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Campagne électorale fédérale 2021 : Débats télévisuels et faux pas de Legault…


Qu’on le veuille ou non, la télévision est, dans les démocraties libérales contemporaines, une composante incontournable de la vie politique. La lutte pour la conquête du pouvoir implique dorénavant que les chefFEs soient capables d’encapsuler leurs messages en quelques secondes et aussi que leur tête passe bien au petit écran.

Pour permettre aux électrices et aux électeurs de décider vers quelle formation politique sera accordé leur vote, les chaînes télévisuelles organisent, depuis les années soixante au Canada et au Québec, le « Débat des chefFEs ». Cet événement médiatique a son importance, non pas parce qu’il permet aux électrices et aux électeurs de s’informer adéquatement sur le programme électoral des formations politiques qui s’affrontent et rivalisent pour ravir des sièges à la Chambre des communes, mais bien plutôt à cause des inévitables faux pas auxquels ils donnent lieu le soir même ou le lendemain. Il faut savoir qu’à l’instar des compétitions sportives, ces événements politiques sont abondamment commentés par les politicienNEs, les journalistes et les analystes politiques. Ces personnes se demandent, mais qui donc a remporté le débat ? Au Canada, pays officiellement bilingue, il faut reconnaître que nous sommes bien servis en matière de « Débat des chefs ». En règle générale, il s’en produit au moins deux (au moins un en français et également en anglais). Les chances de dérapages sont donc accrues. Retour sur la drôle de semaine de la campagne fédérale 2021.

Les gagnantEs du débat des ChefFEs du 8 septembre

Il y a deux personnes qui m’ont impressionné lors du débat en français du 8 septembre 2021 : Charles Leduc (11 ans) et Hélène Buzzetti (Coops de l’information). Qui aurait pu imaginer qu’un enfant de 11 ans soulève probablement la grande question en lien avec un enjeu hypocritement discuté par la vaste majorité des membres de la classe politique depuis plus de cinquante ans ? C’est incontestablement Charles Leduc, qui a réussi à mettre le plus dans l’embarras les Trudeau, O’Toole et tutti quanti. Ce préadolescent s’est présenté devant la caméra en disant s’inquiéter de l’utilisation des énergies fossiles pour son avenir et celui de ses enfants… Vous savez ces énergies qui pompent vers la hausse le Produit intérieur brut, c’est-à-dire la « Richesse nationale » (sic). Cette donnée qui semble être le seul paramètre qui obsède et excite les ministres quand elles et ils sont au pouvoir. La deuxième gagnante du débat est sans contredit Hélène Buzzetti. Quel aplomb quand elle pose des questions. En prime, ses questions ont la qualité d’être solidement documentées. Je suis d’avis que cette femme doit quitter la Tribune parlementaire pour aller siéger à la Chambre des communes. Elle sait comment s’imposer dans un débat. En l’écoutant, je me disais : « Le journalisme mène à tout ».

La grande perdante du débat des ChefFEs du 9 septembre

Il faut le reconnaître d’entrée de jeu, l’animatrice du débat des chefFEs en anglais, Shachi Kurl, y est allée d’une bourde assez indigeste lors de sa première question adressée au chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet. Elle lui a demandé pourquoi le Bloc appuyait des « lois discriminatoires » votées par les députéEs de l’Assemblée nationale :

«  Vous niez que le Québec a des problèmes avec le racisme, mais vous défendez des lois comme la loi 96 et 21 qui marginalisent les minorités religieuses, les anglophones et les allophones. Le Québec est reconnu comme une société distincte, mais pour ceux qui sont à l’extérieur de la province, aidez-les s’il vous plaît à comprendre pourquoi votre parti soutient aussi ces lois discriminatoires. » (Shachi Kurl)

Et moi qui étais sous l’impression qu’un débat entre chefFEs devait permettre de faire le point sur l’action gouvernementale de la dernière législature, de faire l’inventaire des enjeux qui nous confrontent comme société sur les plans économique, politique, social, culturel, rapports hommes/femmes, écologie, groupes discriminés et catégories exclues, etc., et de scruter d’un peu plus près les propositions des formations politiques pour résoudre les problèmes de notre époque. Je reconnais être sorti, de ces deux soirées (les 8 et 9 septembre), pas nécessairement plus instruit sur le tout.

Autopeluredebananiser ou autopatatechaudiser ?

Je vous mentionnais un peu plus haut que les débats sont une occasion qui donne lieu à des dérapages des moments où la parole lancée a pour effet de mettre celle ou celui qui la prononce dans une position qu’elle ou qu’il se nuit à lui-même. Celui qui rafle les honneurs à cet égard est nul autre que le premier ministre du Québec, François Legault. Impatient de nous faire entendre ses préférences idéologiques et partisanes, dès le lendemain du débat en français du 8 septembre, le chef de la Coalition avenir Québec, invitait les Québécoises et les Québécois à voter pour les troupes conservatrices d’Erin O’Toole. Vous savez ce chef qui en toutes matières a « un plan ». « Plan » probablement évasif, mais plan qui priorise l’exploitation des ressources fossiles, l’équilibre budgétaire et le recul des droits des femmes.

Ainsi donc, François Legault demande aux électrices et aux électeurs du Québec de voter pour un parti politique qui se dit prêt à financer le troisième lien et sabrer dans le financement du programme des garderies. En nous invitant à poser un tel geste, François Legault s’est autopeluredebananisé ou autopatatechaudisé, c’est selon vos préférences pour un fruit ou un légume.

Yvan Perrier

12 septembre 2021

11h20

yvan_perrier@hotmail.com

Yvan Perrier

Yvan Perrier est professeur de science politique depuis 1979. Il détient une maîtrise en science politique de l’Université Laval (Québec), un diplôme d’études approfondies (DEA) en sociologie politique de l’École des hautes études en sciences sociales (Paris) et un doctorat (Ph. D.) en science politique de l’Université du Québec à Montréal. Il est professeur au département des Sciences sociales du Cégep du Vieux Montréal (depuis 1990). Il a été chargé de cours en Relations industrielles à l’Université du Québec en Outaouais (de 2008 à 2016). Il a également été chercheur-associé au Centre de recherche en droit public à l’Université de Montréal.
Il est l’auteur de textes portant sur les sujets suivants : la question des jeunes ; la méthodologie du travail intellectuel et les méthodes de recherche en sciences sociales ; les Codes d’éthique dans les établissements de santé et de services sociaux ; la laïcité et la constitution canadienne ; les rapports collectifs de travail dans les secteurs public et parapublic au Québec ; l’État ; l’effectivité du droit et l’État de droit ; la constitutionnalisation de la liberté d’association ; l’historiographie ; la société moderne et finalement les arts (les arts visuels, le cinéma et la littérature).
Vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante : yvan_perrier@hotmail.com

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