Édition du 3 décembre 2024

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Environnement

L'environnement et le parti québécois, six mois plus tard

Six mois après l’élection du gouvernement Marois, les inquiétudes du mouvement écologiste se multiplient. Malgré quelques avancées, le Parti québécois semble reculer sur plusieurs positions électorales. Quelle sera la suite ?

Le 8 février dernier, nous étions quelques centaines devant le Palais des congrès à protester contre le Salon des ressources naturelles. Un sentiment de déjà vu, à l’exception de la tempête de neige, puisque nous étions là aussi l’an passé, pour les mêmes raisons, mais cela s’appelait alors le Salon Plan Nord.

Les usual suspects étaient rassemblés à nouveau : compagnies minières, chambres de commerce, firmes de relations publiques - le gratin d’une industrie réputée pour enrichir quelques-uns, diviser les communautés locales, contaminer l’eau, le sol et la terre, paupériser l’économie des régions et contribuer à toutes les violations possibles des droits de la personne dans les pays pauvres. Et ce, bien sûr, sous protection de centaines de policiers antiémeutes. On y trouvait par exemple le projet La ruée vers le nord, qui sans cynisme aucun (ou connaissance de l’histoire) désire un Far West au nord du 52e parallèle. Le deuxième jour du Salon, le ministre Marceau donnait une allocution en assurant que le développement du Nord était la priorité du Parti Québécois (PQ).

Surprise ! Vous avez réellement cru qu’il était mort avec la défaite des libéraux, ce foutu Plan Nord ? Peut-on se demander, au fait, ce qui a réellement changé en environnement, six mois après les élections ?

Un pas en avant, deux pas en arrière

Le premier bon coup du Parti Québécois en environnement, à son entrée au pouvoir : la fermeture de Gentilly-2. Victoire ? Oui. Puis on réalise que Gentilly-2 devait fermer de toute façon à cause des coûts exorbitants de la réfection. Hydro-Québec le savait, le Parti libéral le savait.

Récemment, le PQ met fin au programme de petites centrales hydroélectriques. Excellent ! On ne sauvera pas Val-Jalbert, par contre. Trop compliqué. Ce n’est pas grave, dit-on, il y aura un musée sur place pour nous montrer ce à quoi ressemblait la rivière avant le barrage.

Pendant ce temps, la réforme de la Loi sur les mines tarde. Il y aura un forum sur les redevances, et la ministre Ouellet a annoncé des réformes intéressantes à ce sujet, ainsi que pour la restauration des sites, mais ce n’est qu’une partie du problème. Qu’on s’enrichisse ou pas, les questions environnementales restent sans réponse.

De plus, le ministre Jean François Lisée, celui qui voulait « mettre la droite K.-O. » nous vante maintenant les mérites de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AÉCG), où notre eau potable risque de devenir une marchandise.

Ensuite, Québec ne s’oppose pas au renversement du flux du pipeline d’Endbridge. On parle de forer du pétrole dans l’est de la province. Les projets abondent, tout va bon train, sauf pour l’environnement naturel, qui n’est pas vraiment considéré comme « habitat », mais comme « donnée négligeable » dans quelconque équation comptable à court terme.

Par ailleurs, le financement des groupes communautaires environnementaux est toujours à deux doigts au-dessus de zéro, onze ans après l’introduction de la politique qui devait assurer un financement adéquat. Le Parti Québécois a fait des promesses électorales à ce sujet, mais en l’absence d’engagements, les groupes meurent à petit feu et sont de moins en moins présents.

BAPE : la solution à tout ?

Enfin, il est difficile de parler des avancées (ou des reculs) en environnement au Québec sans poser la question du Bureau d’audience publique en environnement (BAPE). Récemment, le Ministère du Développement durable, Environnement, Faune et Parc (MDDEFP) donnait un mandat au BAPE pour les gaz de schiste, et considère la possibilité de faire de même pour la filière de l’uranium.

Plusieurs se sont réjoui des remaniements du Bureau de l’ex-ministre Breton cet automne, et l’annonce d’un BAPE est généralement bien reçue chez les groupes écologistes.

Or, le BAPE, comme toute instance de participation publique, est symbolique. Il n’a pas de pouvoir effectif. Citoyens, citoyennes et lobbyistes vont côte à côte plaider leur cause, les officiers reçoivent les témoignages, compilent et interprètent les résultats à leur façon, puis font une quantité de recommandations. Le gouvernement reçoit ces dernières et décide, seul, de ce qu’il fera, peu importe les résultats. La communauté aura échangé son temps et sa confiance contre de bonnes intentions, et devra ensuite se croiser les doigts.

Pour un gouvernement, le BAPE comporte plusieurs avantages. De un, cela rassure les intérêts privés, en évitant un « non » catégorique. De deux, cela redirige et neutralise la colère des citoyens, citoyennes, dont l’illusion de pouvoir concernant la situation dissuade d’entreprendre des actions nettement moins symboliques. De trois, il rend possible une prise de décision absente de volonté politique, ce qui donne une image rassembleuse en vue de la prochaine campagne électorale.

Je vous recommande la lecture de La participation contre la démocratie du sociologue Jacques T. Godbout, une analyse des mécanismes à l’origine du BAPE. Publiée il y a trente ans, cette étude est encore d’actualité pour mieux comprendre les rouages de ces consultations de plus en plus nombreuses.

Un futur sans avenir

D’accord, le Parti Québécois, même s’il avait plus de volonté politique en environnement, serait limité par son statut de gouvernement minoritaire. Il a, après tout, des opposants qui sont ouvertement hostiles à l’écologie et préfèrent parler d’environnement comme d’un obstacle à abattre. De toute évidence, nous retournerons bientôt en élections, d’ici un an tout au plus.

Alors, est-ce que le vent peut tourner pour le PQ ? Peut-être, avec une volonté de fer pour les réformes dont le Québec a besoin. Mais l’histoire du parti nous porterait à croire le contraire : coup sur coup, l’environnement passe constamment après le développement industriel. Dans son histoire dissidente du mouvement écologiste au Québec, Philippe Saint-Hilaire remarque qu’à l’introduction du développement durable en 1994 par Parizeau, cette contradiction n’a fait que s’accroître. Comme mode de régulation du système capitaliste, le développement durable tente de réconcilier l’irréconciliable. On nous vend du ethical oil, du clean coal, des mines durables, même le nucléaire et les gaz de schiste seraient des solutions vertes !

Il y a par contre certaines leçons à tirer. D’une part, on remarque que la portée de l’État est amoindrie - qu’en 2013, la démocratie représentative nous laisse finalement sans pouvoir. Que faire, par exemple, lorsque le parti « progressiste » pour lequel vous avez voté se tourne à droite une fois élu ? Pendant ce temps-là, les banques, les multinationales, les fonctionnaires d’État ne sont pas élus, et restent là, peu importe qui remporte aux urnes.

Ce qui change, c’est l’environnement naturel. Malgré les grands discours, il y a des problèmes planétaires, catastrophiques, qui grossissent à vue d’œil, et le Québec doit les adresser de plein front, quitte à constituer l’exemple à suivre sur la scène internationale. Je pense surtout à deux phénomènes : le pic pétrolier et le réchauffement climatique. Ces crises demandent une restructuration profonde de notre société, et notre négligence à réagir est absolument criminelle.

Finalement, autre changement important : Nous ! La population du Québec s’est éveillée comme jamais au printemps 2012. Il ne faut pas se rendormir, surtout quand on nous balance un discours d’austérité. Référons aux alternatives fiscales proposées par la Coalition opposée à la tarification, qui pourraient nous permettre d’aller chercher jusqu’à 9 milliards par année pour financer nos programmes sociaux, redistribuer la richesse, rendre l’éducation gratuite, promouvoir les alternatives écologiques et renforcer les communautés du Québec.

Penser en dehors des partis politiques, voilà le grand défi des mouvements sociaux du 21e siècle. Les enjeux sont trop importants pour s’en remettre au spectacle soporifique de l’arène électorale : les générations futures ont besoin de résultats, elles n’auront rien à faire que nous étions plein de bonnes intentions.

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