Édition du 12 mars 2024

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LGTB

Les personnes trans ne peuvent plus attendre

Les personnes trans du Québec attendent depuis 2013 que le gouvernement dépose les règlements qui leur permettront de changer légalement de mention de sexe dans la dignité et sans devoir passer sous le bistouri.

Dans ma circonscription, le jeune Julien* a 18 ans et est en pleine transition. Il a fait une tentative de suicide il y a quelques mois à peine. Depuis peu, il souhaite s’inscrire au cégep, mais m’a dit attendre la publication des règlements parce qu’il ne veut pas commencer l’année sous son ancien nom et son ancienne identité de genre. Je ne peux que le comprendre. Son courage est une source d’inspiration. Comme bon nombre de personnes trans, il n’a plus de patience.

Actuellement, le processus pour les personnes qui souhaitent changer légalement de mention de sexe auprès de l’État civil est exigeant, aussi bien techniquement que psychologiquement. Comme s’il fallait mettre les personnes à l’épreuve, s’assurer de leur volonté… Dans l’attente des règlements qui viendront mettre en application la loi 35, l’État civil exige actuellement la chirurgie et les traitements médicaux pour changer de mention de sexe dans les registres officiels. L’impact est énorme, car ce sont à partir des informations du registre de l’État civil que sont produits une multitude de documents officiels : permis de conduire, carte d’assurance maladie, passeport, papier à l’école, etc.

Avoir des pièces d’identité concordantes avec son identité de genre choisie et assumée est donc nécessaire. Imaginez, un homme en transition qui veut acheter de l’alcool à la SAQ ou recevoir des soins au CLSC : il doit montrer une pièce justificative avec photo qui ne lui ressemble pas et une mention de genre qui ne lui correspond pas ! Devant l’incompréhension, il doit révéler être une personne trans malgré tous les préjugés, la discrimination et, même parfois, le refus de service qui viennent avec. C’est un coming out à chaque fois !

Pourtant, il faut le dire, le genre n’a rien à voir avec l’apparence ou les organes sexuels. De nombreuses femmes trans décident de conserver leur pénis (l’inverse est aussi vrai) et de ne pas porter de vêtements dits féminins. Elles n’en sont pas moins des femmes.
 
Les gens sont individuellement les mieux placés pour savoir quelle est leur identité de genre. Pas les médecins, pas les psychologues et certainement pas le gouvernement. Ce concept d’auto-détermination fait consensus auprès de la communauté trans.

Malheureusement, le gouvernement tarde obstinément à mettre en place les règlements qui officialiseraient la loi 35 modifiant le Code civil en matière d’État civil, de successions et de publicité des droits. Ces règlements permettraient d’éliminer des obstacles discriminant les personnes trans qui souhaitent obtenir le changement de mention de sexe sur leurs papiers.

L’inaction du gouvernement crée un flou bureaucratique à l’État civil et cause d’importants problèmes. Entre les règles en place désuètes et la loi toujours non officialisée, les fonctionnaires sont laissés à leur propre jugement et ne savent plus trop comment gérer les dossiers des personnes trans.

Conséquence : des personnes trans, qui souffrent déjà souvent de discrimination, d’exclusion, de harcèlement et de violence, voient leur cheminement altéré, ralenti. Jeudi après-midi, les membres de la commission des institutions terminaient un long processus d’audiences publiques par un débat en chambre, qui n’en était pas vraiment un. Le consensus est là ; chez les parlementaires, comme chez les groupes entendus.

Les organismes de défense des personnes trans, la Commission des droits de la personne, le Barreau du Québec, ainsi que les professionnels de la santé qui sont intervenus en commission ont tous réitéré aux députés le besoin d’alléger les procédures de modification de changement de mention de sexe. Le principe d’autodétermination doit être le fondement de toutes réglementations.

J’invite la ministre responsable, Stéphanie Vallée, à poursuivre dans la cohérence, la justice et l’ouverture dont elle a fait preuve depuis le début des travaux de la commission et à déposer les règlements avant l’été.

*Julien est un nom fictif.

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