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La répression ukrainienne contre les médias et l'opposition pour plaire à Biden

L’arrivée au pouvoir de l’administration Biden semble avoir eu un impact sur la politique du président de l’Ukraine, ce qui à son tour a un impact négatif sur l’opposition et les médias d’opposition, tandis que le nationalisme et le militarisme s’accentuent.

26 février 2021 |
https://newcoldwar.org/february-update-ukraines-crackdown-n-media-and- opposition-to-please-biden/

En février, la politique du président ukrainien a pris un virage brutal, apparemment provoqué par le changement d’administration aux E-U, qui suscite des tentatives désespérées pour lui plaire. Dans ses déclarations, le président Zelensky est devenu indiscernable du président guerrier précédent, Petro Porochenko, pariant sur le nationalisme radical et le militarisme. Mais pour ce faire, il doit d’abord nettoyer l’opposition même modérée et les médias d’opposition. L’interdiction du Parti communiste en 2014, suite à la « Révolution de dignité » n’en était que le début.

Sanctions contre des compatriotes

Début février, trois chaînes de télévision ont été fermées en même temps : NewsOne, 112.ua, et ZiK [1]. La raison en était les sanctions imposées par le Président contre l’un des propriétaires des chaînes - le député de l’opposition Taras Kozak. Pour la première fois dans l’histoire, des sanctions ont été introduites, non pas contre un citoyen étranger ou contre une entreprise étrangère, mais contre un compatriote. Il n’y a pas eu de décision de justice en ce sens. Mais la police a immédiatement désactivé les chaînes, exigeant que YouTube ferme également sa version Internet.

Les raisons de l’imposition des sanctions étaient les déclarations du Service de sécurité ukrainien [le SBU] au sujet d’activités prétendument pro-russes des chaînes. Mais personne n’a présenté de preuve : les preuves sont déclarées « secrètes » [2]. Ce schéma - « Nous avons des preuves mais nous ne les présenterons pas » - a commencé à se généraliser l’année dernière.

Ces sanctions ont immédiatement alarmé l’Union nationale des journalistes du pays. Sergei Tomilenko, le chef de l’organisation, considère que les sanctions sont illégales. « Par cette décision, les autorités vont au-delà du cadre légal. La responsabilité des médias devrait émerger à la suite d’une action en justice, avec le droit à la défense et à la suite d’un débat sur la décision des régulateurs des médias.

Ici, de manière extrajudiciaire, a lieu le blocage des chaînes de télévision, des médias à large public. Ce sont des médias où sont apparus des représentants des autorités, dont les « Serviteurs du Peuple » (émission humoristique dont le Président actuel, dans sa vie précédente, était la vedette). Il s’agit d’une atteinte à la liberté d’expression, de la privation du droit à l’information pour un grand nombre d’Ukrainien.ne.s… C’est une situation d’urgence. Nous informerons la Fédération internationale des journalistes, la Fédération européenne des journalistes, nos partenaires - le Bureau de l’OSCE sur la liberté d’expression », écrit Tomilenko [3].

La droite est enthousiasmée par les fermetures

Cependant, la décision a été accueillie avec admiration par le chef de « Renaissance », la branche ukrainienne de la Fondation Soros, Alexander Suchko. « Cela doit être la décision la plus importante du président Zelensky de toute sa carrière politique. Elle aura un impact décisif sur le paysage politique du pays en 2021 », a déclaré un représentant de la Fondation [4].

L’ambassade américaine en Ukraine s’est également félicitée de la fermeture des chaînes de télévision. « Les États-Unis soutiennent les efforts de l’Ukraine faits hier pour contrer l’influence pernicieuse de la Russie, conformément au droit ukrainien, en défense de sa souveraineté et de son intégrité territoriale. Nous devons tous travailler ensemble pour empêcher que la désinformation ne soit déployée comme une arme dans une guerre de l’information contre des États souverains », a déclaré l’ambassade dans un communiqué [5]. N’oublions pas que nous parlons ici de chaînes de télévision ukrainiennes, diffusant en langue ukrainienne, détenues par des députés ukrainiens.

Les néo-nazis du régiment Azov et du Corps national étaient tout aussi enthousiastes à propos de la fermeture des chaînes de télévision. Ils ont été tellement inspirés par la fermeture des trois chaînes qu’ils ont lancé des attaques contre une autre chaîne - la chaîne de télévision « Nach » [6], qui est détenue par un autre député de l’opposition. Bien qu’ils aient pénétré illégalement dans les bureaux de cette chaîne et aient battu les journalistes [7], la police n’est pas intervenue.

Déclin de la popularité du Président

Ces mêmes jours, deux jeunes filles ont été arrêtées pour avoir dirigé des chaînes de Telegram qui critiquaient les actions des autorités de Kiev [8]. Malgré l’arrestation des jeunes filles, ces chaînes de télégrammes continuent de fonctionner. Les médias ukrainiens ont tenté d’expliquer ces arrestations en disant qu’il s’agissait de copines d’activistes de l’opposition qui avaient fui en Moldavie et en Europe depuis Odessa en 2014. Ainsi, le SBU veut faire chanter les politiciens de l’opposition ukrainienne en fuite.

L’une des raisons probables de la fermeture des chaînes de télévision et des autres médias d’opposition est la forte baisse de popularité du Président et de son parti politique, suite à une forte augmentation des tarifs du gaz/chauffage et de l’électricité, à la demande du FMI. Selon les derniers sondages, le parti « Plate-forme d’opposition » a commencé à s’imposer [9] en tant que parti le plus populaire. C’est après cela que le coup porté aux médias de ce parti a suivi.

Le prochain coup a été porté contre le groupe d’opposition qui a été élu à la tête d’un certain nombre de conseils locaux l’année dernière. Son chef, Anatoly Charij, est un réfugié qui vit en Espagne, mais dans ses blogs vidéo il critique régulièrement les autorités ukrainiennes. À la mi-février, le SBU l’a accusé de « haute trahison » et a exigé son extradition [10]. Les accusations sont basées sur ses déclarations, selon laquelle il s’agit d’une guerre civile dans le Donbass, ce qui contredit le discours officiel sur « l’agression russe », ainsi que sur ses entretiens avec les médias russes.

Tout au long de l’année écoulée, des militant.e.s et des bureaux de ce parti ont été pris pour cible par des extrémistes de droite du régiment Azov et du Corps national. Une véritable terreur de rue fasciste s’est déroulée contre eux [11]. Lorsque les autorités n’ont pas réussi à supprimer complètement ce parti, le gouvernement a pris la voie des interdictions politiques.

Puis le 19 février, le président Zelensky a imposé des sanctions à trois autres dirigeants du parti « Plateforme d’opposition » : le chef du conseil politique du parti Viktor Medvedtchuk, son épouse Oksana Martchenko et Natalya Lavrenyuk [12].

« C’est la volonté du régime dictatorial de Zelensky de régler des comptes avec les dirigeants de l’opposition et de porter un coup à la force politique la plus cotée du pays. Il n’y a aucun fondement juridique à ces représailles extrajudiciaires », a déclaré le parti dans un communiqué [13].

Sanctions et représailles à courte vue

Les sanctions et représailles ne sont pas limitées aux politicien.ne.s. En février, Kiev a imposé des sanctions aux entreprises chinoises qui avaient précédemment acquis des parts de l’usine ukrainienne « Motor Sitch » (producteur de moteurs d’avions) pour le prix d’environ un milliard $US. Et l’Ukraine a refusé par la suite de transférer les droits de propriété aux acheteurs chinois [14]. Les États-Unis avaient déjà qualifié cet accord de « malveillant ». La Chine est maintenant en litige avec l’Ukraine devant la Cour d’arbitrage internationale.

Ensuite, des sanctions ont été introduites contre la société ukrainienne Sportmaster, qui vend des équipements sportifs. Selon les médias ukrainiens, dans cette affaire, les sanctions contre la société ukrainienne ont fait l’objet de pressions de la part de leur concurrent direct sur ce marché, la société Epicentre [15]. En d’autres termes, le mécanisme même des sanctions est appliqué chaque jour à l’encontre de citoyens ou d’entreprises nationaux et étrangers de l’Ukraine, comme forme de lutte politique et de concurrence commerciale.

Mardi le 23 février, les député.e.s ukrainien.ne.s du parti de l’ancien président Porochenko et du parti de Zelensky ont présenté un projet de loi autorisant la fermeture de médias, d’organisations religieuses, et de partis pour « déni de l’agression russe » [16]. Le projet de loi spécifie également la punition pour le délit de décrire le conflit dans le Donbass comme une guerre civile ou comme un conflit interne, ainsi que pour avoir qualifié les forces armées des républiques du Donbass de « rebelles » ou de « milices » (et non pas de forces de la Russie). Elle ne devraient être qualifiées que d’« occupants russes », afin de faciliter l’exercice de pression américaine sur la Fédération russe [17].

Un tel discours n’est pas seulement en contradiction avec la réalité, mais il est en opposition avec le fait que la Fédération russe était en 2020 l’un des plus grands exportateurs / importateurs d’Ukraine (après la Chine et l’UE) [18].

Et en février 2021 Kiev a repris l’achat d’électricité à la Russie [19]. Les entreprises russes se sont également les principaux fournisseurs de pétrole et de produits alimentaires, y compris de la nourriture pour l’armée ukrainienne. En d’autres termes, en cas de guerre réelle, la Russie pourrait simplement couper facilement ses approvisionnements et laisser littéralement l’armée ukrainienne sans essence, sans électricité et sans nourriture [20].

Néanmoins, le prétexte de « combattre la Fédération de Russie » est activement utilisé pour réprimer l’opposition interne ukrainienne. Les interdictions et les sanctions se multiplient chaque mois. Mais en février, il y a eu une véritable percée dans ce domaine, grâce aux tentatives actives de plaire à la nouvelle administration américaine. Les médias occidentaux refusent obstinément à voir la suppression de l’opposition et des médias en Ukraine, se concentrant plutôt uniquement sur la contestation en Biélorussie et sur Aleksei Naval’nyi en Russie.

Références

[1] https://www.dw.com/uk/shcho-vidomo-pro-sanktsii-proty-kozaka-i-telekanaliv-112-newsone-i-zik/a-56441055
[2] https://strana.ua/news/316175-chleny-snbo-vvodili-sanktsii-protiv-kozaka-bez-imejushchikhsja-dokazatelstv-protiv-neho.html
[3] https://strana.ua/news/315463-serhej-tomilenko-o-sanktsijakh-zelenskoho-protiv-kozaka-newsone-zik-i-112.html
[4] https://ukraina.ru/exclusive/20210203/1030436087.html
[5] https://www.facebook.com/usdos.ukraine/posts/10158723530276936?__tn__=-R
[6] https://www.5.ua/suspilstvo/sutychky-pid-budivleiu-telekanalu-nash-dvokh-pravookhorontsiv-vidstoronyly-235989.html
[7] https://focus.ua/politics/473740-neizvestnye-izbili-zhurnalista-telekanala-nash-v-pryamom-efire-video
[8] https://interfax.com.ua/news/general/720421.html
[9] https://ukranews.com/news/747015-deminitsiativy-i-kmis-soobshhili-chto-rejting-opzzh-sostavlyaet-20-slugi-naroda-18-evrosolidarnosti
[10] https://focus.ua/special/anatoliy-shariy-obvinen-v-gosizmene-reshenie-sbu
[11] https://ukraina.ru/exclusive/20200619/1028035472.html
[12] https://www.interfax.ru/world/751987
[13] https://interfax.com.ua/news/general/725033.html
[14] https://www.kommersant.ru/doc/4670604
[15] https://ukrrudprom.com/digest/Magazini_pod_ugrozoy_zakritiya_Epitsentr_v_viigrishe.html
[16] https://strana.ua/news/319254-poroshenko-i-sluhi-naroda-hotovjat-pochvu-k-sudebnomu-zapretu-upts-.html
[17] https://strana.ua/articles/analysis/319173-zachem-v-radu-vnesen-proekt-zakona-o-zaprete-relihioznykh-orhanizatsij.html
[18] https://www.vedomosti.ru/economics/news/2021/01/12/853791-rossiya-stala-odnim-iz-glavnih-torgovih-partnerov-ukraini-v-2020-godu
[19] https://www.epravda.com.ua/rus/news/2021/02/1/670565/
[20] https://vz.ru/world/2020/4/9/1033334.html

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