L’arrivée de Mark Carney à la tête du gouvernement ne saurait masquer la progression fulgurante du Parti conservateur, qui a su capter un large vote de protestation venant de tous les milieux sociaux. Elle ne saurait non plus occulter l’effondrement de l’électorat progressiste, en grande partie absorbé par les libéraux, laissant le NPD presque exsangue.
La stratégie de la peur, axée sur la menace d’un retour du trumpisme, n’a fonctionné qu’en partie. Certes, elle a permis de relancer un Parti libéral en déclin, mais elle n’a pas suffi à garantir une majorité parlementaire. Mark Carney devra maintenant gouverner sans majorité, contraint de négocier à la fois avec sa droite et avec sa gauche. Pendant ce temps, la moitié du pays a résisté à cette stratégie de la peur, et a consolidé le Parti conservateur — un parti qui, loin de se distancier de Donald Trump, semble en partager plusieurs visions.
L’écart entre les deux grands partis ne dépasse pas 400 000 voix. Le fait que le mécontentement social se soit dirigé vers le Parti conservateur, plutôt que vers le NPD, est un signal profondément préoccupant. Cette élection semble avoir été tranchée entre ceux qui ont voté libéral par peur, et ceux qui ont voté conservateur par colère. Mais une question essentielle demeure : où était le vote d’espoir ?
Aucun des deux grands partis n’a proposé une vision véritablement transformatrice du pays. Tous deux ont opté pour une approche conservatrice, en l’absence d’un horizon de changement clair : un Canada plus ouvert, plus juste, plus inclusif, plus humain, plus écologique et plus intelligent. Le NPD et le Parti vert, quant à eux, n’ont pas su construire un discours autonome et percutant, capable de remettre en question la narration dominante — une narration qui, même dans sa version la plus « modérée », reste façonnée par un centre politique toujours plus influencé par la droite.
Il faut toutefois saluer certains gestes courageux. Jagmeet Singh a été l’un des rares dirigeants politiques à avoir qualifié de génocide ce qui se passe à Gaza, et à soutenir ouvertement les mobilisations en faveur de la Palestine. Ce geste restera dans les mémoires. C’est peut-être là que réside la graine d’un NPD renouvelé : plus audacieux, plus cohérent, et davantage connecté aux personnes exclues du système politique actuel.
Car on ne transforme pas la société en imitant les gestes et le langage du centre — un centre qui, dans les sociétés capitalistes, penche presque toujours vers la droite. On la transforme en élargissant les frontières du débat, en intégrant celles et ceux que ce centre a historiquement laissés de côté. C’est à cette condition seulement qu’un véritable espace politique porteur d’espoir pourra émerger.
Manuel Tapial
Membre du Conseil d’administration de Palestine Vivra
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