La situation actuelle
Mais au Québec, les travailleurs et les travailleuses non syndiqué.e.s n’ont en pratique (contrairement à la lettre de la loi) aucun droit de participer à la prévention des maladies et des accidents du travail.
En pratique, les travailleurs et les travailleuses non syndiqué.e.s ne peuvent exercer même un droit de prévention aussi fondamental que le refus d’effectuer un travail dangereux. Même lorsqu’ils et elles connaissent ce droit – ce qui est plutôt rare chez les travailleurs et travailleuses non syndiqué.e.s – leur crainte de représailles les dissuade de l’utiliser. Selon les donnée de la CNÉEST, seulement 10% des refus sont exercés par des travailleurs et travailleuses non syndiqué.e.s.
Selon la règlement, les travailleurs et travailleuses des établissements de 20 employé.e.s et plus doivent se réunir en assemblée pour élire leurs représentant.e.s à un comité paritaire de santé et de sécurité, ainsi que leur représentant.e de santé-sécurité.
Interrogée sur la manière dont la CNÉEST veillera à ce que les employeur.e.s facilitent l’assemblée des travailleurs et travailleuses, comme le prescrit le règlement, la présidente de la CNÉEST a informé le CTTI, dans une lettre datée du 18 mai 2022, que « La LSST établit notamment les mécanismes de participation des travailleurs et de leurs associations, ainsi que des employeurs et de leurs associations. Dans cet esprit, la CNÉESST encourage les employeurs à faciliter cette désignation, quant au lieu et au temps nécessaire, et nous comptons sur leur collaboration habituelle. »
Cette réponse est le comble du cynisme (ou pire). En fait, le CNÉEST n’informe même pas les employeur.e.s de leur responsabilité légale de faciliter une assemblée électorale. Et elle ne recueille pas non plus de statistiques sur l’application du règlement.
Dans les rares lieux de travail non syndiqués où existent des comités paritaires, les candidat.e.s des travailleurs et travailleuses à l’élection sont présélectionné.e.s par la direction et l’élection se déroule sans assemblée ni discussion, comme l’exige la réglementation, mais par iPhone et code QR ou autre moyen similaire. Les « représentant.e.s » des travailleurs et travailleuses ainsi « élu.e.s » ne disposent pas de temps libre pour préparer leur propre ordre du jour des réunions des comités paritaires. Ces réunions sont dominées par la direction.
Et les inspecteur.e.s de la CNÉEST, interpellé.e.s par les travailleurs et travailleuses concernant l’absence de véritables représentants en matière de prévention, acceptent ces pratiques, sans même prendre la peine de s’entretenir avec les travailleurs et travailleuses ayant porté plainte.
Après des demandes répétées depuis plusieurs mois par quatre organisations de défense des travailleurs et travailleuses non syndiqué.e.s (CTTI, RATTMAC, CIAFT, UTTAM), le ministre du Travail a finalement signé un décret autorisant la CNÉEST à financer la formation des travailleurs et travailleuses non syndiqué.e.s à la prévention. (Les syndicats bénéficient de ce financement depuis des décennies.)
Mais des questions demeurent :
– Qui est-ce que ces organisations formeront et à quoi servira cette formation, alors que les travailleurs et travailleuses non syndiqué.e.s n’ont pas de véritables représentant.e.s en santé et sécurité ?
– Que feront les travailleurs et travailleuses que nous formons à la prévention à leur retour au travail, puisqu’en pratique, ils et elles n’ont aucun droit de participer à la prévention ?
Cette situation appelle une campagne politique pour contraindre la CNÉEST à défendre activement et sérieusement les droits à la prévention des travailleurs et travailleuses non syndiqué.e.s. Cela seul donnerait un sens à la formation des travailleurs et travailleuses non syndiqué.e.s à la prévention.
L’organisation d’une telle campagne devrait être notre revendication commune aux syndicats lors du sommet.
Et dans le cadre de cette campagne visant à faire respecter le droit des travailleurs et travailleuses non syndiqué.e.s à participer à la prévention, les représentant.e.s du mouvement syndical siégeant au conseil d’administration du CNÉEST et dans ses différents sous-comités doivent exiger :
—que la CNÉEST mandate ses inspecteur.e.s pour faire activement respecter le droit des travailleurs et travailleuses non syndiqué.e.s à la prévention
—que la CNÉEST informe systématiquement les employeur.e.s de leur obligation légale de garantir une participation effective des travailleurs et travailleuses à la prévention
-que les inspecteur.e.s de la CNÉEST veillent à l’application du droit des travailleurs et travailleuses non syndiqués à participer à la prévention
– la création d’un bureau indépendant, financé par les fonds de la CNÉSST, qui offrirait des services de représentation en prévention pour aider les non-syndiqué.e.s à s’organiser pour mettre en œuvre les mécanismes de prévention et pour les représenter en cas de sanction.
Encore sur l’importance de la participation des travailleurs et travailleuses à la prévention des accidents et des maladies professionnelles
De nombreuses études menées dans le monde entier ont démontré le rôle de la participation des travailleurs et travailleuses à la prévention dans la réduction significative de l’incidence des accidents et des maladies professionnelles.
Mais au-delà des bénéfices directs pour la santé, la participation des travailleurs et travailleuses à la prévention cultive leur sens de la dignité humaine : ils et elles ne sont plus des « esclaves salarié.e.s », mais des citoyen.ne.s à part entier — cela même au travail. L’histoire montre le rôle important que joue le sens de la dignité humaine dans les luttes populaires importantes.
La participation à la prévention cultive chez les travailleurs et travailleuses une attitude active envers leurs conditions de travail. Elle cultive la conscience qu’ils et elles peuvent les influencer. Or, les conditions de travail ont continué de se dégrader, cela malgré les progrès rapides de la mécanisation, de l’informatisation et la croissance concomitante de la productivité du travail.
Au CTTI, nous parlons d’organiser les travailleurs et travailleuses. Mais l’essentiel de notre action consiste à agir pour eux et elles et à traiter leurs dossiers individuels et collectifs. Faire respecter le droit des travailleurs et travailleuses non syndiqué.e.s à participer à la prévention constituerait une étape importante vers une véritable organisation de ces travailleurs et travailleuses. Cela donnerait un véritable sens à leur formation en prévention.
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