Édition du 23 avril 2024

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Asie/Proche-Orient

La dérive autoritaire de l’Inde et le silence de l’Occident

Ces dernières semaines, plusieurs éditoriaux de la presse internationale s’inquiètent de la dérive autoritaire de l’Inde et appellent les dirigeants occidentaux à briser le silence.

Tiré de Courrier international.

“Le nationalisme en Inde écrit l’épitaphe de l’expérience du pays avec la démocratie laïque multiethnique”, estime The Guardian dans un éditorial du 24 avril. L’Inde risque d’imiter l’exemple chinois, s’inquiète le quotidien britannique, jugeant que le pays pourrait connaître lui aussi une “ascension économique sous la domination politique étroite d’un parti autoritaire dominant”.

“Le Bharatiya Janata Party (BJP) de Narendra Modi [le Premier ministre] a affaibli les institutions censées garantir un État à la fois transparent et responsable. L’information est censurée, la société civile harcelée et les manifestations réprimées.”

Il est “absurde” que Rahul Gandhi, principale figure d’opposition dans le pays, “soit actuellement disqualifié du Parlement”, poursuit The Guardian. Ce cadre du Congrès a en effet été condamné à deux ans de prison pour diffamation contre le Premier ministre, ce qui lui a valu d’être exclu de l’hémicycle.

“Le parti de M. Modi a fait plier les institutions du pays au service de son idéologie. Cela a transformé, de facto, les minorités en citoyens de seconde zone.” La suppression des libertés civiles de la plus importante minorité du monde, quelque 200 millions de musulmans indiens, ne sera pas tenable longtemps “sans abandonner la démocratie”, prévient l’éditorial. “Ce serait une issue terrible pour l’Inde et le monde.”

Ce constat est partagé par le Financial Times, qui écrivait le 20 avril : “Le déclin des libertés politiques sous Narendra Modi est tragique pour le pays et pour le monde. […] L’Inde s’apprête à devenir le pays le plus peuplé. Son ambition d’être la plus grande démocratie s’estompe.”

“Autocratie électorale”

Une Inde robuste, inclusive et réellement démocratique qui pourrait servir de contrepoids à la Chine et de modèle mondial est important pour tout le monde, juge le quotidien financier.

Mais il est évident que le parti de Narendra Modi est prêt à utiliser tous les instruments à sa disposition pour arriver à ses fins. Depuis l’arrivée de Modi au pouvoir, en 2014, “la peur de s’exprimer contre lui est devenue chose commune dans la vie publique”. Freedom House, une ONG américaine, a jugé en 2021 que l’Inde n’était plus que “partiellement libre”, et l’institut V-Dem, qui classe les démocraties, considère qu’elle est une “autocratie électorale”, aux côtés de pays comme la Russie et la Turquie.

“Les journalistes jugés critiques du BJP font régulièrement l’expérience du harcèlement en ligne”, et font parfois même l’objet de poursuites judiciaires.

Les médias étrangers ne sont pas épargnés. Au mois de février, les inspecteurs du fisc ont procédé à une descente dans les bureaux de la BBC, à Bombay et à New Delhi, peu de temps après la diffusion d’un documentaire critique à l’égard de Narendra Modi. Le quotidien américain The New York Times s’était alors fendu d’un éditorial dans lequel il dénonçait l’utilisation par les dirigeants autoritaires et populistes de leurs pouvoirs pour intimider, censurer, réduire au silence ou punir les médias indépendants.

“Lamentablement fermer les yeux”

“Les universitaires, les think tanks et les organisations caritatives étrangères sont aussi sous pression”, rappelle le Financial Times. Le 19 avril, les autorités ont procédé à des fouilles dans les locaux d’Oxfam, accusant l’organisation d’avoir violé les règles de financement étranger.

“L’Occident voit l’Inde comme un contrepoids démocratique et économique à la Chine. Mais leur désillusion vis-à-vis de Xi Jinping a poussé les dirigeants occidentaux à lamentablement fermer les yeux sur les actions de Modi.” Si la démocratie indienne n’a jamais été parfaite, elle a néanmoins permis au pays de se hisser à la position de cinquième économie mondiale et de faire émerger une classe moyenne naissante. “Pour le bien de l’Inde, les dirigeants occidentaux doivent condamner plus clairement les attaques du gouvernement indien contre la société civile et la liberté d’expression. Si Modi n’inverse pas la vapeur, sa vision de l’Inde comme d’une superpuissance demeurera une fantaisie”, prévient le Financial Times.

Courrier international

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