Édition du 12 novembre 2024

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Chili

Salvador Allende Le médecin qui devint Président

L’Association des Chiliens du Québec a été fondée pas des réfugiés politiques. Parmi ceux-ci, certains ont subi la torture. Cette association organise actuellement un cycle d’expositions et films du 7 au 22 septembre dans plusieurs sites de la ville de Montréal. L’occasion est spéciale : le 50e anniversaire du coup d’état au Chili et la mort du Présidente Salvador Allende, le 11 septembre 1973.

À l’époque j’étais âgé de 5 ans. J’habitais en Italie. Mes parents avaient accueilli des réfugiés chiliens. Ils étaient des artistes, ou mieux des muralistes, avec des longs cheveux, des visages avec les traits d’une jeunesse, qui malgré tout, était encore souriante et vivante.

Allende est né en 1908. Ancien médecin, il a été co-fondateur en 1933 du Parti Socialiste du Chili. Sa présidence est renversée par un coup d’état militaire mené par Augusto Pinochet. Le projet fut planifié et soutenu par Richard Nixon et Henry Kissinger afin d’arrêter l’avancée du socialisme en Amérique Latine.

Sous les bombes des aviateurs putschistes, Allende tente une dernière résistance désespérée, portant un casque de soldat et muni d’un fusil qui lui avait été offert par Fidel Castro.

La répression des militaires fut féroce. Elle commence soudainement au stade national, qui sert de prison à ciel ouvert pour 40 000 personnes et dans des camps de concentration organisés à la hâte. Dans le stade, se trouve aussi le célèbre chansonnier Victor Jara, qui fut d’abord torturé, puis, a eu les doigts coupés à la hache pour l’empêcher de continuer à jouer de la guitare pendant sa détention. Enfin, il fut exécuté. Ce coup d’état fut un choc pour toutes les démocraties du monde.

Encore aujourd’hui, on se demande pourquoi l’armée, du simple soldat à l’officier, s’est livrée à tant de barbaries, torturant et tuant des adolescents et des femmes (même enceintes). Aussi, des ouvriers, des ainés, des ministres et des officiers fidèles à Allende, parmi lesquels on compte les généraux Carlos Parts, Sergio Poblete et Alberto Bachelet. Celui-ci fut torturé comme sa fille Michelle, à l’époque âgée de 25 ans (qui un jour sera la Présidente du Chili) et de sa femme (l’anthropologue Angela Jeria). Un chagrin du plus pour Bachelet fut de voir que ses tortionnaires étaient des sous-officiers plus jeunes que lui, que lui-même avait formés et commandés.

Ce sadisme et cette férocité furent déclenchés par une idéologie nazi-fasciste, mais aussi par une sorte de racisme de classe, une haine contre la gauche et les prêtres catholiques qui soutenaient les pauvres, contre les coutumes des jeunes de l’époque, leur musique, ainsi que la poésie de Pablo Neruda, et un mépris pour les officiers loyaux à la constitution.

Allende retenait que le socialisme pouvait être construit pacifiquement et démocratiquement. Il était un romantique, très proche de la pensée socialiste des origines : libertaire, humaniste, communautaire. De ce point de vue, il divergeait des idées et méthodes de Fidel Castro, qui était pourtant son ami.

Au New York Times, Allende avait dit : "Pour vous, être communiste ou socialiste, c’est être totalitaire, pour moi, ce n’est pas ça .... Au contraire, je crois que le socialisme libère l’homme “

Entre les années 60 et 80, dans le climat de la guerre froide, un mélange d’intérêts politiques convergent dans un seul et même but : « arrêter les reformes socialistes ou progressistes ». On parle de mouvements néofascistes, de la CIA, de la Mafia (italienne et américaine), des militaires réactionnaires, du grand capital. On assiste à une longue file de violents renversements, je cite juste : le coup d’état en Grèce en 1967, qui fut précédé par l’assassinat du leader socialiste Grigóris Lambrákis (que Yves Montand, lui aussi socialiste, interprète dans le célèbre film Z de Costas Gavas), l’assassinat en 1968 du liberal Bob Kennedy (d’ailleurs pas de tout socialiste), la terrible dictature argentine en 1975, et l’assassinat en 1986 du premier ministre de Suède, le social-démocrate Olof Palme (qui pourtant était anti-communiste). Toutes ces actions, ont eu comme résultat final, celui de redimensionner énormément les ambitions des partis de gauche, avec la conséquence d’éteindre les aspirations des classes subalternes. Aujourd’hui , même le brésilien Ignacio Lula, qu’on peut considérer comme l’âme plus à gauche de la gauche internationale (et cela, sans déborder dans le populisme et l’autoritarisme de Maduro et Ortega), ne pourra jamais réaliser ni la social-démocratie non communiste envisagée par Olof Palme , ni un socialisme démocratique inspiré du marxisme comme le souhaitait Allende.

Quelques minutes avant de mourir, Allende avait prononcé à la radio son dernier et célèbre discours : « Le processus social ne va pas disparaître parce que disparaît un dirigeant (…) il ne pourra pas être arrêté [...] Travailleur de ma patrie (…) D’autres hommes dépasseront ces temps obscurs et amers, où la trahison prétend s’imposer. Allez de l’avant, sachant que tôt ou tard s’ouvriront les grandes avenues sur lesquelles passera l’homme libre pour construire une société meilleure ».

Allende reste une figure incontournable, inspirante et un martyr du socialisme, de la pensée humaniste et des droits et aspirations des travailleurs et des opprimés. Il nous a laissé en héritage aussi des exemples de l’émancipation des femmes : sa fille Isabel Allende Bussi, actuellement vice-présidente de l’Internationale Socialiste et sa nièce Isabel Allende, la célèbre écrivaine.

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