Édition du 23 avril 2024

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Amérique centrale et du sud et Caraïbes

En Colombie, le congrès des FARC officialise leur reconversion

L’ex-guerilla s’est transformée en parti politique tout en gardant son acronyme pour ne « pas casser les liens » avec le passé. Un choix controversé. « Nous acceptons le défi d’échanger les balles pour les bulletins de vote – et c’est pour cela que nous sommes ici » : c’est par ces mots qu’Ivan Marquez, chef de la délégation des FARC qui a mené à bien les négociations de La Havane, a clôt définitivement 53 ans de lutte armée pour ouvrir une nouvelle étape, celle de l’avenir, en présentant le parti politique de son organisation : celui de la FARC.

Tiré du site du journal Le Courrier.

À l’occasion d’un congrès qui s’est déroulé à Bogotá du 27 août au 1er septembre, quelque 1200 ex-guerilleros ont donc choisi le nom de ce qui est désormais leur parti. Il y avait plusieurs possibilités. Ivan Marquez avait déjà signalé il y a quelques semaines qu’il préférait un nom dont le sigle permettrait de ne « pas casser les liens » avec le passé. Cette dernière option l’a emporté avec 628 voix. Aujourd’hui, la FARC signifie Force alternative révolutionnaire du commun. Modernité oblige, ce dernier terme permet d’intégrer la réflexion sur les « communs » en politique et dans la société. La direction du parti aura 111 membres dont les noms ont été connus samedi, Ivan Marquez venant en premier.

Une rose rouge

Des FARC-EP (armée du peuple) à la FARC – le lien entre deux époques, celle de la guerre et celle de la paix, passe donc par le même sigle écrit dorénavant en vert pour annoncer des priorités agraires et environnementales, sous une rose rouge dont le cœur, en forme d’étoile, évoque bien sûr celle du socialisme révolutionnaire qui ornait jadis le béret du « Che ».

Mais de nombreuses voix de la société civile s’interrogent sur la pertinence d’une telle continuité. Pour la presse colombienne, cela démontre la prédominance de la ligne la plus dure au sein des FARC. Du côté des universitaires progressistes, Alejo Vargas Velasquez, directeur du Centre de réflexion et de suivi du dialogue de paix à l’Université Nationale, pense qu’il eût été préférable d’abandonner ce nom, vu le contexte extrêmement polarisé qui prévaut en Colombie et les mauvais souvenirs attachés au mot « FARC ». Quant à Yesid Arteta, ex-chef politique des FARC, qui a passé dix ans en prison avant de rejoindre, peu après sa sortie en 2006, l’école de culture de paix de Barcelone, il souligne dans un éditorial de l’hebdomadaire Semana, que de toutes façons, quelque soit le nom, celui-ci aurait eu comme définition « le parti politique des FARC ». De plus, ce n’est pas la première fois dans l’histoire des démobilisations colombiennes qu’une guérilla garde un nom qui permet de maintenir son sigle – tel fut déjà le cas pour le M-19 et l’EPL lors des grandes démobilisations de 1990/91 et de leur intégration dans la vie politique.

Mais il y a de vrais dangers : le 15 août dernier, un rapport de l’organisation de droits humains Indepaz signalait que depuis le début de l’application des accords de paix le 2 décembre 2016, on recense 22 assassinats ciblés d’ex-guerilleros et de membres de leurs familles. La plupart étaient des anciens miliciens des FARC, c’est à dire des guerilleros non armés et en civil qui ont fait du travail politique et de renseignement. Ces chiffres s’inscrivent dans un contexte où pour ce même premier semestre 2017, on comptait à la même date 51 assassinats ciblés de leaders sociaux à travers le pays.

Panorama préoccupant

Ce panorama est d’autant plus préoccupant que la gauche colombienne et les membres de la FARC ont déjà été confrontés à l’extermination systématique de plus de 3500 membres de leur parti, l’Union Patriotique, dans le sillage des accords de paix de La Uribe signés en mars 1984 entre le gouvernement colombien de l’époque et la guerilla.

Du coup, Ivan Marquez et ses camarades ont appelé l’ex-président de la république et sénateur Álvaro Uribe, particulièrement hostile aux accords de paix, ainsi que Gentil Duarte, chef des dissidences de la guerilla, au dialogue et à la réconciliation.

Pour l’opinion publique, une inconnue pèse lourd : celle des futurs travaux de la justice spéciale de paix, JEP, qui devra se prononcer sur de possibles crimes contre les droits humains commis par la guerilla, ainsi que par les forces du gouvernement.

En attendant, dans le cadre des accords de paix, le parti de la FARC disposera de cinq sièges au sénat et cinq à la chambre de représentants aux élections générales de 2018 et de 2022. Ces représentations sont différentes de celles des circonscriptions transitoires et spéciales de paix situées dans des régions historiquement très touchées par le conflit. Dès l’année prochaine, la nouvelle donne politique sera donc testée sur le terrain. Laurence Mazure

Laurence Mazure

Journaliste pour le Courrier.

https://www.lecourrier.ch/

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