Édition du 12 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Le mouvement des femmes dans le monde

Les enfants de la violence conjugale ne sont pas dupes de l’agresseur

Les professionnels du divorce aiment à dire que les enfants se sentent « pris au milieu ». Mais beaucoup d’enfants ne se sentent pas du tout comme ça. Ils voient clairement d’où vient le comportement agressant : ils reconnaissent les manipulations de leur père ou beau-père.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Publié le 14 décembre 2021

Ils souhaitent qu’il cesse d’intimider maman et qu’il cesse de les intimider. Ils souhaitent qu’il cesse d’essayer de les monter contre elle. Ils en ont assez de voir que rien n’est jamais de sa responsabilité et qu’il blâme maman pour tout. Ils comprennent pourquoi maman a peur de lui parce qu’ils voient eux-mêmes son côté intimidant de temps en temps.

Et ils sentent que leur mère se soucie vraiment d’eux. Alors qu’avec papa, ses démonstrations d’attention semblent finir par ne concerner que lui.

Être un enfant, un adolescent ou un jeune adulte qui voit l’agresseur pour ce qu’il est comporte de nombreux défis douloureux. Je veux mettre en lumière quelques-unes des émotions que vivent les enfants placés dans cette situation.

Un profond chagrin pour le père qu’ils auraient aimé avoir. Ils se retrouvent en proie à la question « Pourquoi ? Pourquoi ? ». Ils aspirent à un père gentil et responsable – et un qui puisse comprendre et respecter l’importance de leur mère pour eux

La fureur. Ils sont en colère à cause de la cruauté qu’ils ont été forcés de côtoyer. Mais ils ont aussi peur de leur propre rage, car papa utilisait la colère comme excuse pour faire du mal aux gens. Ils ont du mal à saisir ce que pourrait être une expression saine de la colère.

La culpabilité. Deux aspects de leur histoire semblent peser particulièrement lourd sur eux. Premièrement, ils se sentent coupables de ne pas avoir pu arrêter l’agresseur lorsqu’il faisait du mal à maman ou à leurs frères et sœurs. Il leur est très difficile d’accepter le peu de choses qu’ils auraient pu faire. Des scènes des années précédentes peuvent revenir sans cesse sur leurs écrans de mémoire.

Deuxièmement, ils se sentent coupables de s’éloigner de leur père. Ils ont l’impression de l’abandonner, d’autant plus qu’il insiste sur le fait que le monde a été injuste envers lui. Leur tête peut être envahie de pensées comme : « Je devrais être là pour lui. Mais j’ai essayé à l’infini de faire en sorte qu’il soit différent à mon égard et il ne m’écoute pas du tout. Je l’aime bien pendant un moment et puis, soudain, il me fait me sentir vraiment mal. Il a besoin de moi. Mais il fait toujours passer ses besoins en premier, comme si je devais tout abandonner pour lui. » Et ça continue encore et encore.

Et ce n’est pas tout. S’ils ont des frères et sœurs plus jeunes qui doivent encore aller le voir, ils peuvent se sentir responsables de ces enfants. Ils peuvent se sentir coupables de leur propre bonheur, quel que soit le moment où ils l’ont atteint. Ils se sentent coupables des moments où ils se sont associés à des méchancetés à l’égard de leur mère. C’est un poids énorme à porter, et ils ne méritent rien de tout cela.

Un tourbillon d’émotions contradictoires. Vouloir voir papa plus souvent ou vouloir le voir moins souvent. Espérer qu’il changera ou essayer d’abandonner cet espoir (tout comme leur mère l’a fait – ou le fait peut-être encore). Avoir l’impression que la vie vaut la peine d’être vécue ou vouloir tout abandonner.

Un délicieux sentiment de libération. Les enfants qui atteignent un âge où ils peuvent s’éloigner de l’agresseur ont parfois l’impression d’avoir été libérés d’une cage. De nombreux jeunes adultes m’ont dit à quel point leur vie était meilleure depuis qu’ils et elles avaient échappé à sa toxicité. Comprendre son comportement est douloureux mais profondément libérateur. (Et les recherches indiquent que les enfants qui décodent le comportement de l’agresseur sont moins susceptibles de se retrouver eux-mêmes dans des relations agressives plus tard – ce qui est logique quand on y pense.)

Se rapprocher de sa mère et de ses frères et sœurs. Les agresseurs provoquent chroniquement des tensions et des distances dans les relations des enfants avec leur mère et entre eux. Le fait de s’éloigner de lui permet à ces relations de se rétablir. Comprendre qu’il est responsable à 100% de ses actes – « maman n’est pas à l’origine de son comportement, ni les enfants » – permet aux membres de la famille de cesser de se blâmer les uns les autres et de se blâmer eux-mêmes. De longues conversations peuvent révéler des façons dont vous étiez tous préparés à penser du mal les uns des autres ; l’agresseur travaillait en coulisse pour semer la division par ses mensonges et ses manipulations. Le fait de travailler sur ces questions peut apporter un délicieux sentiment de renaissance.

Lundy Bancroft

Version originale : https://lundybancroft.com/kids-who-see-through-the-abuser/

Traduction : TRADFEM

https://tradfem.wordpress.com/2021/12/05/les-enfants-de-la-violence-conjugale-ne-sont-pas-dupes-de-lagresseur-lundy-bancroft/

Adresse e-mail :

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Sur le même thème : Le mouvement des femmes dans le monde

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...