Édition du 12 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec

L’incontournable besoin d’une réforme en profondeur de notre système d’éducation

On le répète ad nauseam, notre système d’éducation est en piteux état. Il y a même un consensus dans la population à ce sujet. Aussi, depuis au moins 2016, de nombreuses voix ont réclamé la tenue d’un nouvelle Commission Parent 2.0 (en référence à la Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec de 1961 à 1964) ou des États généraux sur l’éducation, comme ceux de 1995-1996.

18 mars 2024

Une demande répétée depuis 2016

Parmi elles, le chroniqueur Normand Baillargeon, les sociologues de l’éducation Guy Rocher et Claude Lessard, le politologue Jean Bernatchez, l’éminent chercheur en éducation Maurice Tardif, l’éthicien Guy Bourgeault, le philosophe Georges Leroux, le blogueur et enseignant Sylvain Dancause, le Parti Québécois, Québec Solidaire, des organisations comme Profs en mouvement, L’école ensemble, la Fédération des professionnelles et professionnels de l’éducation du Québec, la Fédération autonome de l’enseignement, la Fédération des éducateurs physiques du Québec et des centaines d’autres personnes individuellement ou collectivement. Debout pour l’école n’est jamais intervenu sur cette question, jugeant cette demande peu réaliste vu la conjoncture, mais ne s’en est jamais expliqué non plus. Il est temps de réagir à cette demande.

Un non ferme de la part du premier ministre, dont l’éducation est soi-disant la priorité

En juin 2019, le premier ministre a répondu clairement qu’il n’organiserait rien de semblable, le temps était à l’action. Comme c’est son parti qui est au pouvoir et qui le sera peut-être encore (qui sait ?) durant quelques années, au moins jusqu’en oct. 2026 (30 mois), on ne peut rien attendre de ce côté. À moins que, sous la pression, avec une visée électoraliste, en 2026, il accepte cette demande. Mais alors on peut être convaincu qu’il verra à contrôler le processus s’il est encore au pouvoir. Alors que faire ?

Le Rendez-vous national sur l’éducation !?

Debout pour l’école s’est plutôt engagé, après avoir mené des consultations sur les priorités pour améliorer grandement notre système d’éducation (de février à juin 2024), à produire un Livre blanc citoyen et à le diffuser pour y obtenir des adhésions (partielle ou totale), puis organiser sur cette base un vaste Rendez-vous national coalisant des centaines d’organisations et de personnes (représentant environ ½ million de personnes) pour imposer au gouvernement de mettre en œuvre les priorités dégagées dans le Livre blanc par les citoyennes, citoyens et organisations y adhérant.

À la rencontre du Comité directeur de Debout pour l’école, fin janvier 2024, ce projet a été quelque peu remis en question et il fut décidé de poursuivre la réflexion sur comment changer le rapport de forces entre les forces progressistes en éducation et le pouvoir politique pour lui imposer la nécessité d’une réforme en profondeur. Nous en sommes encore là et les discussions doivent se poursuivre.

Quant à moi, il m’apparait de plus en plus irréaliste que Debout pour l’école réalise ce coup de force d’imposer au gouvernement d’organiser une réflexion d’envergure sur l’éducation qui aboutirait à de solides solutions en particulier sur nos priorités. Nous n’avons ni les énergies militantes suffisantes, ni la crédibilité assurée hors des milieux progressistes, ni même le leadeurship du monde de l’éducation. Nous devons donc dès maintenant penser la réalisation de l’exigence d’une réforme en profondeur de notre système de concert avec les organisations et personnes les plus impliquées dans ce projet et trouver la formule adaptée à la conjoncture politique des deux prochaines années.

Trouver la bonne formule : démocratique et sérieuse

D’abord, selon Guy Rocher et Claude Lessard, afin de mener le travail nécessaire pour réformer en profondeur notre système, il faut trouver une formule organisationnelle garante de sérieux, de professionnalisme et de transparence non contrôlée par le pouvoir politique, quel qu’il soit, mais en particulier par celui de la CAQ. De telles formules existent : Claude Lessard (ex-président de Conseil supérieur de l’éducation) a examiné des options possibles (voir Annexe 1) dont des États généraux citoyens.

Compte tenu de la dissolution par la CAQ du Conseil supérieur de l’éducation pour l’éducation obligatoire, on pourrait demander à chacun des cinq centres de recherche en éducation réunissant des centaines de chercheurs dans les divers domaines de l’éducation de s’investir dans ce travail en dégageant, par exemple, pendant deux ans deux chercheurs qui seraient rémunérés par l’État [1]. Une douzaine de personnes pourrait proposer, en prenant en compte les priorités dégagées dans la consultation de Debout pour l’école, des réformes sur des enjeux précis et les modalités pour qu’elles soient mises en place au cours des cinq-six prochaines années. Ne pourrait-on aussi s’inspirer des conférences de consensus faites par le CRETEC ?

En admettant qu’on trouve un modèle organisationnel répondant aux critères ci-dessus, il faudra réunir un nombre important d’organisations et de personnalités pour exiger du gouvernement le soutien technique et le financement nécessaire pour effectuer ce travail.

Les élections étant en octobre 2026, le début de 2026 serait un bon moment pour faire connaitre cette exigence et avoir l’aval du gouvernement caquiste (par calcul électoraliste), étant donné que le PQ veut qu’une commission d’enquête soit mise sur pied et en fera la promotion. On pourrait aussi tenter de convaincre les trois partis d’opposition (PLQ, PQ, QS) qui se sont prononcés sur la nécessité d’une réforme majeure, de se mettre ensemble pour l’exiger et même de faire partie de la coalition.

Rendre publique notre requête : quand, qui et comment ?

Il faut trouver le bon moment pour rendre publique cette exigence et les bonnes organisations et personnes pour la soutenir (je mets une liste préliminaire de personnes à l’annexe 2).

L’essentiel pour l’instant est de voir 1) si la démarche que je propose à titre personnel ici est réaliste et si comme organisation on est prêt à la promouvoir ; 2) si oui, en discuter avec les principaux partenaires possibles (nos ex-partenaires de PÉ et ceux des divers secteurs avec lesquels les membres du CD sont en contact au cours de l’année 2025 et déterminer ensemble le moment où la diffusion de cette exigence sera la plus pertinente et la façon de le faire.

En conclusion

Devant l’ampleur et la complexité des problèmes qui affectent notre système d’éducation, Debout l’école ne peut envisager seule d’exiger une réforme majeure du système et d’obtenir l’aval du gouvernement pour le soutien financier et technique. Aussi l’année 2025 devra être consacrée à travailler à diffuser notre Livre blanc citoyen et ce faisant à recueillir des appuis à cette proposition et ce faisant à obtenir des appuis nationalement et régionalement pour y arriver. Ce qui n’est pas rien. On fera le point en 2026 et décidera alors de la suite du travail. [2]

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[1En particulier les centres suivants :Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté (Centr’ERE) - Centre de recherche et d’intervention sur l’éducation et la vie au travail (CRIEVAT) - Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire (CRIRES) - Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (CRIFPE) -Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec (CTREQ)

[2Ce texte a reçu un accueil favorable de M. Parazelli (retraité UQAM), Simon Viviers (CRIEVAT), Marc-André Éthier (CRIFPE), Stéphane Allaire (CRIRES), Lucie Sauvé (Centr’ERE), Jean Bernatchez (UQAR). Chantal Pouliot (CRIRES), Claude Lessard (ex- CRIFPE-Ude M) et de Réal Bergeron (UQAT), de M-C. Paret (retraitée UdM), Christiane Blaser (U Sherbrooke) et de Michel Girard.

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