Édition du 30 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Syndicalisme

Négociation dans les secteurs public et parapublic

De quoi sera faite la prochaine étape à la lumière des nouveaux arrêts de travail ?

Il y aura cette semaine les 21, 22 et 23 novembre un deuxième coup de semonce de la part du Front commun (CSN-CSQ-FTQ et APTS) qui regroupe environ 420 000 salarié.e.s syndiqué.e.s oeuvrant dans les secteurs public et parapublic.

Ce sera ensuite au tour des 80 000 membres de la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ) de se déclarer en arrêt de travail collectif les 23 et 24 novembre. N’oublions pas aussi les 65 000 membres de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) qui ont annoncé leur intention de déclencher une grève générale illimitée (GGI) à compter du jeudi 23 novembre…

Tout est donc en place pour que se produise une nouvelle étape significative dans la présente ronde de négociation dans ces secteurs essentiels à notre qualité de vie en société. Profitons de ce nouveau moment pour hasarder un certain nombre de scénarios hypothétiques qui n’ont pas la prétention d’épuiser le réel. Essayons toutefois d’éviter de faire dans la futurologie excentrique.

Autour de sept scénarios hypothétiques

Scénario 1 : À la surprise générale, un règlement se conclut in extremis entre le gouvernement Legault et une ou plusieurs organisations syndicales. Si tel est le cas, tout le reste devient dès lors caduc ou bavardage futile.

Scénario 2 : Le gouvernement annonce, quelque part durant la présente semaine, une « Offre dite finale » et invite ou oblige les organisations syndicales à suspendre leurs moyens de pression, le temps de procéder à une consultation auprès de leurs membres.

Scénario 3 : Le gouvernement ne s’immisce d’aucune manière dans les arrêts de travail des différentes organisations syndicales et continue à clamer qu’il attend une contre-offre de ses vis-à-vis. Il les laisse continuer à exercer leurs moyens de pression pendant un certain temps.

Scénario 4 : Durant les trois journées de grève des 22, 23 et 24 novembre, les leaders du Front commun annoncent qu’en l’absence de tout règlement dans les secteurs public et parapublic leurs 420 000 membres seront en GGI dès le début du mois de décembre…

Scénario 5 : Le gouvernement Legault constatant qu’aucune des huit organisations syndicales se montre prête à conclure quoi que ce soit avec lui décide, d’ici la fin novembre ou la mi-décembre, d’imposer unilatéralement via un décret les conditions de travail et de rémunération et met un terme aux moyens de pression en faisant adopter, par les député.e.s de l’Assemblée nationale, une loi spéciale de retour au travail.

Scénario 6 : En vue de se donner des moyens financiers supplémentaires pour bonifier son offre, le gouvernement Legault cherche une façon de reporter dans le temps l’exercice des moyens de pression jusqu’à l’adoption du (ou d’un) prochain budget…

Scénario 7 : Le gouvernement Legault prend tout le monde par surprise et nous annonce un scénario original et inédit dans l’histoire des négociations dans les secteurs public et parapublic. Ou, a contrario, les organisations syndicales prennent tout le monde par surprise et elles nous annoncent une piste de solution originale et inédite dans l’histoire des négociations dans les secteurs public et parapublic.

À quoi s’attendre au juste maintenant ?

Sans égard pour la suite des choses, il s’agit là de scénarios possibles et envisageables. Tout dépend au fond de la volonté du gouvernement Legault de conclure la présente ronde de négociation dans un cadre négocié ou imposé. Tout dépend également de la volonté des organisations syndicales de conclure le tout en évitant de donner un faux prétexte au gouvernement Legault de recourir à la voie autoritaire. Quoi qu’il en soit, ici, c’est le gouvernement qui est en position pour décider comment le tout peut et risque de se terminer ou de se dénouer.

Pour conclure

Nous sommes vraiment rendus à un moment très important de la présente ronde de négociation. Il se peut que François Legault décide de persister dans la voie de l’arrogance infructueuse et de l’unilatéralisme autoritaire ou qu’il examine sérieusement la possibilité de donner une chance véritable et réelle à la négociation.

La question importante, par conséquent, à se demander est la suivante : François Legault bluffe-t-il ou non quand il affirme n’avoir rien d’autre que 10,3% sur 5 ans à offrir à ses 600 000 salarié.e.s syndiqué.e.s qui sont environ 75% des femmes ? S’il ne bluffe pas, la fin de la présente ronde approche à grands pas. S’il bluffe, il reste du temps aux deux parties pour continuer à négocier et essayer de trouver un terrain d’entente. Ce sera donc au cours des prochains jours que nous serons en mesure de constater si l’offre du gouvernement du Québec à ses salarié.e.s syndiqué.e.s - offre largement en deçà de l’inflation pour les prochaines années - constitue un plafond indépassable.

Nous sommes de plus à un moment où le rapport de force de l’opinion publique peut continuer à jouer à l’avantage de la partie syndicale. Par contre, ou bien l’attention de la population est dirigée autour des conditions de travail et de rémunération des 600 000 salarié.e.s syndiqué.e.s ou bien l’attention de cette même population se déplace autour d’un discours pessimiste au sujet de l’état des finances publiques et des inconvénients subis par certaines usagères et certains usagers des services publics à cause des arrêts de travail. Dans cette dernière éventualité, il se peut que le rapport de force se mette à basculer à l’avantage de l’État employeur qui est aussi l’État législateur.

Qu’on le veuille ou non, durant ou après l’exercice de ces journées de grève, il devra se passer quelque chose aux tables de négociation ou à l’Assemblée nationale.

C’est alors que nous serons en mesure de constater si la présente année parlementaire aura été profitable uniquement pour les 125 député.e.s de l’Assemblée nationale qui ont décidé d’empocher 30% et plus d’augmentation salariale et, pour les 600 000 salarié.e.s syndiqué.e.s, une autre ronde de négociation où la plupart diront qu’elles et qu’ils viennent encore une fois d’écoper pour les prochaines années avec moins (ou beaucoup moins) que le pourcentage de l’inflation.

Yvan Perrier

20 novembre 2023

11h30

yvan_perrier@hotmail.com

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Yvan Perrier

Yvan Perrier est professeur de science politique depuis 1979. Il détient une maîtrise en science politique de l’Université Laval (Québec), un diplôme d’études approfondies (DEA) en sociologie politique de l’École des hautes études en sciences sociales (Paris) et un doctorat (Ph. D.) en science politique de l’Université du Québec à Montréal. Il est professeur au département des Sciences sociales du Cégep du Vieux Montréal (depuis 1990). Il a été chargé de cours en Relations industrielles à l’Université du Québec en Outaouais (de 2008 à 2016). Il a également été chercheur-associé au Centre de recherche en droit public à l’Université de Montréal.
Il est l’auteur de textes portant sur les sujets suivants : la question des jeunes ; la méthodologie du travail intellectuel et les méthodes de recherche en sciences sociales ; les Codes d’éthique dans les établissements de santé et de services sociaux ; la laïcité et la constitution canadienne ; les rapports collectifs de travail dans les secteurs public et parapublic au Québec ; l’État ; l’effectivité du droit et l’État de droit ; la constitutionnalisation de la liberté d’association ; l’historiographie ; la société moderne et finalement les arts (les arts visuels, le cinéma et la littérature).
Vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante : yvan_perrier@hotmail.com

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