralysé en raison de licenciements. Les travailleurs licenciés de GPS-Aerolíneas Argentinas et les fonctionnaires sont descendus dans les rues ce vendredi pour protester contre les licenciements, mais aussi contre le nouveau projet de loi Omnibus. Les mouvements sociaux ont récemment manifesté massivement et ont fait face à une répression brutale au centre de Buenos Aires. Les enseignants, les personnels non enseignants et les étudiants de différentes universités nationales prévoient également de se mobiliser massivement le 23 avril.

La colère s’accumule depuis la base face à une situation économique étouffante. L’inflation a frappé durement ces derniers mois tous les Argentins. Les salaires ont chuté comme jamais auparavant. Les retraités sont ceux qui paient le plus lourd tribut à l’ajustement fiscal : depuis 2015, le niveau de leur pension a diminué de 60%, et Milei cherche à le faire baisser à nouveau de 20% en dessous du minimum pour les personnes, majoritairement des femmes, qui n’ont pas suffisamment cotisé. De nouvelles hausses de tarifs sont à venir et pendant ce temps, les banques, les grandes entreprises agricoles, les compagnies minières, les sociétés privatisées d’énergie s’enrichissent.

C’est dans ce contexte que la bureaucratie de la CGT a annoncé de nouvelles mesures, sans changer l’essentiel de son plan, qui consiste à négocier avec le patronat une réforme sur le travail, qui prévoit de supprimer l’indemnisation et de la remplacer par un système dans lequel le travailleur lui-même cotise mensuellement à un fond qui lui serait versé en cas de licenciement. Le texte prévoit aussi une réduction des amendes pour les employeurs en cas de non-déclaration régulière de leurs travailleurs. C’est donc un texte de loi pro-patronal qui augmenterait la précarisation des conditions de travail et rendrait les licenciements moins coûteux pour les entreprises.

Par l’annonce de cette date, les directions cherchent à apaiser la colère et à avancer dans leurs négociations, syndicat par syndicat. Pour cela, ils divisent les luttes et donc l’immense force sociale de la classe ouvrière, plutôt que de l’unir. La CGT refuse de faire face au méga DNU en n’appelant pas non plus à la grève et à la manifestation les jours où la nouvelle Loi Omnibus sera discutée au Congrès national. Bien que le chapitre du travail soit bloqué par la justice, le décret comporte de nombreuses autres attaques. Il détruit les conquêtes populaires et dérégule les marchés pour qu’ils exploitent les travailleurs et travailleuses.

À travers cette date lointaine et en maintenant le dialogue social avec le patronat, les syndicats refusent de s’opposer de manière coordonnée au plan de Milei et aux grands puissants qui le soutiennent. La CGT et la CGT-A sont en train de construire un plan de bataille et une stratégie selon leurs intérêts, en s’efforçant de contenir la mobilisation par la gauche au sein du péronisme, dans une perspective électorale, pour les élections législatives de mi-mandat de 2025 et la campagne de leur candidat Grabois. Leur objectif et de contenir la colère à travers des jours de grève étalés dans le temps.

Une combativité à l’extrême-gauche pour un 9 mai réussi

L’attitude de la gauche et du syndicalisme combatif est opposée à cette passivité. Depuis décembre, l’extrême-gauche, dont le PTS (organisation sœur de Révolution Permanente en Argentine) ont été les premiers à descendre dans la rue pour affronter le protocole répressif de Patricia Bullrich au côté de milliers de manifestants. Des assemblées de quartier ont commencé à se former, et des casserolades ont eu lieu dans de nombreuses villes. En janvier, l’extrême-gauche et les syndicats combatifs ont participé pleinement à la première grève générale que la CGT a été contrainte de convoquer, tout en dénonçant le fait qu’ils ont empêché son élargissement massif à tous les secteurs, notamment en permettant aux transports de fonctionner presque normalement toute la journée. Les 8 et 24 mars, des centaines de milliers de personnes des secteurs les plus combatifs ont également convergé dans les rues. Le 23 avril a lieu la grande marche nationale universitaire en direction du Congrès national, au sein de laquelle les revendications seront contre les licenciements massifs qui ont lieu partout en Argentine, et pour empêcher l’approbation de la nouvelle loi Omnibus.

Le 9 mai, aucun espoir ne doit être placé dans la direction des syndicats. Ce jour-là, les travailleurs et travailleuses doivent paralyser le pays en faisant une grande démonstration de force. Il s’agit de « frapper ensemble, marcher séparément ». L’unité pour la lutte, tout en maintenant l’indépendance des secteurs démocratiques et combatifs. Car il ne s’agit pas seulement de se battre syndicat par syndicat ou secteur par secteur, ni de prendre des mesures nationales isolées de temps en temps. Il s’agit de se battre pour la continuité d’un plan de lutte et de le faire dans le cadre de la construction de la grève générale. Car c’est la seule façon de vaincre le plan de Milei dans son entièreté.

Comme l’écrivent nos camarades du PTS, « Il est nécessaire dès aujourd’hui de s’organiser depuis la base dans des assemblées dans chaque lieu de travail, d’étude et dans chaque quartier, comme le font les assemblées populaires. Se coordonner dans des instances démocratiques pour avoir également plus de force pour soutenir chaque combat et pour lutter contre la bureaucratie. Dans cette voie, nous voulons ouvrir la voie à la lutte pour une autre issue. Une issue qui commence par affirmer qu’il y a de l’argent pour les salaires, l’éducation, la santé, la science, les retraites, mais que les grands entrepreneurs et le capital financier le prennent. Cela implique de rompre avec le FMI, de ne pas payer la dette et de nationaliser la banque, et face aux hausses de tarifs, de promouvoir la nationalisation et l’expropriation sous contrôle ouvrier de tout le système énergétique, sur la voie d’un programme global pour que la crise soit supportée par les capitalistes, et d’imposer un gouvernement des travailleurs et des pauvres qui remette en question la domination des propriétaires du pays en commençant par la réorganisation de la société en fonction des besoins des grandes majorités et non du profit capitaliste. Cela implique également qu’au fil de chaque lutte, nous cherchions à construire une force politique socialiste des travailleurs, sans tomber dans les pièges du péronisme qui vient d’échouer et de s’ajuster pendant ses gouvernements, laissant un taux de pauvreté de 41,7 %, et qui aujourd’hui mise sur le fait de laisser passer le plan de Milei pour ensuite « revenir » et administrer les ruines appauvries du pays ».

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