Édition du 23 avril 2024

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Éducation

Réaction à l’édito ersatz de Presse-toi-à-gauche sur le Sommet de l’enseignement supérieur

Grave erreur tactique de Québec solidaire et de la FEUQ

Pierre Mouterde, dans un article à la une de Presse-toi-à-gauche qui a valeur de position éditoriale, défend la tactique de Québec solidaire, soit être à la fois dedans et dehors, en renvoyant dos-à-dos ASSÉ et FEUQ (alors que le commentateur Jacques Pelletier n’en a que pour persifler l’ASSÉ). Si le Sommet avait été un exercice ouvert, et non pas du mauvais théâtre où tout était cuit d’avance au sujet des frais de scolarité, cette tactique aurait été appropriée. Comme ce n’était qu’un exercice de relations publiques pour faire apparaître le PQ comme l’incarnation de la raison du juste milieu, la tactique à suivre ne pouvait être que le boycott ou au pire la sortie avant la fin, par exemple aussitôt révélée la formule d’indexation, la seule inconnue lors de l’ouverture.

Pour l’article original, voir : Pierre Mouterde, Sommet de l’enseignement supérieur : erreur tactique ?

Il y avait certes une différence entre la position de la FEUQ (gel et refus de participer à la manif) et celle de Québec solidaire (gratuité sur 5 ans et participation à la manif) mais tous deux se retrouvaient dans la participation au pseudo sommet. La conséquence en fut d’isoler l’ASSÉ qui s’était pourtant montrée prête à participer à un sommet ouvert. Heureusement, sur la base d’une grève de 40 000 étudiantes et étudiants, la manifestation a été un succès inattendu de participation, près de 10 000 personnes, un air de printemps érable assombri par l’habituelle provocation policière dont les monopoles médiatiques se sont délecté.

Cette grève et cette manifestation permettent de garder ouverte la suite des choses. On aurait souhaité que l’auteur de l’article ne les passe pas sous silence, qu’il en fasse plutôt la clef de voûte de son analyse. Car si le PQ n’a pas pu atteindre le consensus qu’il aurait voulu, comme ce fut le cas lors des sommets économiques de la fin des années 90, c’est à cause de la pression de ceux et celles du dehors sur le pseudo-sommet. Comme le disait le porte-parole de l’ASSÉ au départ de la manif : « Il faudra parler un langage que le gouvernement comprend : le langage du rapport de force ! » Ce rapport de force aurait été d’autant meilleur si Québec solidaire, et bien sûr les autres associations étudiantes et les centrales syndicales, s’étaient ralliées au boycott de l’ASSÉ. Cela aurait été une défaite cinglante pour le PQ et toute la bourgeoisie derrière lui.

Quelle unité ?

Plusieurs diront que faute d’unité à gauche, mieux aurait valu une unité au centre. Faire de la panacée unitaire la pierre d’achoppement qui empêche de parvenir à la victoire, c’est mettre la charrue avant les bœufs. Le printemps érable a pourtant démontré que n’eut été de la CLASSE qui a forcé la main à la FEUQ et à la FECQ, il n’y aurait pas eu de printemps érable. Une unité préalable du mouvement étudiant aurait noyé les partisans de la grève en partant… à moins de favoriser une unité de la capitulation et non pas une unité militante seule capable de changer le rapport de forces. Cette unité, rarement complète, ne s’obtient que sur la base d’une volonté d’affrontement autour d’une revendication mobilisatrice. Elle nécessite un débat, corsé et public, au sein même du mouvement et même l’action, souvent jugée prématurée, de secteurs pionniers.

Étant donné l’actuelle grande force idéologique de « l’éducation marchande » qui domine l’opinion publique, comme le montrent les sondages même durant les temps forts du printemps érable, il est n’est pas mauvais que ses adversaires puissent constituer une organisation à part. En autant qu’elle ne soit pas marginale et sectaire, ce qui reste toujours une tentation, une telle organisation peut être plus libre de ses opinions et mouvements pour rallier les autres. Au Canada anglais, les mouvements étudiant et syndical sont plus unitaires qu’au Québec. En sont-ils pour autant plus combatifs ? L’unité organisationnelle est un corollaire de la lutte pas une prémisse. L’inverse est une vérité bureaucratique pour justement empêcher la lutte. La dialectique des coalitions et des fronts est complexe, loin du dogme bureaucratique de l’unité à tout prix.

Marc Bonhomme,
1er mars 2013

www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

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