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Budget 2019 : En Espagne, les socialistes préparent le terrain à une coalition avec Podemos

Vendredi 12 octobre 2018 | tiré de mediapart.fr

Les deux partis de gauche espagnols se sont entendus jeudi 12 octobre sur le chiffrage précis d’un projet de budget pour 2019, censé contrer les effets pervers de l’austérité. Un tournant politique qui relance l’hypothèse d’une coalition PSOE-Podemos à moyen terme.

Alors que les extrêmes droites s’épanouissent en Europe, le Portugal et l’Espagne font de la résistance. Dernière preuve en date, la signature jeudi 11 octobre d’un accord de cinquante pages entre Pedro Sánchez, le chef du gouvernement socialiste (PSOE) au pouvoir depuis juin, et Pablo Iglesias, secrétaire général de Podemos, qui prépare le terrain à une hypothétique coalition des gauches en Espagne.

Les deux forces de gauche ont noué cet accord dans le cadre de la préparation du budget 2019. Le socialiste, en minorité avec 85 sièges sur 350 au Congrès des députés, voulait s’assurer du vote des 69 députés de Podemos et de ses alliés. Les mesures prévues vont enrayer les effets d’une décennie d’austérité en Espagne, si l’on en croit leurs partisans : hausse du salaire minimum, qui passerait de 736 à 900 euros (sur 14 mois) à partir de janvier – Podemos plaidait pour 1 000 euros –, une augmentation de 3 % des petites retraites et la revalorisation de toutes les pensions en fonction de l’inflation, une aide spécifique pour les chômeurs de plus de 52 ans, ou encore des hausses des budgets pour la recherche, le logement et l’aide aux personnes âgées.

« C’est le point de départ d’une nouvelle étape dans la politique espagnole, qui débouchera sur un gouvernement de coalition », veut croire Pablo Iglesias, interrogé par le quotidien El País ce vendredi. Le document va d’ailleurs bien au-delà des simples mesures comptables. Il intègre par exemple une proposition de loi sur les violences faites aux femmes. Les deux partis s’engagent aussi à revenir sur les éléments les plus nocifs, à leurs yeux, de la réforme du marché du travail de 2012, en particulier sur les règles de la négociation collective – c’est l’un des textes emblématiques du premier mandat de Mariano Rajoy (PP, droite).

À ce stade, il faut se méfier des effets d’annonce. À eux deux, le PSOE et Podemos ne sont pas majoritaires au Congrès. Il leur faut encore agréger les voix des nationalistes basques du PNV (centre droit), comme des indépendantistes catalans (de droite comme de gauche). Si le soutien du PNV reste à négocier, mais ne devrait pas poser de problème majeur, il en va autrement des formations catalanes. Elles ont déjà conditionné leur vote à un « geste » de Sánchez sur la situation de ceux qu’elles appellent des « prisonniers politiques », cette dizaine de responsables politiques catalans en détention provisoire depuis l’automne dernier, et qui attendent toujours leur procès pour délit de « sédition ».

Autre difficulté : la Commission européenne à Bruxelles, chargée, dans le cadre du « semestre européen », de donner son feu vert aux budgets des États de la zone euro. L’Espagne, qui affiche une dette d’environ 100 % de son PIB, est aussi le plus mauvais élève de l’UE si l’on s’en tient au déficit public, à plus de 3 % du PIB. Sánchez va donc devoir donner, dès la semaine prochaine, des explications à l’exécutif européen, sur la manière dont il compte tenir son budget.

En matière de recettes budgétaires, le document PSOE-Podemos évoque la création d’un impôt de 1 % sur le patrimoine à partir de 10 millions d’euros. Il plaide pour durcir la fiscalité pour les ménages gagnant plus de 130 000 euros par an. Enfin, les deux partis se sont entendus sur une taxe – modeste – sur les transactions financières, à hauteur de 0,2 % sur n’importe quel achat d’actions émises en Espagne.

Ce projet de budget anti-austérité n’a pas manqué de hérisser la presse conservatrice à Madrid, à l’image d’ABC, le quotidien titrant vendredi : « Sánchez cède la Moncloa à Iglesias ». « Ou bien la commission européenne abat ces budgets, ou ces budgets vont abattre l’Espagne », s’est indigné Pablo Casado, successeur de Rajoy à la tête du PP. Preuve d’une tension politique dans l’air, le chef du gouvernement socialiste a fait l’objet de sifflets et de huées, en marge du traditionnel défilé du 12 octobre, à Madrid (jour de la fête nationale, par ailleurs contestée parce qu’elle commémore la « découverte de l’Amérique »).

Si le chef du gouvernement socialiste ne parvient pas, dans les semaines à venir, à rassembler une majorité sur ce projet de budget, il déclenchera probablement des élections anticipées. Mais quoi qu’il en soit, la conclusion d’un accord PSOE-Podemos marque un tournant. En juin dernier, au moment où il avait accédé au pouvoir, Sánchez avait explicitement refusé la formation d’une coalition avec Podemos, et défendu un « gouvernement 100 % socialiste », au grand dam d’Iglesias.

Après les élections générales de décembre 2015, Sánchez et Iglesias n’étaient pas non plus parvenus à s’entendre pour former un gouvernement. À l’époque, le PSOE n’avait pas osé s’embarquer dans une aventure politique avec les nouveaux venus de Podemos, sous la pression de l’aile droite du parti, incarnée notamment par Susana Díaz, la présidente PSOE de l’Andalousie.

Cette dernière, qui gouverne, elle, avec Ciudadanos (droite libérale), vient d’ailleurs de convoquer des élections anticipées dans cette région du sud du pays – l’une des plus pauvres d’Europe – pour le 2 décembre. Le scrutin servira de prélude aux élections municipales, régionales et européennes en mai 2019 en Espagne. Rien ne dit que Díaz parviendra à reconduire cette alliance avec Ciudadanos. En théorie, les prochaines élections générales doivent se tenir en 2020.
LUDOVIC LAMANT

P.-S.
• MEDIAPART. 12 OCTOBRE 2018 :
https://www.mediapart.fr/journal/international/121018/en-espagne-les-socialistes-preparent-le-terrain-une-coalition-avec-podemos

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