Édition du 23 avril 2024

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Québec

Le travail d’entrepôt chez Amazon : un travail à hauts risques

Avec l’essor du commerce électronique, l’entreprise Amazon a connu une croissance continue de ses activités qui n’a pas ralenti avec la pandémie, bien au contraire. La multinationale a réussi à se positionner stratégiquement avec l’expansion du commerce en ligne. Cette croissance s’est évidemment accompagnée de l’ouverture de nombreux entrepôts et de centres de distribution partout dans le monde, notamment en Amérique du Nord. La grande région de Montréal en accueille plusieurs, dans lesquels sont à l’œuvre des centaines de travailleuses et de travailleurs chaque jour. Non syndiqués, ces travailleuses et travailleurs, souvent à statut précaire, sont soumis à des conditions de travail physiquement très exigeantes qui entrainent leur lot d’accidents et de maladies du travail. Les pratiques productivistes de l’entreprise semblent en effet faire bien peu de cas de la santé et la sécurité du travail.

Printemps 2024 | tiré du journal de l’UTTAM
https://uttam.quebec/journal/journal_printemps_2024_no3.pdf

Comme nous le verrons dans ce dossier, la prospérité de cette multinationale est en bonne partie tributaire des conditions de travail calamiteuses qu’elle impose à ses employés et de certaines pratiques douteuses en santé et sécurité du travail. Nous nous pencherons d’abord sur les exigences du travail d’entrepôt dans cette entreprise et les risques auxquels sont exposés les travailleuses et travailleurs. Nous examinerons ensuite les tactiques qu’ utilise pour entraver la reconnaissance des lésions professionnelles.

Le travail d’entrepôt : un travail pénible, exigeant et dangereux

Un récent projet de recherche, mené conjointement par le Groupe interuniversitaire et interdisciplinaire de recherche sur l’emploi, la pauvreté et la protection sociale (GIREPS), le Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTTI) et l’Association des travailleurs et travailleuses d’agence de placement (ATTAP) a brossé un portrait saisissant du travail dans le secteur de l’entreposage à Montréal.

Au terme d’une recherche-action centrée sur la réalité des travailleuses et travailleurs des entrepôts d’Amazon et de Dollarama, les chercheuses et chercheurs ont publié un rapport qui met en lumière de nombreux problèmes liés aux conditions de travail qui prévalent dans ces entreprises. Sorti en décembre dernier, ce rapport, intitulé « Mobiliser pour la santé et la sécurité du travail dans les entrepôts : des travailleurs et travailleuses d’agences au taylorisme numérique », est disponible en ligne [1] . Notre dossier découle à la fois des infor mations qu’on retrouve dans le rapport de ce projet de recherche et de témoignages que des travailleuses et des travailleurs d’entrepôts d’Amazon ont confié à l’uttam.

Des tâches et horaires qui épuisent les travailleuses et travailleurs

Le travail d’entrepôt est connu pour être associé à un risque élevé de blessures et de troubles musculosquelettiques. Chez ?mazon, les tâches et les horaires éreintants participent au problème et augmentent les risques auxquels sont exposés les travailleuses et travailleurs. Au total, plus des deux tiers (69,7 %) des travailleuses et travailleurs d’ ?mazon interrogés dans le cadre de la recherche du GIREPS ont d’ailleurs déclaré que les horaires de travail de l’entreprise nuisent à leur santé. [2]

La formule la plus répandue pour les horaires de travail en vigueur dans les entrepôts d’Amazon prévoit 4 journées de 10 heures par semaine (soit 2 quarts de travail de 5 heures chacun par jour pendant 4 jours), auxquelles s’ajoute une 5e journée de 10 heures dans les périodes de pointe (période des Fêtes, par exemple). Les travailleuses et travailleurs peuvent d’ailleurs être tenus, par contrat, de travailler les fins de semaine et les jours fériés, surtout dans les périodes de fort achalandage (comme les «  Prime Day », par exemple). À ceci, s’ajoute du temps supplémentaire « volontaire », mais que les travailleuses et travailleurs ne se sentent souvent pas en position de refuser. Le travail s’exécute en étant continuellement debout et les temps de repos pendant un quart de travail sont minimaux.

De tels horaires, qui impliquent de longues heures consécutives de travail physique, sont éreintants. À mesure que les heures passent, les travailleuses et travailleurs ressentent de plus en plus de fatigue physique pendant la journée. Plusieurs rapportent ressentir de la fatigue chronique ou de l’épuisement, après quelques mois de travail, et les journées de congé s’avèrent généralement insuffisantes pour rattraper la fatigue accumulée. Il semble que ce soit particulièrement vrai pour les travailleuses et travailleurs qui font les quarts de travail de nuit. Ce sentiment de fatigue ou d’épuisement entraine une diminution de la vigilance qui implique un risque accru d’incidents pouvant causer une blessure et une augmentation de la vulnérabilité face aux troubles musculosquelettiques. Enfin, le sentiment d’épuisement rend les travailleuses et travailleurs plus sensibles au stress et aux détresses psychologiques. Plusieurs se plaignent de ne plus avoir d’énergie pour quoi que ce soit d’autre, après leurs longues heures de travail, qu’il s’agisse de participer à un programme de francisation, de s’occuper de tâches domestiques ou de passer du temps de qualité avec leur famille.

De multiples risques de blessure

Les travailleuses et travailleurs identifient plusieurs risques auxquels ils sont exposés au travail et qui ont un impact direct sur leur santé. Une majorité (51,7 %) des travailleuses et travailleurs d’ ?mazon interrogés dans le cadre de la recherche déclare en effet que leur état de santé s’est effectivement détérioré à cause de leur emploi, après en moyenne 13 mois et demi de travail [3] . Les salariés rapportent de la fatigue ou de l’épuisement, des douleurs aux jambes, aux pieds, au dos, au cou et aux membres supérieurs, ainsi que de l’anxiété ou de la dépression et de nombreux autres problèmes de santé. Deux travailleuses ou travailleurs sur trois (66,6 %) estiment par ailleurs que ce n’est qu’une question de temps avant que des douleurs ou de la fatigue ne les forcent à s’absenter du travail ou à quitter leur emploi. [4]

Le travail d’entrepôt implique aussi beaucoup de manipulations de charges, parfois lourdes, et souvent répétées. Des colis manipulés en vitesse, parce que l’employeur exige du rendement, sont souvent saisis dans des postures non ergonomiques. Certaines charges dépassent les vingt kilos et leur manutention dans une mauvaise posture pose un risque élevé de blessure. À elle seule, la répétition des gestes et des manipulations finit par entrainer des douleurs musculosquelettiques pour une grande proportion des travailleuses et travailleurs.

Des travailleuses et des travailleurs se blessent aussi en circulant dans l’entrepôt quand les lieux sont encombrés, lors de chutes d’objets ou en étant frappés par un équipement mobile. Parfois, des doigts se coincent entre des équipements et des colis ou des blessures surviennent quand la main d’une travailleuse ou d’un travailleur est écrasée entre les rouleaux d’une machine. D’autres rapportent des événements liés à des produits potentiellement toxiques qui se sont accidentellement répandus dans l’air sans que l’employeur n’agisse pour assurer la sécurité des travailleuses et travailleurs exposés. D’autres contraintes liées à l’environnement de travail, telles que la chaleur l’été, le froid en hiver et le bruit constant et élevé dans l’entrepôt, peuvent également causer des problèmes de santé.

La qualité de la formation offerte aux employés à la suite de leur embauche est très variable. Si elles permettent parfois d’enseigner de bonnes méthodes de travail, notamment pour la manutention, dans les périodes où l’entreprise procède à de très nombreuses embauches sur une courte période, les formations sont souvent expéditives. Les travailleuses et travailleurs qui intègrent un entrepôt après une formation déficiente courent un risque particulièrement élevé de se blesser.

Les pratiques productivistes chez Amazon

Les méthodes qu’ ? Amazon utilise pour mesurer la productivité des travailleuses et des travailleurs, et exiger d’eux le maximum de rendement, contribuent aussi grandement aux risques à la santé et à la sécurité. Pour plusieurs postes de travail, dans plusieurs de ses entrepôts, l’entreprise établit des quotas à atteindre, tels qu’un nombre de colis à scanner à l’heure. Les travailleuses et travailleurs qui dépassent leurs objectifs gagnent des « points » qu’ils peuvent éventuellement échanger contre des produits corporatifs « Amazon  » gratuits. Au contraire, ceux qui n’atteignent pas les objectifs reçoivent des avertissements et, éventuellement, des sanctions.

Ces systèmes de punitions et récompenses encouragent évidemment le travail à très grande vitesse et la réduction du temps de repos, ce qui augmente les risques pour les travailleuses et travailleurs.

Ce ne sont pas tous les postes de chaque entrepôt qui sont assujettis à de tels quotas. Pour certains postes, il est difficile de quantifier ainsi le rendement. Plusieurs machines imposent elles-mêmes un rythme de travail élevé. L’entreprise utilise aussi d’autres tactiques pour garantir la productivité maximale des salariés, en comptabilisant, par exemple, le temps passé aux toilettes ou le nombre de fois qu’une travailleuse ou un travailleur va boire de l’eau.

Toutes ces pratiques productivistes ne mettent pas seulement en danger la santé physique des employés, elles sont aussi une source importante de stress, selon ce que rapportent un grand nombre de travailleuses et de travailleurs, et contribuent à leur usure sur le plan psychologique.

Quand des travailleuses et travailleurs tentent d’exercer leurs droits à la prévention

Conscients des problèmes de santé et sécurité du travail chez Amazon, des travailleuses et travailleurs de l’entreprise ont tenté, au cours de la dernière année, d’exercer leurs droits dans l’espoir de faire changer les choses. Rappelons que depuis avril 2022, la Loi sur la santé et la sécurité du travail prévoit que dans tous les milieux de travail de 20 salariés ou plus, un comité de santé et de sécurité du travail doit être formé et que des travailleuses et travailleurs doivent être élus par leurs pairs pour y siéger, tout comme une représentante ou représentant des salariés, disposant d’un temps de libération pour faire de la prévention.

Malheureusement, quand des travailleuses et des travailleurs d’entrepôts de la Grande région de Montréal ont tenté de former des comités de santé et de sécurité comme la loi le leur permet, Amazon leur a appris que de tels comités existaient déjà. Les travailleuses et travailleurs siégeant sur ces comités avaient en fait été choisis par l’employeur, sans élection. Quand des travailleuses et travailleurs ont exigé la tenue d’une assemblée pour élire leurs représentants, l’employeur a répliqué en organisant lui-même des élections, sans assemblée. Amazon a plutôt invité les salariés des entrepôts concernés à voter, par un moyen électronique, entre les candidates et candidats sélectionnés par l’entreprise elle-même, ignorant des travailleuses et travailleurs qui avaient manifesté leur intérêt.

Ces pratiques ne sont pas conformes à la loi, qui prévoit que ce sont les travailleuses et travailleurs, et non l’employeur, qui doivent choisir ou élire leurs représentants. Pour les salariés, il est impossible d’avoir confiance en des représentants sélectionnés par l’employeur selon des critères obscures, répondant aux besoins et intérêts de la compagnie.

Face à ces situations, des travailleuses et travailleurs se sont adressés à la CNÉSST, ce qui a conduit à des visites d’inspection de la Commission dans les entrepôts d’Amazon. Une toute récente recherche publiée par l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) [5] a recensé les rapports de ces interventions. Si ces visites ont parfois confirmé qu’Amazon n’avait pas permis la tenue d’assemblée et l’élection des représentantes et représentants en santé et sécurité du travail par les travailleuses et travailleurs, elles n’ont eu que peu de suivis et ont mené à peu de changements concrets jusqu’ici. Tout au plus, l’entreprise a parfois été avertie qu’il faudrait permettre aux travailleuses et travailleurs d’élire des représentants la prochaine fois pour remplacer ceux que la compagnie avait choisis.

Le jeu d’obstruction d’Amazon et la mise en échec des droits des travailleuses et travailleurs

Avec la pénibilité du travail chez Amazon et le peu de soucis de ce géant de l’entreposage pour la santé de ses travailleuses et travailleurs, les lésions professionnelles y sont monnaie courante. Cependant, ce qui ajoute l’insulte à l’injure, c’est qu’Amazon met en place des pratiques et des tactiques de mise en échec des réclamations à la CNÉSST de ses travailleuses et travailleurs et, lorsque cette mise en échec ne fonctionne pas, de judiciarisation du processus de réparation.

Les pratiques et les stratégies relatées ici sont des procédés que nous avons vus être mis en œuvre dans les dossiers de travailleuses et travailleurs que nous avons aidés. Ces pratiques surviennent assez régulièrement pour y voir une stratégie de la part d’Amazon, contrairement à des pratiques isolées. Nous exposerons donc ces pratiques dans l’espoir de préparer les travailleuses et travailleurs à les déjouer et ultimement regagner leurs droits aux soins, aux traitements et aux indemnités.

La stratégie AmCare

Qu’est-ce que AmCare ? Il s’agit du service d’infirmerie industrielle de la compagnie, Amazon Care. Au Québec, le « service » AmCare n’est pas présent dans tous les entrepôts, contrairement aux États-Unis où la pratique semble plus répandue. L’infirmerie a par ailleurs bien mauvaise presse aux États-Unis, avec raison [6]. Amazon y a été mise à l’amende à quelques reprises pour avoir omis de respecter ses obligations en vertu de la Occupational Safety and Health Act, une loi analogue à la Loi sur la santé et la sécurité du travail. C’est notamment l’absence de déclaration dans leur registre des consultations auprès d’AmCare qui leur a valu des amendes [7]. Aux États-Unis, comme au Québec, il semble bien qu’AmCare serve le géant de la même façon : contourner les législations en vigueur et remettre les travailleuses et les travailleurs à la tâche le plus rapidement possible au détriment de leur santé.

Dans les dossiers des travailleuses et travailleurs aidés par l’uttam, l’effet le plus visible d’AmCare est le refus presque systématique des réclamations pour accident du travail. En effet, en misant sur leur position en tant que service d’infirmerie d’usine, le service AmCare prône un retour rapide sur le plancher des travailleuses et travailleurs qui les consultent pour des douleurs liées au travail, tout en négligeant de faire remplir des rapports d’incidents. En fait, AmCare mise à la fois sur sa position d’autorité et sur la méconnaissance des droits de ses travailleuses et travailleurs, afin de rendre toutes futures réclamations presque systématiquement rejetées par la CNÉSST.

Pour illustrer le propos, voici l’exemple d’une situation typique que nous avons vue se jouer dans les dossiers des travailleuses et travailleurs qui réclamaient à la CNÉSST à la suite d’un accident chez Amazon :

La travailleuse ressent une douleur au travail qui devient peu à peu intolérable. Elle informe son chef de ligne et ce dernier lui propose, en premier, un repos temporaire de quelques minutes, tout au plus, qui sera comptabilisé comme son temps de pause-café. Si à la fin de ce repos, la douleur est toujours présente, on lui suggère d’aller voir AmCare, accompagnée de son superviseur.

Chez Amcare, on la questionnera sur sa position de travail : a-t-elle bien suivi les consignes pour lever les boites ? A-t-elle fait les échauffements indiqués sur son écran ? N’avait-elle pas des douleurs avant de venir travailler ? Puis on finira la courte consultation en proposant deux choix : un retour à la maison qui sera comptabilisé comme une absence non-justifiée, considérant que les absences cumulées peuvent mener au congédiement, ou des tâches allégées pour le reste de la journée. On lui demande donc de choisir entre sa sécurité d’emploi ou sa santé. Évidemment, jamais il ne sera question de remplir un rapport d’incident. Ni AmCare, ni le superviseur n’en feront mention, et cela, même si la travailleuse indique que la douleur est bien survenue durant l’exécution de ses tâches et à son poste de travail. Le déroulement de la rencontre suggère, par ailleurs, très souvent que c’est la faute de la travailleuse si elle a mal, et cette culpabilisation fonctionne très bien ! Elle incite à ne pas en demander davantage, voire à être reconnaissante de l’accommodement offert si généreusement…

On procède à l’accommodement maison sans en conserver de trace. Jusqu’au moment où, plusieurs jours plus tard, Amazon demandera à la travailleuse, qui demande toujours des tâches allégées, d’aller faire remplir un document « d’accommodement pour une condition personnelle » chez un médecin.

Lors de ce rendez-vous, la travailleuse, qui expliquera à son médecin la situation, ressortira fort probablement, à juste titre, avec une attestation médicale et une date d’événement remontant à la première rencontre avec AmCare. Elle devra toutefois attendre son horaire habituel pour se rendre sur les lieux du travail, l’employeur étant inaccessible aux travailleuses et travailleurs non assignés à l’horaire en cours… mesure antisyndicale oblige ! Amazon recevra donc l’attestation médicale de la CNÉSST quelques jours après la consultation médicale et prétendra n’avoir jamais été informée de l’accident de la travailleuse avant la réception de cette attestation. Et le tour est joué pour Amazon.

En effet, entre le passage chez AmCare, consultation pour laquelle la travailleuse n’a aucune trace, et la remise de l’attestation médicale, il peut s’écouler 5-10-15, voire 20 jours. Pour la CNÉSST, ce délai de déclaration à l’employeur, et ce délai de consultation chez le médecin, justifient à eux seuls le refus quasi automatique de la réclamation d’accident. Même en présence d’une blessure survenue sur les lieux du travail et dans l’exécution des tâches, qui permettraient à la victime d’accident du travail de bénéficier de la présomption, la CNÉSST refusera la réclamation. Les déclarations verbales de la travailleuse ne valent pas beaucoup, comparativement à la négation mur à mur de l’employeur qui prétend « n’avoir jamais été informé de la situation ».

Amazon , une culture de crainte et de silence

La stratégie de l’employeur semble assez efficace, puisque le nombre de travailleuses et travailleurs d’ ?mazon qui essuient des refus à la CNÉSST est très élevé. Tellement que le mot se passe dans les entrepôts de ne pas perdre son temps avec la CNÉSST ; qu’Amazon c’est trop gros, c’est trop fort. Et on les comprend…

Les efforts déployés par ?mazon pour empêcher la reconnaissance des lésions professionnelles, dès la première instance, amènent les travailleuses et travailleurs à entreprendre le chemin de croix du Tribunal. Pour les travailleuses et travailleurs d’Amazon, particulièrement celles et ceux qui ont des barrières linguistiques [8] , la montagne apparait insurmontable. Et c’est à ce moment qu’Amazon emploie sa deuxième stratégie pour mettre en échec les droits des travailleuses et travailleurs : la transaction. Si vous cherchez un jugement impliquant Amazon en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, vous n’en trouverez qu’un seul... qui refuse la réclamation d’un travailleur. C’est qu’Amazon règle tous ses litiges par transaction, souvent sans reconnaissance de la lésion et avec des clauses de confidentialité qui empêchent les victimes de parler de leurs expériences. L’entreprise achète le silence des travailleuses et travailleurs qu’elle rend malades. Et ça, c’est lorsqu’elle ne réussit pas à cultiver suffisamment de craintes pour les amener à simplement abandonner leurs recours.

L’aura de cette Amazon monstrueuse n’épargne pas non plus les travailleuses et travailleurs qui ont réussi à faire reconnaitre leurs lésions en déjouant la stratégie AmCare. Celles et ceux dont la lésion est reconnue directement par la CNÉSST recevront assurément l’acte introductif d’Amazon qui contestera leur réclamation au Tribunal. De plus, comme beaucoup d’employeurs le font, l’entreprise utilisera, au maximum de sa capacité, l’arsenal des droits que prévoit la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles pour aider les patrons à rendre le parcours de réparation difficile : évaluations médicales à répétition, propositions d’assignation temporaire répétées... de quoi épuiser même les travailleuses et travailleurs les plus vigoureux. Et il y a aussi tous ses petits irritants soudains : avertissements disciplinaires sur la performance, messages répétés de risque de perte d’emploi à cause « d’absence non justifiée », cafouillage administratif créant des surpayés avec la CNÉSST, etc. C’est presque si, par hasard, la victime de lésion professionnelle était aussi victime de mauvaises gestions internes de l’entreprise…

Pour contrer Amazon : résistance et solidarité

Face à un employeur comme Amazon, les travailleuses et travailleurs doivent faire preuve de beaucoup de courage pour défendre leurs droits et revendiquer des changements. Pour résister contre une telle multinationale, motivée par la soif de profits et disposant d’énormes moyens pour écraser les salariés, les travailleuses et travailleurs ne peuvent opposer que leur solidarité et leur détermination.

C’est ce que commencent à faire plusieurs travailleuses et travailleurs de l’entreprise, qui prennent des risques pour revendiquer des changements. On ne peut qu’admirer le courage de ces non syndiqués qui défendent leurs droits en santé et en sécurité tout en sachant qu’ils s’exposent à des représailles, alors qu’ils sont souvent dans des situations précaires. Soulignons aussi la détermination des victimes de lésions professionnelles qui, malgré les obstacles, défendent leurs droits face à ce géant et ne reculent pas devant des batailles de David contre Goliath au Tribunal.

Souhaitons que la persévérance et la solidarité de ces travailleuses et travailleurs finissent par triompher de l’insouciance d’Amazon pour la santé de ses employés et de son mépris pour leurs droits.

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[1Mobiliser pour la santé et la sécurité du travail dans les entrepôts : des travailleurs et travailleuses d’agences au taylorisme numérique, https://iwc-cti.ca/wp-content/ uploads/2023/12/Rapport-Entrepot-version-web-finale-3.pdf.

[2Ibid., p. 29.

[3Ibid., p. 31.

[4Ibid.

[5Santé et sécurité au travail – Le déficit de participation dans les milieux non syndiqués au Québec, Mathieu Charbonneau, IRIS, étude publiée le 29 février 2024 et disponible en ligne à l’adresse https://iris-recherche.qc.ca/ publications/droits-travail-non-syndique/.

[6Voir par exemple : WIRED, How Amazon’s In-House First Aid Clinics Push Injured Employees to Keep Working, 2019, https://www.wired.com/story/amazons-first-aid-clinics-pushinjured-employees-to-keep-working/ ou Irene Tung et all, Injuries, Dead-End Jobs, And Racial Inequity In Amazon’s Minnesota Operations, National Employment Law Project, décembre 2021, https://www.nelp.org/wp-content/uploads/ Report-Injuries-Dead-End-Jobs-and-Racial-Inequity-inAmazons-Minnesota-Operations-.pdf.

[7Exemple d’un constat d’infraction : https:// www.osha.gov/ords/imis/establishment.violation_ detail ?id=1611567.015&citation_id=01001.

[8Voir Mobiliser pour la santé et la sécurité du travail dans les entrepôts : des travailleurs et travailleuses d’agences au taylorisme, qui relève l’importante présence de travailleuses et travailleurs issus de l’immigration dans les entrepôts d’Amazon.

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