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Europe

A Bercy, Macron se présente comme le seul choix possible

17 avril 2017 | tiré de mediapart.fr

Le candidat d’En Marche ! a tenu le plus grand meeting de sa campagne ce lundi à Bercy. À six jours de l’élection, il martèle un message simple : au contraire des autres candidats, il incarnerait l’« avenir » du pays.

Emmanuel Macron est un caméléon politique qui se pare de couleurs différentes selon le contexte, le lieu et le moment. Au début de sa campagne, l’ancien secrétaire général adjoint de l’Élysée de François Hollande avait incarné une forme de libéralisme intégral : libéral en matière économique, mais aussi libéral politique, moins crispé sur les questions de société ou la laïcité. Depuis l’affaire Fillon, soucieux de labourer sur les terres de la droite et de se démarquer du quinquennat Hollande, il a effectué un virage progressif sur sa droite – avec un discours très musclé sur la sécurité, le refus du « multiculturalisme » 8 ou la promesse, il y a quelques jours encore, de faire adopter la prochaine réforme du travail… par ordonnances, une idée de Jean-François Copé lors de la primaire de la droite.

À J-6 du premier tour de la présidentielle, l’heure est venue de rassembler. À Bercy, ce lundi 17 avril, pour le plus grand meeting de sa campagne – la salle peut accueillir 20 000 personnes, elle était remplie –, l’ancien ministre de l’économie et candidat d’En Marche ! a donc livré le discours qui sied aux circonstances. Un message œcuménique, aux mots d’ordre simplissimes : un, il est le seul candidat qui pourrait « rendre à la France son optimisme et sa foi dans l’avenir » ; deux, il incarne à 39 ans « une génération nouvelle ». À l’approche du scrutin, sous les « Macron président ! » et les Marseillaises impromptues, Macron a évité les sujets qui fâchent et décliné plusieurs morceaux d’un seul et même album d’une heure et demie qui pourrait s’intituler : « Élisez-moi, je suis le seul choix possible. »

Proclamant son « amour » de la France, il s’en prend autant à ceux qui « lui sont infidèles », « veulent la rabougrir », aux « donneurs de leçons », aux « hérauts du repli ou du ressentiment », à ceux des « rêves impossibles ». « Dimanche prochain, dit-il, ouvre le grand combat de la volonté contre le renoncement, de l’optimisme contre la nostalgie trompeuse, de la transformation profonde contre l’immobilisme ou la restauration. » Il entend « le murmure du printemps, le bruit d’une page politique en train de se tourner ». À l’entendre, il est le candidat de l’« avenir », d’une France « ouverte, confiante et conquérante », et parle longuement de « la France dans cinq ans », à la fin de son éventuel quinquennat.
« Sur dix candidats, dix veulent nous ramener vers un fantasme du passé, des frontières qui se ferment. Pour certains [Mélenchon n’est pas cité], ce sera Cuba sans le soleil ou le Venezuela sans le pétrole. D’autres voudraient nous enfermer dans un choix simple : Madame Thatcher [Fillon] ou Trostky, Fidel Castro ou Maurras [Marine Le Pen]. Toutes ces compromissions, ces reculs en arrière, ces chimères, ces dérives, nous n’en voulons pas. » Macron propose à la foule, vêtue des tee-shirts colorés offerts à l’entrée, de « saisir ce rendez-vous avec l’histoire ».

Sans le nommer, il tance François Fillon, la façon dont il a érigé « le déni de vérité en principe systématique de communication », la nécessité d’un président qui incarne une « autorité morale », la possibilité qu’il nomme des ministres de Sens commun, émanation de la « Manif pour tous » au sein de LR. Un peu plus tôt, le député PS Richard Ferrand, secrétaire général d’En Marche !, n’avait pas retenu ses coups contre l’ancien premier ministre de Nicolas Sarkozy, englué dans les affaires : « Il a définitivement perdu toute autorité morale pour prétendre parler au nom de la France. »

Dans la tribune VIP, de vieilles gloires côtoient des élus pas tout neufs. Il y a Line Renaud, ex-égérie du chiraquisme triomphant, les animateurs Bernard Montiel et Stéphane Bern. Il y a Robert Hue, Jacques Attali, des figures du centre (Bayrou, de Sarnez, Arthuis, Bourlanges) et quelques élus socialistes. Mais aussi l’humoriste Yassine Belattar, le footballeur Yohan Cabaye et des nouveaux venus à la politique, parfois jeunes, issus de la société civile et candidats aux législatives.

Sur la grande scène cruciforme, Macron, flanqué de deux prompteurs discrets, dit vouloir incarner « le surgissement, l’accession aux responsabilités d’une génération nouvelle », après les « reconstructeurs » de la Libération puis les soixante-huitards dont il cite les héros (Bob Dylan, Lech Walesa, Vaclav Havel… mais aussi Mendès France, Mitterrand et Rocard).

Il raconte une histoire dont le fil serait à reprendre. « Ces générations, dit-il, ont su vaincre les deux totalitarismes qui ont ensanglanté et profané le XXe siècle, le nazisme et le communisme. Soyons leurs fidèles, d’autant plus fidèles que nous sentons partout la double tentation de la barbarie prête à resurgir avec d’autres traits. Depuis vingt ans, ce fut l’enlisement, un consentement long, inavoué, au chômage, à l’impuissance publique, à la fracture sociale dénoncée il y a plus de vingt ans par Jacques Chirac, à la paralysie de l’Europe. »

Macron tance même « la loi du plus fort d’une mondialisation ultralibérale », lui qui répugne d’habitude à utiliser ce vocabulaire un peu trop marqué à gauche. Il cite Albert Camus : « Chaque génération sans doute se croit vouée à refaire le monde. La tâche de la nôtre est peut-être plus grande, elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse » – il oublie d’ailleurs un morceau de la citation : « La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. »

Macron rit au nez de ceux qui lui reprochent de trop utiliser la locution « en même temps », signe, selon ses détracteurs, de sa capacité à dire tout et son contraire. « Je continuerai à l’utiliser, parce que cela signifie simplement prendre en compte des impératifs dont la conciliation est indispensable au bon fonctionnement de la société. » Il dit aussi, citant à nouveau l’homme du 18 Juin : « Je choisis comme le général de Gaulle le meilleur de la gauche, le meilleur de la droite, et même le meilleur du centre. »

À l’approche du vote, il veut surtout apparaître comme un futur président. « Je suis prêt », dit-il plusieurs fois. Il confirme la présentation, avant même les législatives, d’un grand texte de moralisation de la vie publique permettant, d’ici la fin de l’année, de « diminuer le nombre de parlementaires, instaurer une dose de proportionnelle, limiter le nombre de mandats dans le temps ».

La conclusion ressemble au début de son discours : un appel, encore et toujours, au « vote utile » en sa faveur : « Dimanche prochain, nous, peuple français, avons un choix décisif : la France ne peut pas avoir rendez-vous avec la peur, le ressentiment, la haine ou le mensonge. Dimanche prochain, comme toujours dans les grands moments de son histoire, la France a rendez-vous avec ce qu’elle a de meilleur en elle : la confiance contre la défiance, la lucidité contre les chimères, la générosité contre la cupidité, l’espoir et le courage contre la résignation. Dimanche prochain, vous serez tous et toutes avec moi, vous serez les porteurs du destin de la France, de son ambition, de sa volonté de faire, de sa force et de son avenir. »

D’ici au premier tour, le candidat va multiplier les apparitions médiatiques. Trois meetings sont prévus. Un à Nantes, mercredi, avec le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian, dans un Ouest qui vote à gauche. Et deux réunions publiques à Rouen et Arras vendredi, dernier jour de la campagne. L’idée d’un troisième meeting ce jour-là, à Amiens, sa ville natale, a été annulée. « Ça faisait trop. Mais on y reviendra entre les deux tours, c’est prévu », dit son porte-parole Benjamin Griveaux, comme si c’était déjà plié.

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