Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Politique québécoise

Les salariés québécois, gras dur ?

IQT, Zellers, Electrolux : qu’attend le gouvernement pour mieux protéger les travailleurs ? Quand le seul recours dont dispose un gouvernement face à des entreprises voyous, c’est d’envoyer un huissier pour collecter les subventions qu’il a lui-même versées sans exiger aucune garantie en retour, nous avons collectivement un gros problème.

J’entends déjà mes amis de l’ancienne et de la nouvelle droite confondues s’offusquer, mais peu importe, il faut tirer quelques leçons des récents événements liés au comportement inacceptable d’employeurs sans scrupules, des comportements, faut-il le rappeler, qui ont laissé nos gouvernements bien impuissants. Pourquoi ? Parce que nos lois du travail, supposément si généreuses, sont somme toute bien insuffisantes face à la nouvelle réalité d’un marché mondialisé, régulé par des accords de commerce transnationaux et des clauses antiprotectionnisme.

IQT, Zellers, Electrolux : qu’attend le gouvernement pour mieux protéger les travailleurs ? Quand le seul recours dont dispose un gouvernement face à des entreprises voyous, c’est d’envoyer un huissier pour collecter les subventions qu’il a lui-même versées sans exiger aucune garantie en retour, nous avons collectivement un gros problème.

Lois inadéquates

Il faut avoir travaillé de nombreuses années à défendre les droits des travailleurs et travailleuses pour savoir combien les lois du travail ne les protègent pas tant que ça. En fait, il y a deux problèmes : celui de l’application des lois existantes, comme la Loi sur les normes du travail, surtout pour les non-syndiqués. Certes, elle prévoit des recours, mais quels sont les délais réalistes avant d’obtenir un règlement ? Et la course à obstacles pour y arriver peut durer des mois, voire des années. Pendant ce temps, ces travailleurs doivent continuer à payer leur loyer et faire manger leurs familles, tout en se cherchant un nouvel emploi.

Puis il y a la question de mettre des dents à certains programmes destinés aux entreprises, comme d’exiger des garanties quant au maintien des emplois. Je sais que les gouvernements sont réticents à poser de telles conditions, craignant de faire fuir ces entreprises vers d’autres juridictions plus tolérantes. Mais il faut se demander si ça vaut la peine d’utiliser l’argent de nos taxes pour soutenir des entreprises cow-boys qui ne resteront ici que le temps de pomper le maximum pour ensuite aller répéter l’exercice ailleurs.

Nous devons revoir nos façons de faire et trouver un nouvel équilibre pour éviter de financer les voyous et garder les entreprises respectueuses de leur main-d’oeuvre. Cela voudra dire faire des choix parfois douloureux, mais qui éviteront des fermetures sauvages où d’innocentes victimes se retrouvent à la rue sans recours.

Le véritable atout

En ces temps de mondialisation, le principal atout stratégique d’un pays, c’est sa main-d’oeuvre, dont on exige qu’elle soit qualifiée et à la fine pointe du perfectionnement. Le Québec est d’ailleurs reconnu dans plusieurs secteurs pour la qualité de sa main-d’oeuvre. À quand une qualification sociale pour les employeurs, préalable à l’octroi de soutien gouvernemental, assortie de sanctions sévères et proportionnelles à la faute, en cas de non-respect d’un plancher d’emplois convenu ? Voilà qui aurait peut-être fait réfléchir IQT ou fait en sorte que le gouvernement ne lui offre pas de soutien financier.

Il faut sortir de la logique que les gouvernements sont impuissants face aux diktats des grandes sociétés. Tant qu’ils les appuient par des mesures de soutien, ils ont un mot à dire. Mais pour éviter de faire monter les enchères entre les États à savoir qui leur déroulera le plus long tapis rouge, il y a urgence à négocier des clauses de protection des emplois dans les accords internationaux.

Nous avons manqué le bateau des clauses sociales à l’époque, avec l’ALÉNA, mais ce n’est pas une fatalité inéluctable. Les récents événements devraient inciter nos gouvernements à porter sans plus tarder ces enjeux aux tables de négociation de ces traités internationaux de commerce.

Avoir le courage politique d’intervenir

Il faut aussi procéder au resserrement de certaines de nos lois et programmes rendus inopérants par la globalisation des marchés. Par la suite, il faudra s’assurer que nos politiciens aient le courage politique de les appliquer. Car si je me fie au récent dossier de Shell, ce n’est pas toujours aussi simple.

La ministre des Ressources naturelles détient le pouvoir prévu par la Loi sur les produits pétroliers d’empêcher le démantèlement de la raffinerie au nom de la protection de la sécurité des approvisionnements pétroliers. Malheureusement, elle a cédé aux pressions de la pétrolière et a accordé le permis de démolition, alors qu’elle dispose d’une poignée législative très forte prévue justement pour éviter de telles fermetures. L’existence de cette protection législative ne règle pas tout, mais elle permet au moins aux travailleurs de contester cette décision devant les tribunaux, s’ils en ont les moyens.

Quoi qu’il en soit, tant que les États, y compris celui du Québec, ne se donneront pas de véritables outils assortis de moyens coercitifs conséquents pour policer les entreprises face à la protection des emplois, non seulement les travailleurs ne seront pas gras dur, mais tous les Québécois feront dur face aux Walmart, Zellers, McDonald’s, IQT, Shell et Electrolux de ce monde !

Jean-Claude Rocheleau - Syndicaliste, ex-président et conseiller du Syndicat des travailleurs de Shell (SCEP-FTQ)

Jean-Claude Rocheleau

Syndicaliste, ex-président et conseiller du Syndicat des travailleurs de Shell (SCEP-FTQ)

Sur le même thème : Politique québécoise

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...