Édition du 30 avril 2024

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États-Unis

Le plan d’assurance maladie républicain est taillé sur mesure pour les lobbyistes des compagnies d’assurance ; ils sont ravis

Le puissant groupe commercial, lobbyiste pour les compagnies d’assurance, America’s Health Insurance Plans (AHIP), a de quoi célébrer au cours de sa conférence annuelle au Ritz-Carlton de Washington cette semaine.

Lee Fang, The Intercept, 7 mars 2017
Traduction : Alexandra Cyr

L’industrie était depuis longtemps à la recherche de changements. Parmi ceux-là, la possibilité d’augmenter les primes des personnes âgées et une révision de la loi de l’impôt pour que les compagnies puissent payer leurs dirigeants-es encore un peu plus. Le projet républicain déposé lundi exauce leurs vœux.

Sans surprise, ce jeudi, un de leur conférencier principal sera le représentant républicain du Texas, Kevin Brady. Il préside le House Ways and Means Comittee qui a marqué le coup d’envoi de la proposition de loi, mardi matin. Ce groupe commercial représente les plus grandes compagnies d’assurance aux États-Unis : Cigna, Humana, Kaiser, Blue Shield of California et Anthem.

La proposition de loi républicaine qui s’intitule American Health Care Act comporte de très importants changements que les compagnies d’assurance maladie recherchaient. Par exemple, lier le coût des primes à l’âge ; elles pourront (si ce projet est adopté tel quel n.d.t.) vendre cinq fois plus cher leurs plans aux personnes âgées par rapport aux plus jeunes. Dans une lettre, l’Association américaine des personnes retraitées a signalé qu’un ratio de 5 pour 1 pourrait augmenter les coûts annuels de l’assurance des personnes de 64 ans et plus de 2,100 $. Avec l’ACA (Obamacare) le ratio est de 3 pour 1.

L’AHIP a spécifiquement recommandé ce ratio de 5 pour 1.

Le plan républicain remplace l’obligation d’assurance pour tous les individus. Leur proposition pénalise toujours les non-assurés-es, mais les pénalités seront payées aux compagnies d’assurance plutôt qu’au gouvernement fédéral. Avec cette loi, les assureurs ont le privilège d’exiger 30 % de plus au coût de la prime de toute personne qui n’a pas détenu d’assurance pendant au moins deux mois.

Ce projet de loi retourne des sommes importantes aux hauts-es dirigeants-es des compagnies d’assurance. L’ACA contenait des clauses qui limitaient à 500,000 $ la déduction que ces compagnies pouvaient réclamer sur les impôts de leurs dirigeants-es et autres employés-es. Cela avait été pensé pour limiter les compensations payées aux hauts dirigeants-es de ces compagnies et pour les encourager à payer pour les soins plutôt que de verser des bonus à leurs cadres supérieurs. Avant l’ACA, elles avaient peu d’incitatifs pour ne pas distribuer leurs revenus aux membres de leurs exécutifs. M. Stephen Hemsley, chef exécutif du UnitedHealth Group, a reçu 109 millions, seulement en 2009.

La proposition républicaine retire les plafonds qu’avait installés l’ACA. La chaine CNBC rapporte que selon elle : « le plan républicain permet aux assureurs de passer dans les dépenses d’affaire la totalité des salaires des membres de leurs exécutifs pour fin d’imposition et non plus les seuls 500,000 $ que leur permettait l’ACA. » La fin de cette limite de déductions sur les impôts encourage non seulement les compagnies à augmenter les salaires de leurs hauts-es dirigeants-es, mais fait en sorte qu’elles paieront moins d’impôts. L’Institute for Policy Studies estime à 72 millions de dollars l’augmentation des revenus fédéraux générés par le plafond de 500,000 $.

L’AHIP a écrit au Congrès pour se plaindre de ce plafond sur les compensations payées aux membres des exécutifs. C’est à la première page du projet de loi républicain que le Ways and Means Commitee affiche cette « correction ».
Finalement, le projet donne un véritable pot-de-vin aux assureurs en doublant les montants que les individus et les familles peuvent accumuler pour leurs soins de santé, et ce, dans un compte libre d’impôt. Les compagnies d’assurance maladie en avaient eu l’idée pour augmenter leurs revenus ; ces comptes sont utilisés pour payer de faibles dépenses comme les franchises. Micheal Hiltzik, chroniqueur au Los Angeles Times, a expliqué que ces comptes profitent d’abord et avant tout aux riches individus. Les revenus qu’ils leur rapportent ne sont pas imposables. Ils sont la plupart du temps gérés par les compagnies d’assurance qui réclament des frais d’administration et accumulent ainsi certains revenus.

Les lobbys des compagnies d’assurance maladie ont longtemps demandé de jouer un rôle déterminant dans les soins de santé américains. En 1993, les prédécesseurs de l’AHIP, la Health Insurance Association of America, a soutenu la proposition de réforme du Président Clinton en finançant une campagne de publicité nationale appelée « Harry and Louise ».

En 2009, la présidente de l’AHIP de l’époque, Mme Karen Ignagni, a promis au Président Obama que son groupe ne répéterait pas son comportement du début des années 90. Elle a assuré son auditoire à la Maison blanche que l’industrie travaillerait pour arriver à une solution positive : « Nous nous engageons à jouer un rôle pour contribuer à faire passer la réforme des soins de santé cette année ».

Cet engagement s’est vite évaporé. Alors que les Démocrates débattaient de l’ACA, l’AHIP a fourni au moins 86,200 millions à un autre groupe commercial pour diffuser une campagne totalement négative contre le plan Obama. Plus tard, on a trouvé par inadvertance que la compagnie Aetna avait aussi fourni en cachette 7 millions à des groupes pour qu’ils fassent de la publicité contre la réforme. Pendant ce temps, l’AHIP a toujours entretenu des rapports cordiaux avec le Congrès (Capitol Hill).
Le représentant démocrate de New-York, M. Joe Crowley, qui a été président de la Nouvelle coalition démocrate et actuellement président du Caucus démocrate de la Chambre, doit prendre la parole à la conférence de l’AHIP ce mercredi. Le comité d’action politique de cette organisation s’est engagé à verser 1,000 $ pour chaque collecteur de fonds au whip de la majorité de la Chambre, M. Steve Scalise. Il travaille en ce moment à gagner le soutien des Républicains au projet de loi déposé actuellement. Son don le plus important jusqu’ici en 2017, est allé au représentant Kevin Brady, le président (du Ways and Means Comittee) qui travaille en faveur du projet républicain de cette semaine.

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