Édition du 23 avril 2024

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Environnement

Projet de règlement sur l’encadrement des pesticides à Québec

Mémoire du collectif La ville que nous voulons

Nous tenons à saluer l’intention manifestée par la ville de restreindre l’usage extérieur des pesticides ainsi que le sérieux avec lequel l’administration municipale a procédé à l’étude de ce dossier.

Comme nous le verrons ici, les nouvelles dispositions réglementaires devraient être suffisamment ambitieuses pour ne pas faire en sorte de simplement promouvoir l’utilisation d’un pesticide plutôt qu’un autre. L’atteinte d’un meilleur équilibre écologique requiert, en effet, une vision nouvelle de ce qui est considéré comme problématique ainsi que la mise en place d’un ensemble de pratiques différentes par les entreprises, les citoyens et citoyennes.

Limiter l’accès aux pesticides considérés comme les plus nocifs

Nous préconisons que la ville inscrive sur une liste le nom des substances qu’elle autorise et que ces substances soient celles présentant le moins de risques pour la santé et non persistantes dans l’environnement. La liste des pesticides reconnus par le gouvernement du Québec est beaucoup trop laxiste. Ainsi, la liste « blanche » de la ville devrait exclure notamment : glyphosate, brodifacoum, bromadiolone, brométhaline, chlorophacinone, diféthialone, phosphine, chlorpyrifos, dinotéfurane, sulfoxaflor, thiaclopride, néocortinoïdes.

Cette liste devrait comprendre le moins de pesticides possibles puisque leurs effets sur la santé ou l’environnement est souvent connu des décennies après leur utilisation. De plus, les gouvernements évaluent seulement la toxicité des pesticides lesquels ne sont jamais utilisés à l’état pur ; ainsi le cocktail des autres substances mélangées à l’ingrédient actif n’est jamais pris en considération.

Nous insistons sur le fait que cette liste devrait être la même pour les pesticides à usage restreint et pour ceux mis en vente par les commerçants de son territoire. Les commerçants devraient d’ailleurs être obligés d’afficher clairement, vis-à-vis les produits visés par une interdiction, que leur usage nécessite l’obtention d’un permis municipal.

Les exceptions

Tous les autres pesticides seraient interdits, sauf pour des cas d’exception reconnus par la ville. Pour l’application de l’exception, le citoyen devra présenter au commerçant un permis octroyé par la ville pour acheter le produit autrement interdit. Il est important qu’il en soit de même pour l’entreprise d’entretien paysager.

Dans sa présentation au public, la ville estime qu’une infestation qui constituerait une simple nuisance pourrait être considérée comme une exception. Nous craignons que des critères très subjectifs puissent entrer en ligne de compte puisque nous sommes de moins en moins habitués à être en présence d’insectes ou de plantes sauvages.

Surtout, la ville considère qu’il faudra « un temps d’adaptation pour la transition vers de nouvelles pratiques d’entretien écologiques ». Pourtant les alternatives existent depuis de nombreuses années, mais les fabricants de pesticides, par l’intermédiaire de la plupart des entreprises d’entretien ou d’extermination, ne sont pas là pour en faire la promotion.

Ajoutons que les terrains de golf seront exclus de l’application du règlement. Nous préconisons qu’ils soient inclus, tout comme l’a fait la ville de Laval. Les terres agricoles seront également exclues. À cet égard, la ville pourrait développer une vision en collaboration avec les producteurs et productrices agricoles afin de déterminer comment elle pourrait les soutenir vers une transition écologique de leurs pratiques.

La reconnaissance des compagnies

Les compagnies d’extermination ou d’entretien d’espaces verts appliquant des pesticides devront obtenir un certificat d’enregistrement annuellement. Ajoutons que la ville entend enregistrer les entreprises avant l’application complète du règlement de sorte que cela équivaut à ce que toutes les entreprises déjà établies et utilisant allègrement des pesticides seront considérées de confiance par les consommateurs.

Les compagnies sérieuses ne devraient-elles pas déjà présenter un plan permettant de décrire, auprès de la ville, comment elles vont intervenir, en conformité avec le règlement, lors de situations auxquelles elles ont fait face antérieurement avec des pesticides dorénavant interdits ? Comment la ville pourra-t-elle ensuite retirer un certificat d’enregistrement surtout qu’elle considère qu’il devra y avoir « un temps d !adaptation pour la transition vers de nouvelles pratiques » ? La ville procèdera-t-elle à des inspections ou se fiera-t-elle simplement sur un rapport remis par les compagnies elles-mêmes ?

Par ailleurs, les commerçants semblent constituer l’angle mort du projet actuel. En effet, il faudrait que la ville s’assure qu’ils vont réduire leurs inventaires de produits proscrits et augmenter ceux qui seront plus en demande. Ne devraient-ils pas, eux aussi, tenir un registre des produits d’usage restreint qu’ils vendent et à qui ils les vendent ?

Favoriser la biodiversité

S’il s’avère nécessaire que la ville adopte un règlement encadrant l’usage des pesticides, le paradoxe est qu’un tel règlement laisse entendre que l’entretien d’un terrain nécessite l’utilisation de pesticides, que la nature doit être contrôlée, sinon elle nous envahira ou bien enlaidira nos espaces verts.

Pourtant, c’est actuellement le contraire qui se produit avec le déclin alarmant de la biodiversité et la pollution, engendrée notamment par les pesticides. Nous démontrons de l’intolérance face à différentes manifestations de la nature, encouragés en cela par une publicité qui vante les mérites d’un espace humanisé. Les termes utilisés, même sur le site de la ville, font écho aux « menaces », à l’ « envahissement par mauvaises herbes ». Les solutions préconisées doivent alors régler un « problème » rapidement, alors que l’amélioration de certaines situations procède d’observation et d’une certaine lenteur.

Le nouveau règlement devrait également être adopté en même temps que des modifications majeures au règlement sur les nuisances lequel entre en contradiction avec une gestion écologique de nos espaces verts.

Par ailleurs, il est essentiel d’adopter une liste de plantes exotiques envahissantes et de la faire appliquer. Nous retrouvons dans nos jardineries des plantes qui se reproduisent vite, pour un profit intéressant, mais deviennent incontrôlables, nuisant notamment à la survie de nos plantes indigènes. Donnons ici comme exemple l’aegopode ou herbe à goutteux.

En guise de conclusion

L’exposé de nos préoccupations démontre que la consultation publique d’une semaine est largement insuffisante pour juger d’un projet dont nous n’avons pas le texte officiel. Nous escomptons que la ville fasse part publiquement, suffisamment à l’avance, du contenu du projet de règlement.

Nous souhaitons que les nouvelles dispositions règlementaires soient plus complètes et expriment une meilleure cohérence, notamment au regard des nuisances et des plantes exotiques envahissantes. Surtout, la cohérence devrait s’exprimer, dans la mesure du possible, non seulement du côté de l’usage, mais également de la vente, réduisant ainsi la complexité des dispositions et facilitant leur application.

Ainsi, nous souhaitons ardemment que les bonnes intentions de la ville ne se traduisent pas, au final, par une opération de relations publiques permettant de rassurer la population alors que les pratiques des compagnies resteront à peu près les mêmes.

Serge Roy pour le collectif La ville que nous voulons 2 mars 2023

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