Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Éducation

Manifestation à Victoriaville – Répression et manipulation

Il s’est fait beaucoup de commentaires sur les événements de Victoriaville du 4 mai dernier. La plupart des médias et les bonzes du PLQ ont dénoncé la violence de la manifestation organisée par la Coalition opposée à la tarification et la privatisation des services publics. L’utilisation éhontée de la force policière ajoutée au ras-le-bol devant l’arrogance du gouvernement Charest a fait débordé la coupe.

Pourtant, tout avait bien commencé. Des familles, des militantEs de syndicats, de groupes communautaires, des groupes de femmes et bien sûr des étudiantEs bien décidéEs à démontrer leur intention de ne pas se laisser démonter par le déménagement de dernière minute du conseil national du PLQ de Montréal vers les Bois-Francs.

Dans le cortège, on pouvait notamment identifier des participantEs de la FIQ, de la FAE, de la CSQ, de la CSN, de la Fédération des femmes du Québec et des fédérations étudiantes. Autour de 3 000 personnes prenaient part à la marche. Les commerces environnants, des grandes surfaces, avaient tous fermé leurs portes de crainte de voir les hordes étudiantes envahir leurs espaces. La marche s’est mise en branle sous une pluie fine.

À lire la description des médias, il est bien difficile de se faire une idée de qui a fait quoi lorsque le cortège est parvenu devant l’édifice du Victorin/Centre des congrès. Notre lecture des événements est la suivante : à leur arrivée, les manifestantEs se sont limités à pousser les clôtures vers l’entrée de l’établissement. Celles-ci étaient installées de façon à ce que leur déplacement soit des plus facile. N’importe qui aurait pu en disposer sans effort. Ce qui fut fait par quelques manifestantEs décidés à ne pas rester à distance du lieu du Conseil général du PLQ, peut-être même à y pénétrer. Un cordon de policiers anti-émeute s’est alors formé autour de l’entrée du complexe. Quelques instants plus tard, les grenades de gaz irritant se sont mises à être lancé vers les manifestantEs, les repoussant vers les terrains situés en face et interrompant les discours des organisateurs. C’est à ce moment qu’a vraiment débuté les lancers de projectiles vers les forces de police.

S’enfuyant des gaz irritants et pris au piège entre des bungalows, un terrain vague et une entreprises de quincaillerie, les manifestantEs ont reculé sur la route 116 en direction de leur point de départ, conservant une certaine distance entre le cordon policier et le gros de la manifestation. Le cordons policiers avançait et occupait l’espace abandonné par les manifestantEs jusqu’à l’intersection de la route 116 et de l’embouchure de la rue Notre-Dame. C’est à ce moment-là que fut décrétée la manifestation illégale et sommé l’ordre de se disperser vers les 20 h.

Diaboliser l’opposition

Les bien-pensants et les partisans de la loi et de l’ordre et du statu quo diabolisent les casseurs sans préciser que lors de cette manifestation, les cibles de la colère étaient les symboles du pouvoir en place et de son arsenal de répression. Aucun bris de vitre ou autre matériel de commerces ou de résidences n’a été déploré. Aucun média n’a rapporté ce détail, eux qui sont pourtant prompts à dénoncer le vandalisme dans d’autres circonstances. Plusieurs résidantEs de Victoriaville ont témoigné de la gentillesse des participantEs à la manifestation. CertainEs leur ont même prêté main forte pour soigner les incommodations aux gaz, fournir de l’eau, un endroit à l’écart. Quant aux policiers, nous avons été témoin de tirs de grenades lacrimogènes à quelques mètres des manifestanttEs, Certains s’avançaient pour mieux viser et atteindre les personnes.

Bilan dans la rue : 9 blesséEs dont 6 manifestantEs transportéEs à l’hôpital, 3 dans un état grave (2 traumatismes craniens et une perte de l’usage d’un oeil, selon le bulletin de nouvelles de RDI du samedi 5 mai à 17 h 00). Une fille aurait eu une oreille en grande partie arrachée, ce qui n’a pas été confirmé. Trois policiers souffrent de blessures légères, dont celui qui fut tabassé alors qu’il essayait de maitriser un manifestant.

Il y a eu 110 arrestations, 4 durant la manifestation et les 106 occupantEs des autobus du Cégep Montmorency (Laval) dont les véhicules ont été entourés de 20 véhicules policiers à St-Hyacinthe. Il ont passé la nuit à St-Hyacinthe, un geste évident d’intimidation.

Les heureuses conséquences d’un hasard bien organisé

Lors du trajet vers Victoriaville, les étudiantEs ont été informés que des négociations avaient lieu à Québec. Des négociations qui regroupaient toutes les fédérations étudiantes, les centrales syndicales, des organismes universitaires. Aussitôt, les discussions ont pris des allures de débats sur les perspectives électorales et l’opportunisme du gouvernement Charest qui, de toutes évidence, utilise le conflit pour se faire du capital politique.

Dans les dernières semaines, le gouvernement Charest a joué la carte de l’intimidation pour faire peur aux plus timorés et diviser ainsi le mouvement et le présenter par la suite comme radical et minoritaire. À Victoriaville, Jean Charest n’a pas hésité à féliciter les policiers pour leur “travail remarquable” lors de la manifestation (Le Devoir 7 mai 2012). Après avoir fait pourrir le conflit, exacerbant les tensions qui, on le sait tous, nourrissent la colère, le gouvernement s’est tout à coup ouvert à des négociations qui avaient lieu en parallèle à la manifestation et au conseil national du PLQ. Le hasard fait bien les choses... Les manifestantEs ont interprété cette manoeuvre comme un affront, eux qui n’ont eu que la matraque et les gaz comme réponses du gouvernement au cours des dernières semaines. En effet, pourquoi les libéraux ont-ils laissés pourrir le conflit ? Pour épuiser la mobilisation ?

Les libéraux soulignent constamment que les fédérations étudiantes hésitent à condamner la violence. Pourtant, ils sont plutôt discrets sur les propos du fonctionnaire Bernard Guay qui faisait l’éloge des méthodes facistes des années 30 en Europe qui, apprend t-on, n’a pas eu à payer très cher ses propos tenus dans la section Opinion des lecteurs du quotidien Le Soleil, propos qui incitaient clairement à une répression à large échelle du mouvement étudiant (http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/politique/201205/04/01-4522270-propos-controverses-sur-la-greve-etudiante-le-haut-fonctionnaire-demeure-en-poste.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B9_actualites_747_section_POS3). Les policiers s’en sont inspirés, semble t-il.

Les libéraux parlent des deux côtés de la bouche

Jean Charest a déclaré qu’il serait grotesque de prétendre que le gouvernement faisait trainer les choses en longueur afin de se présenter comme le défenseur de la loi et de l’ordre et marquer des points en vue des prochaines élections. Pourtant son ministre des finances déclarait que “si vous êtes fanatiquement pour le gel des frais de scolarité, il y aura des élections générales et vous pourrez régler cette question-là” (RDI 5 mai bulletin de 17 h 00). Alors, la hausse des frais de scolarité, enjeu électoral ou non ?

Jean-Marc Fournier quant à lui déplorait que des journalistes prétendent que le gouvernement a donné l’ordre de porter la répression à un niveau supérieur : “C’est une question épouvantable de prétendre que la violence (policière) était appelée, une question épouvantable…” (RDI 5 mai, bulletin de 17 h 00). Comme si nier les faits suffisait à dissiper les doutes.

Les libéraux compte sur l’essoufflement du mouvement. Les négociations de la fin de semaine et l’offre qui en est sortie représente rien de moins qu’une insulte. Le gouvernement Charest maintient la hausse et fait porter sur les travaux d’un organisme où les étudiantEs sont minoritaires la responsabilités de faire la démonstration de la mauvaise utilisation des fonds investis dans les universités sans que le gouvernement ne soit lié par ces recommandations. Les pressions des recteurs sur le gouvernement pour mettre un terme rapidement à l’exercice se mettront en branle rapidement. Il sera à peu près impossible d’avoir une majorité ferme dans un tel organisme. De plus, rien ne garantit que les étudiantEs appuieront cette offre du gouvernement lors des votes qui se tiendront dans les prochains jours. Les résultats des votes tenus en début de semaine tendent à démontrer que les manoeuvres de Charest et de sa ministre Beauchamp n’ont pas atteint leur cible.

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