Introduction
Le gouvernement de Donald Trump vise à imposer une série d’orientations au gouvernement canadien et menace directement l’économie canadienne avec ses tarifs douaniers. Parmi ces orientations, il appelle au développement des hydrocarbures. La crise écologique se poursuit de plus belle avec la fin de la taxe carbone au Canada et la perspective de la construction d’un pipeline vers l’est. Les territoires autochtones sont de plus en plus convoités dans le but d’exploiter leur l’eau, d’augmenter la production d’électricité ou pour l’implantation des éoliennes. Le gouvernement canadien a répondu positivement aux pressions qui lui sont faites et visant à lui imposer une politique migratoire de plus en plus restrictive. Il a également promis d’augmenter ses dépenses militaires, comme le souhaite le gouvernement Trump. Et pendant que ce dernier promulgue des mesures discriminatoires, les violences faites aux femmes et particulièrement aux femmes autochtones ne cessent d’augmenter.
« Dans ce si beau pays », les prochaines élections fédérales permettront de discuter de tous ces enjeux sociaux, économiques et écologiques. Le projet de vassalisation de la société canadienne et de la société québécoise par l’impérialisme trumpiste ne pourra être renversé que par une convergence des luttes sociales portées par les différents secteurs de la majorité populaire, au Québec comme au Canada. Identifier les moyens de cette résistance sociale et politique est une tâche essentielle. Mais nous devons également nous poser la question : pour qui voter aux prochaines élections fédérales ? Faut-il voter stratégiquement, voter même minoritaire ou s’abstenir ?
Presse-toi à gauche tient à apporter sa contribution à ces débats.
1. Le Canada un État impérialiste
Les différents premiers ministres libéraux parlent du Canada comme d’un pays démocratique, inclusif et promouvant la liberté et les droits sociaux. C’est vrai que comparativement à bien des pays dans le monde, le Canada fait bonne figure. Mais il faut rappeler que les gains sociaux obtenus ont été arrachés par des luttes sociales menées tout au long de l’histoire canadienne.
Soyons clair : le Canada est un pays impérialiste, colonisateur et extractiviste.
Ne parler que de ces acquis sociaux, c’est passer à côté de la vraie nature de l’État fédéral comme état colonisateur. Encore aujourd’hui et malgré les grandes réconciliations de Justin Trudeau, les Nations Autochtones, et ce d’un océan à l’autre, vivent pour la plupart dans des réserves en négation de leurs territoires et dans la pauvreté faute d’emplois. Les femmes autochtones font davantage l’objet de féminicides et les membres des premières nations sont surreprésentés dans les prisons canadiennes. Est-ce cela un si beau pays ?
L’état canadien est un état extractiviste et pétrolifère. C’est un paradis fiscal pour les entreprises extractivistes à travers le monde. Il participe de l’expansion impérialiste mondiale en prenant place dans la division internationale des pays du G7 et de l’OTAN. C’est le gouvernement Harper qui a accordé aux multinationales du secteur minier les avantages fiscaux dont elles bénéficient aujourd’hui en permettant leur inscription comme entreprise au Canada. L’État fédéral est aussi un état favorisant les entreprises d’énergie fossile. Il est allé jusqu’à acheter un pipeline pour sortir le pétrole sale des prairies et il continue de subventionner grassement les entreprises du capital fossile. Face aux menaces du gouvernement Trump concernant les tarifs douaniers sur le pétrole, le gouvernement canadien et l’actuel premier ministre Carney ont relancé l’idée de construire des pipelines vers l’est tout en étant au fait de la désapprobation sociale à de tels projets.
Comme pays impérialiste, colonisateur et extractiviste, le Canada s’est enligné sur les politiques néolibérales du G7, et de l’OTAN. Les politiques keynésiennes appliquées durant la Covid et le règne de Justin Trudeau ne doivent pas cacher toutes celles mises en place afin de favoriser le grand capital. Le Canada a appliqué les différentes politiques néolibérales des pays capitalistes avancés soit : la limitation des droits syndicaux avec l’arrêt des grèves ferroviaires, postales et portuaire, les limitations apportées aux demandes d’immigration et le favoritisme envers les grandes entreprises, particulièrement pétrolières. Il faut voir aussi que l’application des mesures néolibérales ont accru les inégalités sociales. Pendant que les promoteurs immobiliers remplissaient leurs poches, les secteurs les plus fragiles de la population subissaient des hausses de loyer et la crise du logement qui en découlait. Pendant que les riches voyaient leurs profits augmenter, les travailleurs et les travailleuses, en particulier celles et ceux recevant le salaire minimum ou à employé-es à temps partiel, réussissaient de plus en plus difficilement à boucler leur budget. N’oublions pas que, comme les femmes sont d’abord considérées comme des ménagères et principales agentes du care, elles subissent les casse-têtes de fin de mois et voient leur situation empirer.
Le Canada prend aussi l’initiative de réarmer massivement l’armée. Les menaces du gouvernement Trump motivent celui de Carney à se tourner vers des intérêts européens pour se plier aux exigences des impérialismes en augmentant le budget attribué à l’armement. Des milliards de dollars, qui seraient pourtant nécessaires afin de mettre à jour nos infrastructures (école, hôpitaux, routes, etc.), seront détournés vers des fabricants d’armes pour satisfaire les intérêts impérialistes.
C’est en analysant ces constats qu’il faut voir le Canada. Et ce sont les premiers éléments à mettre au centre de la discussion pour établir quelle est la vraie nature de l’état canadien en cette période électorale.
Il faut construire la convergence des luttes pour s’opposer tant aux diktats de la présidence américaine qu’à la volonté d’accommodements des partis néolibéraux.
S’opposer au nouveau cours de l’impérialisme américain impulsé par Donald Trump par le seul biais de la réponse aux tarifs qu’il dit vouloir imposer, c’est refuser de voir l’ensemble des objectifs poursuivis par ce dernier. On en est alors réduits à une discussion sur les manœuvres diplomatiques ou les mesures de rétorsion sur le plan commercial. C’est l’ensemble du projet trumpiste de vassalisation auquel il faut s’attaquer. Cela ne peut être réalisé qu’à partir des luttes sociales, politiques et culturelles des classes ouvrières et populaires. Ces politiques doivent s’articuler autour de quatre axes :
1) un altermondialisme basé sur la planification écologique dans la lutte aux changements climatiques passant par une rupture avec le capitalisme fossile et privilégiant les circuits courts pour une série de biens stratégiques ;
2) la priorité accordée à la satisfaction des besoins sociaux par la défense des services sociaux dans une perspective d’égalité sociale ;
3) une lutte anti-patriarcale défendant l’égalité des hommes, des femmes et des personnes de la diversité sexuelle et de genre, une lutte antiraciste pour l’instauration d’une réelle égalité sociale ; une division internationale du travail en coopératives ;
4) une indépendance du Québec en alliance avec les classes ouvrières et populaires du ROC et les nations autochtones et faisant du Québec une terre d’accueil pour les migrations appelées à se développer.
Pour qui voter dans le contexte actuel de crise ?
• Encore, toujours en lutte
Les différents partis politiques canadiens ont endossé l’application des mesures néolibérales et ne remettent en question ni l‘impérialisme, ni le colonialisme, ni l’extractivisme de l’État canadien. La gauche n’a donc aucune voix au parlement pour porter son message de contestation. Les mobilisations ouvrières contre le droit de grève, les manifestations contre le droit à l’avortement, les actions pour protéger la terre et le climat demeurent encore les seuls chemins utilisés pour faire connaître les idées progressistes. Ces actions doivent continuer, voire s’amplifier en période électorale. Les mobilisations des Mères au Front partout au Québec pour le 8 mars et les actions prévues pour la Marche Mondiale des femmes en 2025 tracent déjà une voie ; celle des prises de conscience et des luttes locales interreliées et en solidarité internationale.
• Le Parti Conservateur
Le Parti Conservateur se situe clairement à droite et flirte avec les politiques d’extrême droite du gouvernement de Trump. Ce parti a créé des liens forts avec des couches suprémacistes et religieuses. Souvenons-nous que durant le convoi des camionneurs avec des antivaccins, des complotistes et des militants et militantes d’extrême droite, des personnes députées du Parti Conservateur ont apporté leur soutien et visité les lieux.
Le Parti Conservateur refuse totalement de développer des politiques sociales en soutenant les services en garderie et en soins dentaires qui caractérisent ce discours. Ce parti, s’il accède au pouvoir, promet d’abolir la loi sur l’assurance médicaments. Il ne fait pas mention de la crise du logement et, conséquemment, n’a pas de proposition pour la régler.
Les droits des femmes et des personnes LGBTQ+ sont aussi remis en question par le chef quand il parle de ne reconnaître que deux sexes et le modèle de famille traditionnelle. Le droit à l’avortement dans ce contexte devient facilement remis en question, de même que le mariage pour les personnes de même sexe.
Les personnes immigrantes demeurent aussi une cible. Le Parti Conservateur appuie les mesures de restriction à l’accueil des personnes immigrantes. Il défend le resserrement et le blocage des frontières.
Ce flirt avec le trumpisme implique une vision climato-sceptique, favorable aux multinationales et antisyndicale. La fin de la taxe carbone, l’abolition de la taxe sur les gains de capitaux et l’accord avec des mesure de Right to work (permettre à des gens de se désyndicaliser tout en gardant les droits de convention collective ) remettent en cause la Formule Rand.
Au niveau international, sous les pressions de sa frange religieuse, ce parti apporte son soutien indéfectible à Israël et à ses politiques génocidaires.
Poilievre, avec ses différentes publicités très revanchardes et ses propos proches des fakes news montre bien ses accointances avec les républicains américains et le trumpisme. L’importance mise sur la famille dans ses publicités illustre le côté traditionnel de ce parti. Trump I reste pour ce parti un exemple à suivre. Mais Trump II, avec le bouleversement mondial du partage du monde qu’il provoque, met à mal le Parti Conservateur. Le rejet de Polievre par le président Trump semble aller dans ce sens. Mais, rapidement, l’équipe conservatrice de Polievre a repris le flambeau en arguant qu’il est une force face aux Américains et que cela explique le rejet de leur chef par Trump. La campagne électorale devrait nous montrer les adaptations de Poilievre devant les pressions des Américains. Pour le parti Conservateur, l’enjeu demeure et l’image publique devient de plus en plus difficile à fabriquer : comment être d’accord avec la doctrine trumpiste tout en voulant lutter contre les attaques du gouvernement américain au Canada ?
Mais soyons clairs et résumons, le Parti Conservateur défend une philosophie d’extrême droite raciste et misogyne.
• Le Parti Libéral
Le Parti libéral, sous Justin Trudeau et durant la période Covid, a défendu des politiques plus keynésiennes. Nous devons l’adoption de ces mesures plus progressistes aux pressions du Nouveau Parti Démocratique qui a permis au gouvernement libéral minoritaire de poursuivre son travail. Mais c’est le gouvernement Trudeau qui a défendu les énergies fossiles et qui a limité l’immigration. C’est aussi le gouvernement Trudeau qui s’est aligné avec tous les pays du G20 pour soutenir Israël, retardant même le moment de parler de génocide. Marc Carney, en tant que nouveau chef du parti, a rapidement pris position sur l’abolition de la taxe carbone et la baisse de l’imposition des gains en capitaux. Le Parti libéral de Carney prend une direction clairement plus à droite que sous Justin Trudeau et rejoint ainsi certaines des demandes du Parti Conservateur, sous prétexte justement de se démarquer des politiques de Justin Trudeau. En fait, les secteurs de la bourgeoisie qui appuient le Parti Libéral du Canada demandent un tournant vers des politiques néolibérales plus strictes.
Nous pouvons déjà comprendre que le Parti Libéral va continuer, comme il l’a toujours fait, d’appliquer des politiques néolibérales, pétrolifères et extractivistes et cherchera des arrangements avec Washington. Compter sur un tel parti pour défendre les intérêts de la majorité populaire, c’est se préparer à des lendemains difficiles.
• Le Bloc Québécois
Le Bloc Québécois tente de garder une image de balance entre le Parti Conservateur et le Parti Libéral pour l’application des politiques néolibérales. Sous prétexte de défendre les droits du Québec, il a fait de la question de la loi 21 son cheval de bataille, prétextant que la défense de l’identité québécoise devait passer par le resserrement du nombre de personnes immigrantes et la fermeture des frontières. Ses politiques identitaires sont copiées sur celle du Parti Québécois et de la Coalition Avenir Québec.
Pour toutes ces raisons, les positions du Bloc Québécois le classent carrément à droite de l’échiquier politique.
• Le Parti Vert
Le Parti Vert défend très timidement les revendications écologiques. « Son plan vert promet : de cesser de donner de l’argent public aux compagnies pétrolières et gazières en l’investissant plutôt dans les énergies propres ; de tenir les grands pollueurs responsables des dommages climatiques qu’ils causent ; de créer des limites strictes et fondées sur la science pour la pollution totale du Canada ; d’obliger les compagnies à prouver qu’elles ont des plans réels pour faire face aux risques climatiques »(Site du Parti vert du Canada). Mais, il affirme également laisser libre cours aux investissements privés et au développement du capitalisme vert.
Si un vote pour ce parti peut exprimer une résistance au capital fossile et aux partis politiques à son service, il ne peut cependant constituer une alternative véritable.
• Le Nouveau Parti Démocratique
Quant au Nouveau Parti Démocratique, son appui au Parti Libéral l’a transformé en cinquième roue du carrosse du gouvernement Trudeau. S’il a bel et bien obtenu des concessions dont le PLC s’est attribué tous les mérites, il a miné sa pertinence comme alternative politique véritable. Ce parti demeure cependant à la défense des minorités et des droits des travailleuses et des travailleurs. Il parle peu par contre des droits des femmes et de l’écologie mais il garde des liens avec le mouvement syndical pan canadien et avec les militants et militantes de la société civile. Et ce parti se réclame toujours, dans son programme, de la sociale démocratie.
Soyons clair : un vote pour un tel parti, c’est un vote qui ne va pas aux grands partis du grand capital.
Dans ce contexte que doit défendre la gauche ?
Presse-toi à gauche, pour sa part, rejette l’appui au Parti conservateur de Poilievre, au Parti Libéral de Carney et au Bloc Québécois de Blanchet ainsi que celui au Parti Vert.
Certains militants et militantes progressistes parlent de voter Carney contre le danger d’une victoire de l’extrême droite que représente Polievre. Ce choix peut sembler une solution d’urgence face à l’extrême droite du Parti Conservateur mais en fait, c’est jouer sur l’alternative entre deux droites. Nous devons rappeler aux secteurs du mouvement syndical qui s’orientent vers le PLC dans une démarche inspirée du faux pragmatisme, que ce parti a brimé systématiquement le droit de grève et qu’il promet d’approfondir son virage à droite. Presse-toi à gauche considère que cette position va avoir comme conséquence une méséducation de la population. Avec le vote stratégique, il faut toujours voter pour le moindre mal en mettant sous le tapis la défense réelle des intérêts de la majorité populaire.
Presse-toi à gauche défend l’importance et l’urgence des mobilisations et des actions. Prendre la rue demeure essentiel pour faire connaître nos revendications et nos valeurs progressistes de tolérance et d’équité, de partage de la richesse, de protection de la terre et de mise en place d’un réel projet de société en finissant une fois pour toutes avec le capitalisme, le patriarcat, les guerres, les génocides et l’exploitation de la terre.
En cette période électorale actuelle, il faudra rester vigilant et vigilante sur plusieurs enjeux :
– l’austérité, la crise du logement
– la protection de la terre incluant le retrait des énergies fossiles, la décroissance économique et l’élargissement du transport collectif
– les droits des travailleuses et travailleurs et l’accès à un vrai régime d’assurance chômage
– l’accueil des personnes immigrantes et la lutte contre le racisme et le profilage racial
– la défense des droits des personnes autochtones et des premiers peuples
– les acquis du mouvement des femmes
– le droit à une information juste, y compris en région, et la lutte contre les fake news
– la lutte contre la privatisation de tous les services publics
– le partage de la richesse contre les évasions fiscales
Dans le contexte actuel, certains et certaines appelleront à une abstention électorale. Aucune voix ne serait donc en mesure de faire entendre leurs revendications au Parlement.
Pour cela, Presse-toi à gauche favorise plutôt un vote pour le Nouveau Parti Démocratique. Malgré ses faiblesses, il continue de représenter des idées de gauche et tient à développer des liens avec le mouvement ouvrier, entre autres.
La gauche québécoise doit débattre. L’attitude à développer n’est ni de se mettre la tête dans le sable, ni de garder le silence, ni de faire comme si de rien n’était pour cacher un vote stratégique qui va à l’encontre de nos valeurs et de nos aspirations.
Presse-toi à gauche invite son lectorat à contribuer au débat en lui faisant parvenir des contributions. Nous publions à cet effet une nouvelle chronique portant sur les élections fédérales au Canada. Nous aimerions vous voir exprimer vos choix électoraux et les raisons qui sous-tendent ces choix.
Quelle couverture de la campagne ?
Outre la publication des contributions de nos lectrices et lecteurs, notre intention est de faire également état des prises de position des organisations syndicales, féministes, écologistes et populaires. Nous ferons écho aux études et analyses fournies par divers organismes afin d’éclairer certains angles des débats. Nous rendrons disponible en français des contributions de la gauche canadienne-anglaise. Nous publierons des éditoriaux selon les dynamiques que créera la campagne. Nous souhaitons que notre couverture soit la plus complète possible et permette d’analyser les enjeux en fonction des conséquences qu’ils auront pour les classes populaires.
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