Édition du 23 avril 2024

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Afrique

Afrique 2022 : L’insoutenable fardeau de la dette

En fin mars 2020, le chef de l’État sénégalais, Macky Sall, lançait, à la « communauté internationale », un appel pour « une annulation de la dette publique et pour un rééchelonnement de la dette privée de l’Afrique » afin de permettre aux États africains de lutter contre la Covid-19, dont le premier cas africain s’était manifesté le mois précédent en Égypte. Il exposait presque ainsi au grand jour le retour de la dette comme fardeau pour les États africains, inégalement certes. Ce qui, évidemment, ne pouvait dater de l’arrivée de la Covid-19, mais l’avait effectivement précédée.

Tiré du site du CADTM.

Appel qui, mêlé à quelques autres, a relativement été entendu, de façon très atténuée, par la dite « communauté internationale ». Les solutions apportées à ce problème de la dette – principalement l’Initiative de suspension du service de la dette des pays dits les plus pauvres (ISSD), inspirée au Club de Paris (groupe informel d’États créanciers, principalement des puissances occidentales) et au G20 (groupe des 20 premières économies mondiales), par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international en avril 2020 – semblent plutôt, à son terme (fin 2021) avoir favorisé son alourdissement qu’un supposé allègement, contribuant ainsi à réduire davantage la probabilité de réaliser les objectifs du développement durable (ODD). Comme si, créanciers bilatéraux, multilatéraux et privés paraissent différemment déterminés à se servir encore de cet endettement critique comme une arme, par une quasi généralisation de la relance des « réformes structurelles » en Afrique subsaharienne, en cours avant la Covid-19.

« Africa Rising »

Jusqu’à l’arrivée de la pandémie de Covid-19, le 21e siècle était généralement présenté, par les fidèles de la religion de la croissance, comme celui de l’espoir pour l’Afrique, subsaharienne en l’occurrence, car la croissance du taux moyen du PIB [1] se situait au-dessus de la moyenne mondiale, autour de 5 % contre 3 %, pendant une bonne partie des deux premières décennies. Par exemple, de 2001 à 2012, des économies d’Afrique subsaharienne (Angola, Burkina Faso, Éthiopie, Ghana, Guinée équatoriale, Mozambique, Niger, Nigeria, Rwanda, Tchad) affichaient des taux de croissance parmi les plus élevés du monde. La Guinée équatoriale (entre 2001 et 2005) et l’Angola, économies pétrolières parvenant même à 20 % et plus ; le Ghana et le Niger nouvellement pétroliers sont passés respectivement de 8% en 2010 à 15 % en 2011, et de 2,3 % à 11,2 % de 2011 à 2012 ; grâce surtout à la production aurifère ayant ravalé la cotonnière au second rang, le Burkina Faso est passé pendant la même période, de 4,2 % à 10 %.

Ainsi, en 2010, le très influent cabinet de conseil McKinsey a parlé, sans grand écho en ce moment-là, de l’existence de « lions » économiques en Afrique, dont la « manne des matières premières ne peut à elle seule expliquer la croissance de l’Afrique. En fait, à peine 24 % de la hausse du PIB entre 2000 et 2008 ont été générés par le secteur des ressources naturelles. Le reste provient des secteurs tels que le commerce de gros et de détail, les transports, les télécommunications et l’industrie manufacturière […] les gouvernements ont réduit l’inflation, leurs dettes étrangères et leurs déficits budgétaires, jetant les bases d’une croissance plus saine [2] ». Assez répercutée, par contre, va être, la présentation de cette croissance africaine par The Economist (prestigieux journal pro-Capital) dans son numéro du 3 décembre 2011, ayant à la une « Africa Rising », parlant d’un continent ayant « une chance réelle de marcher sur les pas de l’Asie » [3], c’est-à-dire des« dragons » (Corée du Sud, Hong-Kong, Singapour, Taïwan), et« tigres » (Indonésie, Malaisie, Philippines, Thaïlande) du Sud-Est asiatique manifestant pendant les années 1980-1990 un dit« miracle asiatique », avec un taux de croissance moyen de 11 % à 8 % avant la« crise asiatique »(1997-1998), dont l’un des facteurs a été l’endettement.

Ainsi, après les« dragons » et « tigres » asiatiques, dont la crise avait assez affecté les laudateurs, c’était le tour des « lions » africains, ne jouant pas certes le rôle de moteur de l’économie mondiale ou n’étant pas considérés comme opérateurs de quelque “miracle africain”. Retentissante a été cette une, d’autant plus que celle du numéro du 13 mai 2000, de ce prestigieux journal, faisait dans l’afropessimisme : « The hopeless continent ». Se référant, d’une part, à l’Afrique des années 1980-1990, marquée aussi bien par les tumultes de la « démocratisation »/« ouverture démocratique » que par les conflits armés – ayant abouti à un génocide au Rwanda (1994), dans le contexte de la crise de la dette et du programme d’ajustement structurel au Rwanda et en Ouganda (principal pays d’accueil des exilé·e·s rwandais·es depuis des décennies, où se développait une rwandophobie…) –, les putschs militaires, la corruption, l’aggravation de la situation sociale des couches sociales populaires,urbaines comme rurales, etc. (même si la croissance moyenne du PIB dans la sous-région subsaharienne avait néanmoins« avoisiné 4 % par an sur la période de 1995-1997 et celle du PIB réel par habitant est devenue positive [4] »).

Des phénomènes qui n’étaient pas souvent dépourvus de lien avec la crise de la dette – généralisée, à quelques exceptions près, à l’instar du Botswana – et le supposé remède imposé par les institutions financières internationales (Banque mondiale, Fonds monétaire international), les programmes d’ajustement structurel néolibéral, s’avérant socialement très nocifs [5]. D’autre part, au possible supposé se dessiner alors :« Le nouveau millénaire a apporté plus de désastre que d’espoir à l’Afrique. Pire, les quelques lueurs d’espoir sont vacillantes [6] », était-il affirmé dans un article du The Economist de mai 2000. Ce qui a été relativement démenti par les statistiques des années suivantes, au cours desquelles le terme “développement” apparaissant comme menacé de ringardise par “émergence”, l’horizon de cette croissance continue devenait l’émergence – symbolisée mondialement par la Chine devenant une puissance capitaliste (mais se considérant encore “en développement”). D’ailleurs, certaines de ces économies seraient même, sans tambours ni trompettes, à considérer, en 2017, comme déjà émergentes (par ordre de performance : Maurice, Afrique du Sud, Seychelles, Botswana, Cap-Vert, Rwanda, Ghana, Namibie, São Tomé-et-Principe), selon l’Index de l’émergence en Afrique 2017 [7]. D’autres (Ouganda, Sénégal, Zambie, Tanzanie, Kenya, Gabon, Bénin, Malawi, Lesotho) étant alors au « seuil » de l’émergence, correspondant aux « préémergents » selon le FMI, par exemple [8].

La baisse des cours des ressources naturelles/matières premières exportées à partir de la mi-2014, un effet retardé de la crise déclenchée en 2007/2008 par les États-Unis et l’Europe occidentale, a fait reculer le taux moyen de croissance du PIB des pays subsahariens riches en ressources naturelles (hors Afrique du Sud et Nigéria) – plus affectés en toute logique que ceux dits« pauvres en ressources naturelles »,au PIB situé à 6,6% et 5,8 % – de 4,3 % en 2013 (la moyenne étant à 3,4 %) à 3,4 %, 2,5 % et 2 % (passant en deçà des moyennes mondiales de 3,5 %, 3,4 % et 3,1 %), successivement en 2014, 2015, 2016. Néanmoins, à la veille de la pandémie, il était revenu au-dessus de la moyenne mondiale. Selon le FMI, il« devrait se maintenir à 3,2 % en 2019 et s’accélérer à 3,6 % en 2020 » alors que « la croissance mondiale devrait s’élever de 3,0 % en 2019 à 3,4 % en 2020 » [9].

African Debt Rising Again

Cependant cetafro-optimismemaintenu, cette célébration entretenue de la croissance performante du PIB en Afrique subsaharienne a relativement couvert la sonnette d’alarme tirée sur une autre croissance en cours, celle du réendettement public. Alors qu’étaient sur le point de prendre fin les derniers traitements de la crise de la dette des années 1980-1990, à savoir l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) adoptée en 1996 et renforcée en 1999, puis l’Initiative d’allègement de la dette multilatérale (IADM) instaurée en 2005 (en complément de l’Initiative PPTE).

Elles consistaient à ramener à un niveau dit soutenable les dettes – dont le ratio aux recettes annuelles des exportations était de plus de 150 % –, bilatérales (détenues par des États, y compris la dite aide publique au développement et la dette commerciale garantie par l’État du créancier), multilatérales (détenues par les institutions financières internationales/multilatérales : la Banque mondiale, le FMI, et l’institution régionale africaine, la Banque africaine de développement) et privées (alors, les banques et les fonds d’investissements qui achetaient des titres de la dette souveraine) d’une trentaine d’États subsahariens, entre autres, de 2000 à 2015 [10].

En somme, un prolongement de l’ajustement structurel au néolibéralisme des années 1980-1990 : une réforme de l’économie capitaliste mondiale – coordonnée par les institutions financières internationales/multilatérales, principalement – imposant aux États surendettés – d’Afrique, d’Amérique dite latine, d’Asie, voire de l’ex-bloc soviétique – la réorganisation, la restructuration des économies, des sociétés – l’éducation et la santé étaient aussi concernées –, pour des conditions optimales d’accumulation du capital, de réalisation des profits par le secteur privé – dans le respect de sa hiérarchisation mondiale – devenant de facto le vrai souverain, ventriloque [11].

Alors orné d’un supposé souci de réduction de la pauvreté qu’avait aggravée les programmes d’ajustement structurel néolibéral, par des coupes claires dans les budgets dits sociaux (santé, éducation, emplois publics…). L’efficacité globale de cette« opération dépannage »(comme le disait Ernest Mandel du Plan Baker [12]– du nom de l’alors Secrétaire d’État au Trésor des États-Unis d’Amérique, des années 1985-1988 –, d’incitation des banques privées à prêter davantage aux États d’Amérique dite latine pataugeant dans la dette, mais ayant finalement échoué) de plus a été si limitée (un dépannage bricolé, car la panne est appelée à se reproduire quelque temps après, voire de façon aggravée)qu’elle a été critiquée, par exemple, comme« illusion ou arnaque » [13] ; le caractère structurel de l’endettement ayant été négligé dans la conception de l’initiative, prisonnière du paradigme favorisant l’endettement.

Ainsi, le nouvel endettement a été considéré comme« inéluctable malgré les allègements de dette réalisés dans le passé » [14]. Des États post-PPTE et post-IADM ont très vite participé au processus de réendettement des années 2010, non dépourvu d’indices inquiétants :« si les niveaux d’endettement actuels restent généralement très inférieurs à ceux précédant l’initiative, plusieurs pays se ré-endettent à un rythme très soutenu : par exemple, 13 ont vu leur dette publique extérieure croître de plus de 10 points du PIB dans les cinq dernières années [15] ».

Le nouvel endettement a été considéré commeinéluctable malgré les allègements de dette réalisés dans le passé

Un nouveau processus d’endettement sans grande originalité [16], car survenant après une crise de l’économie capitaliste, celle de 2007-2009, n’ayant presque pas frappé d’emblée les économies subsahariennes, mais qui s’y est néanmoins répercutée compte tenu, par exemple, de la grande dépendance budgétaire de nombre de celles-ci de l’exportation des ressources naturelles/matières premières vers les économies du centre capitaliste, épicentre de la crise. Comme dans la crise des années 1970, avec des pétrodollars à foison, les États d’Afrique subsaharienne, entre autres, dont le taux de croissance rassurait, se sont vus offrir la possibilité, entre autres par les fonds de pension et autres investisseurs institutionnels, de s’endetter à bas taux d’intérêt, qui seront par la suite relevés par les créanciers privés (ne se limitant plus aux banques, incluant aussi des fonds d’investissements…) quand les recettes seront affectées par la crise. L’importance de ces créanciers ira croissante, fixant les taux d’intérêt à la tête du client, telle que dessinée aussi par les agences de notation – des bullshit enterprises, pour parler comme l’anthropologue anarchiste David Graeber- jusqu’à 16 %.

Par exemple, le taux d’emprunt de l’Angola pétrolière aux créanciers privés s’est situé de 2010 à 2014 en moyenne à 4,32 %, de 2015 à 2019 à 5,86 % contre une moyenne sous-régionale de 1,55 % et 1,51 %. La Côte d’Ivoire a emprunté de 2017 à 2019 à un taux moyen de 5,33 % au privé contre 1,12 % aux créanciers bilatéraux et multilatéraux, le Ghana (devenu aussi pétrolier) à 6,83 % pendant la même période contre 1,78 % pour les créanciers bilatéraux et multilatéraux. Des taux assez élevées concernent aussi le Gabon, l’Éthiopie, le Kenya, Madagascar, la Zambie, l’Afrique du Sud le Nigeria, la Tanzanie et autres victimes de la main visiblement cupide du marché [17].

Le pouvoir de ces créanciers privés est une particularité de cette version mise à jour du principe de “s’endetter pour se développer”, promu par la Banque mondiale dans les années 1970, devenu en quelque sorte “s’endetter pour émerger”.

La Chine principale créancière ?

Autre particularité de la période, l’existence des puissances économiques émergentes dont la demande par certains des ressources naturelles/matières premières a amorti, dans la sous-région subsaharienne, le choc de la baisse de la demande des puissances économiques traditionnelles en crise, suivie d’une baisse des prix de ces produits de base.

Puissances émergentes étant par ailleurs des créancières et la Chine la principale d’entre elles. Sa boulimie des ressources naturelles, s’accompagnant d’une « générosité » créancière – par abondance de liquidités –, au nom aussi d’une supposée solidarité Sud-Sud pour l’émergence à leur tour des économies africaines. Par exemple, en les dotant d’infrastructures considérées comme nécessaires à la croissance pour l’émergence, mais que des décennies de coopération post-coloniale avec les puissances traditionnelles, d’aide publique au développement, n’avaient permis de posséder – la Chine et les autres puissances économiques émergentes partagent avec les puissances traditionnelles la même religion économique écocidaire de la croissance, du productivisme, du gigantisme, etc. –, non seulement du fait de la phénoménale “incurie” (aussi facteur d’une accumulation privée du capital) des gouvernants africains.

Supposée générosité par solidarité Sud-Sud – consacrée par le nouveau siège de l’Union Africaine (Addis-Abeba), dont la construction a quasi entièrement été financée par la Chine, offrant même le mobilier – mais aussi, voire surtout, relation économique capitaliste c’est-à-dire animée par la quête du profit (pour le capital chinois public et privé) qui, en situation asymétrique, comme l’illustre assez l’histoire des relations internationales inégalitaires en général, des relations Nord-Sud en particulier, favorise le tissage des liens de dépendance. D’où le discours, assez sonore et récurrent dans la dite grande presse internationale, dans certaines revues académiques, voire tenu par des officiels – surtout dans le centre traditionnel de la domination, mais repris aussi par des voix africaines – du« piège de la dette »que la Chine aurait très habilement tendu à l’Afrique, devenant ainsi son principal créancier [18]. Un statut censé favoriser un nouveau néocolonialisme, voire suscitant« la crainte d’une nouvelle colonisation » [19], non plus “occidentale”, mais chinoise cette fois-ci.

Sans nier la part importante des créances chinoises [20], bilatérales surtout, dans la dette subsaharienne – ce que même la Chine ne récuse pas –, passées de moins de 40 milliards de dollars [21] en 2010 à 153 milliards de dollars en 2019, des études récentes entreprennent en ce temps de pandémie et de tension entre la première puissance traditionnelle (États-Unis d’Amérique) et la Chine, de démontrer le contraire de ce qui serait plutôt une narration sans rigueur, guidée par un préjugé géopolitique lié à ce que d’aucuns considèrent analogiquement comme une nouvelle “guerre froide”. La Chine est certes l’un des grands créanciers de l’Afrique subsaharienne, le principal créancier de certains États subsahariens, cependant, ce seraient les créanciers privés extérieurs (les banques commerciales, les créanciers obligataires …), chinois exclus, dont l’importance croissante avait déjà été indiquée bien avant la pandémie, qui détiennent la plus grande partie de la dette africaine :« African governments owe three times more debt to Western banks, asset managers and oil traders than to China, and are charged double the interest [22] ».

Bref, le stock de la dette publique extérieure, connue, de l’Afrique subsaharienne est passée de 2010 à 2019, de 305 milliards $ états-uniens à 665 milliards, soit de 24 % à 40 % du PIB sous régional, de 76 % à 156 % des exportations [23]. Dont une part importante d’obligations souveraines :« Lorsqu’on inclut les nouveaux eurobonds émis cette année par le Bénin, la Côte d’Ivoire, l’Égypte et le Maroc, l’encours global des eurobonds africains à la mi février 2021 est de 147 milliards $. L’Afrique subsaharienne compte pour 60 % de cette enveloppe [24] ». Étaient alors considérés comme surendettés à l’arrivée de la pandémie : Congo-Brazzaville, Érythrée, Gambie, Mozambique, São Tomé-et-Principe, Soudan du Sud, Zimbabwe, et en risque élevé de surendettement : Burundi, Cameroun, Cap-Vert, Centrafrique, Éthiopie, Ghana, Sierra Leone, Tchad, Zambie. Soit le tiers de la sous-région subsaharienne. Bien plus de la moitié étant contrainte de repasser sous les fourches caudines du FMI ; par exemple, l’accès à la facilité élargie de crédit étant soumis à la réalisation de« réformes structurelles », expression moins connotée que programme d’ajustement structurel mis à jour.

Croissance, Réendettement et conséquences sociales populaires

La forte croissance et le ré-endettement n’ont pas favorisé la diversification économique des pays dépendants, pour un bon nombre, principalement de l’exportation des ressources naturelles/matières premières, de l’extractivisme. Une contribution évidente à la crise écologique que subissent déjà sévèrement des peuples de la sous-région.

Il s’est même agi d’une croissance dés-industrialisante, comparativement aux décennies précédentes, non par adhésion, écologiquement motivée, à l’anti-industrialisme ou la décroissance, mais suite, entre autres, à la liquidation, pendant la première vague de l’ajustement structurel néolibéral, de nombre d’entreprises d’État, de manufactures très mal gérées – n’ayant pas été restructurées en entreprises mixtes ou cédées au privé – des deux premières décennies post-coloniales, quand l’État entrepreneur économique n’était pas considéré comme une anomalie dans le capitalisme.

“Émergence de la classe moyenne” et croissance des pauvres

Cette croissance, en période aussi des OMD (cette première promesse de “Quinze glorieuses” pour les sociétés capitalistes périphériques, dites en développement), n’a pas profité aux couches sociales populaires, surtout celles rurales, et pire celles du genre féminin. Selon une étude du staff de l’économiste en chef d’alors de la Banque africaine de développement, Mthuli Ncube (ministre des Finances du Zimbabwe depuis 2018),« The Middle of the Pyramid : Dynamics of the Middle Class » [25], parue en avril 2011, soit entreLions on the move : The progress and potential of African economies(juin 2010) et « Africa Rising », dans la période de croissance du PIB a émergé une classe moyenne [26] africaine, constituée alors de 34 % de la population. Une supposée dynamique de “moyennisation” des sociétés africaines, à l’instar de celle des sociétés du centre capitaliste pendant les dites Trente glorieuses post-Seconde Guerre mondiale, ou celle supposée des « dragons asiatiques ». Mais les critères de classification de cette étude se sont avérés non rigoureux, paraissant plus guidés par la légitimation ou la défense d’une croissance économique néolibérale, co-organisée par la BAD, qui serait inclusive. En fait, ont été incluses dans la classe moyenne, comme « classe flottante » – située en deçà des deux autres couches, la « classe basse » (4 à 10 dollars, à parité de pouvoir d’achat) et de la « classe haute » (10 à 20 dollars), celle-ci n’est pas à confondre avec la « classe riche », le sommet de la pyramide, située au-dessus de la classe moyenne qui constitue le milieu de la pyramide, la base étant les pauvres – les personnes vivant avec 2 à 4 dollars par jour, passées de 132 millions en 2000 à 198 millions en 2010, soit plus de la moitié des 326 millions constituant la dite classe moyenne en 2010.

« Classe flottante » parce qu’une grande partie, active dans le secteur informel précaire, franchit à reculons, de temps à autre, le seuil international de pauvreté (1,90 dollar par jour [27]). Rejoignant ainsi la marée montante des pauvres qui, en dépit du recul (très faible dans le cadre des OMD [28]) du taux« de 54 % en 1990 à 41 % en 2015[au niveau mondial : en moyenne de 30 % à 10 % ; de 47 % à 14 % pour les pays dits en développement]a augmenté, grimpant de 278 millions[de pauvres]en 1990 à 413 millions en 2015 [29] ». Parmi ces pauvres, des millions de salarié·e·s, y compris concernant les emplois créés, à un très faible taux, pendant la période de forte croissance [30]. La situation des femmes salariées étant généralement pire que celle des hommes. L’Afrique en général, subsaharienne en l’occurrence, étant l’une des championnes du monde en matière d’emplois vulnérables.

L’Afrique subsaharienne est l’une des championnes du monde en matière d’emplois vulnérables.

Une vulnérabilité de l’emploi renforcée depuis la réforme des codes du travail dans le cadre de l’ajustement structurel néolibéral des années 1980-1990 jusqu’aux autres réformes, censées attirer les investisseurs étrangers, qu’évaluait, il y a encore deux ans, la Banque mondiale dans sa publicationDoing Business.

L’année précédant le surgissement du nouveau virus corona, la direction de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) de la région Afrique (ne regroupant que des pays d’Afrique subsaharienne – sans leSoudan et Djibouti – plus l’Algérie) publiait unÉtat de la santé dans la région africaine de l’OMS(2018) qui confirmait ce qui est éprouvé quotidiennement par les usager·e·s des services de santé publics, certes sans la considération sévère, courante dans les opinions publiques, des grands hôpitaux publics comme des mouroirs [31] : « L’accès aux services essentiels est faible : seuls trois pays (São Tomé et Principe, Maurice et les Seychelles) ont un indice d’accès supérieur à 0,50. Les pays de la région ne sont pas en mesure de fournir les infrastructures, le personnel et les produits nécessaires pour ces services ». La santé publique avait été, avec l’école publique, parmi les principales cibles de la première vague d’ajustement structurel néolibéral en Afrique subsaharienne. Son financement, déjà insuffisant auparavant, a été sacrifié au profit du service de la dette.

La santé publique a été, avec l’école publique, parmi les principales cibles de la première vague d’ajustement structurel néolibéral en Afrique subsaharienne

La résolution prise, par la suite, par les chefs d’État de l’Organisation de l’Unité Africaine (prédécesseure de l’Union Africaine), à Abuja, en 2001, pour un financement de la santé à hauteur de 15 % du budget n’est respecté en 2019 que par quelques États : 6 selon l’Union Africaine, 2 selon l’OMS [32]. Dans l’un et l’autre cas n’y figure pas le Nigeria dont 60 % des recettes sont, en 2017, consacrés au service de la dette, alors que la part du budget consacrée à la santé n’était que de 4,6 % et à l’éducation de 5,68 %, parmi les plus faibles de la sous-région subsaharienne.

Tacitement, il s’agit, depuis les années 1980-1990, d’ y encourager le développement du secteur privé, accessible à la couche supérieure de la fameuse classe moyenne ; les plus riches, gouvernant·e·s compris ou surtout, étant des adeptes du tourisme médical (aller en consultation médicale à l’étranger, plus hors d’Afrique qu’en Afrique pour les plus fortuné·e·s, dont les gouvernant·e·s), n’étant pas ainsi concerné·e·s par l’état du système de santé publique local. Les pauvres devant se débrouiller avec un personnel médical très déficitaire et dont les conditions de travail, la précarité, dans le contexte des valeurs néolibérales progressivement prégnantes, ne manquent pas souvent d’affecter la déontologie, la moralité (des cas urgents ou graves non reçus par le personnel soignant, faute d’argent [33]). L’atteinte de l’ODD 3 (« Bonne santé et bien-être » pour tous/toutes [34]), tout comme de nombreux autres ODD (seconde promesse de “Quinze glorieuses”, mais mondiales car intégrant supposément le principe écologique), est absolument, systématiquement, incompatible avec la dynamique capitaliste, néolibérale ou non, structurellement inégalitaire. Des objectifs fixés pour 2020 n’étaient pas en voie d’être réalisés, avant la manifestation du nouveau virus corona.

L’éducation scolaire délaissée

L’éducation scolaire (généralement néocoloniale en Afrique subsaharienne) dont les conditions ont été généralement dégradées par la première vague d’ajustement structurel néolibéral, le confirme. Certes, d’indéniables progrès ont été accomplis dans la sous-région en matière de taux de scolarisation, même après les années 1980-1990 est-il souvent rappelé. Mais en n’insistant pas sur la réalité de l’école publique, faite de classes surchargées [35], par déficit flagrant du personnel enseignant (par gel ou réduction du recrutement des fonctionnaires) et de sa qualité (sans formation, de statut précaire…) [36], de nouvelles salles de classes, de nouvelles écoles construites [37] proportionnellement à la croissance démographique ; en ne soulignant pas que la croissance du taux de scolarisation s’accompagne d’une déscolarisation massive : à la fin desOMD (dont le deuxième était d’assurer la scolarité primaire pour tous/toutes les enfants), coïncidant presque avec celle de la croissance soutenue, la Banque mondiale constatait que« Le problème de la non scolarisation et de la déscolarisation est généralisé dans toute l’Afrique subsaharienne et concerne plus de la moitié des jeunes de 12 à 24 ans[…]Pour la plupart, les jeunes abandonnent avant d’entrer au secondaire[…]Les jeunes filles [38], les jeunes ruraux et les grands adolescents sont les plus susceptibles de ne pas fréquenter l’école, un effet qui est amplifié par la pauvreté [39] ». En 2012, en pleine croissance économique donc, il aurait fallu, selon l’Unesco, recruter l’équivalent de 75 % du corps enseignant en activité en Afrique subsaharienne, pour combler le déficit au niveau du primaire. Ce qui s’explique par, entre autres, le non-respect par les États des taux internationaux de référence du financement de l’éducation à savoir« au moins 4 à 6 % du produit intérieur brut et/ou au moins 15 à 20 % du total des dépenses publiques », rappelés constamment par le Forum mondial de l’Éducation [40], des planchers en fait.

En Afrique subsaharienne, les sous-régions d’Afrique australe, d’Afrique de l’Ouest, d’Afrique de l’Est, d’Afrique centrale consacrent respectivement en pourcentage du PIB, en 2018 : 5,9 %, 4 %, 3,5 % et 3,1 % [41]. Le classement est quasiment le même concernant la part des dépenses publiques :« les gouvernements de la région de l’Afrique centrale sont ceux qui consacrent la part la plus faible de leurs dépenses à l’éducation (15 %) tandis que ceux d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique australe affichent les parts les plus élevées (en moyenne 18 %) ». En ce qui concerne l’école aussi, la première vague d’ajustement structurel néolibéral a appris que, pour le paiement de la dette extérieure, les dépenses publiques devraient être réduites et, par exemple, lascolarisation dans le privé encouragée. Les États subsahariens s’y conforment encore, en cette période de surendettement, d’exposition au surendettement et de supposée marche vers la réalisation des ODD, en même temps. Des créanciers privés, à l’instar de Glencore, Trafigura, rechignant alors à restructurer la dette de leurs débiteurs pétroliers.

La dette contre les Objectifs du Développement Durable

La dynamique réelle du monde se dirige généralement en direction opposée du développement durable. Les rapports sur la croissance des inégalités, sur les dégâts et menaces écocidaires (non durabilité) se succèdent depuis quelques années. Ce n’est donc pas, concernant l’Afrique en général, subsaharienne en l’occurrence, qu’une question de déficit de la qualité des statistiques, comme le fait croire la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique [42]. Des objectifs fixés pour 2020 n’étaient pas en voie d’être réalisés, avant la manifestation du nouveau virus corona. Dans le rapport annuel de 2019, du Secrétaire général des Nations unies il est écrit, par exemple, concernant l’Afrique subsaharienne qu’« En Afrique subsaharienne, les cibles relatives à la pauvreté, à la mortalité maternelle et à l’éducation ne sont pas atteintes, et on estime qu’il faudrait un triplement du taux de croissance économique de l’Afrique en 2018 (3,2 %)pour que les objectifs du développement durable puissent être réalisés. En 2017, l’espérance de vie était de 61 en Afrique subsaharienne, contre 72 ans dans le monde. C’est en Afrique que le taux d’emploi informel, dont on estime qu’il représente 85,8 % de l’ensemble des emplois, et que le taux d’emploi vulnérable, qui atteint en moyenne 66 %, sont les plus élevés au monde. Cinq des huit crises liées à l’insécurité alimentaire qui ont été décrites comme les plus graves en 2018 sont survenues en Afrique [43] ».L’une des menaces pesant sur la réalisation des ODD est-il affirmé dans ce rapport est« la vulnérabilité liée à la dette[qui]a considérablement augmenté dans les pays à faible revenu »(p. 5). Ainsi, faudrait-il une« coopération internationale en matière »entre autres« d’allègement de la dette », dans la décennie suivante dite« d’action en faveur du développement durable »(p. 5), mais qui va commencer sous le rythme de la Covid-19.

Aujourd’hui 2030, c’est dans huit ans. Les 17 ODD sont promis à un sort semblable à celui des 8 OMD (en 2015) qu’ils ont prolongés en vain, dans un contexte effectivement de grand écart entre le discours sur la supposée durabilité et la pratique de la religion de la croissance, la lutte contre la pauvreté proclamée et la croissance des inégalités. En fait, trente ans de diversion, imprégnés d’idéologie de la « fin des idéologies », de la « fin de l’histoire », rendant tout (de la fin de la pauvreté aux rapports écologiquement sains à la nature extra-humaine, en passant par l’égalité des genres [44]) possible dans le cadre du capitalisme (néolibéralisé ou « pur », en l’occurrence) posé comme « horizon indépassable » de l’histoire humaine. Ce en faveur d’une minorité ne se privant pas de démagogie [45]. C’est dans ce cadre ou paradigme, dépolitisant – excluant la compréhension des sociétés comme des réalités actuellement structurées par des divergences, des intérêts antagoniques entre classes sociales (entre exploiteurs/exploiteuses et exploité·e·s), genres (entre phallocrates et féministes), races/ethnies ou nations (non pas dans le sens d’État-nation, mais, par exemple, de nations indigènes/autochtones), écologistes et écocidaires, etc., catégories sociales entre lesquelles il y a les masses flottantes de damné·e·s de la terre et couches inférieures de la classe moyenne capturées ou embarquées dans l’idéologie des classes dominantes et dirigeantes ainsi que les autres idéologies participant de la reproduction en dernier ressort de l’ordre inégalitaire, anti-émancipateur (intégrismes religieux, identitarismes ethniques/racistes…), inégalitaristes et égalitaires, – que s’expriment généralement maintes espérances et déceptions (plutôt que des désillusions), concernant, en l’occurrence, les traitements du problème de la dette.

Les profiteurs de la croissance et co-facteurs du réendettement

La croissance et le ré-endettement subsaharien·ne·s ont été aussi en faveur d’une minorité variée. Par coïncidence, l’année 2015, pouvant être considérée comme celle de la fin du cycle de forte croissance, est aussi celle du rapport du Groupe de hautes personnalités sur les flux financiersillicites démontrant que, entre autres, une part des profits réalisés pendant la période de forte croissance est sortie illicitement, après avoir, par ailleurs, échappé à l’imposition. Ou l’avoir minoré, en favorisant l’optimisation fiscale des grandes entreprises qui rendait les pays attractifs pour les investisseurs étrangers. Des pratiques courantes contribuant ainsi au déficit budgétaire des États africains en général, subsahariens en l’occurrence, donc un facteur de leur endettement. Autrement dit sans ces flux financiers illicites, ou fuite de capitaux, le ré-endettement aurait été évité ou atténué – exclusion faite de l’esprit prédateur des gouvernants. Ce qui est confirmé par le Rapport sur le développement de l’Afrique 2020 de la Cnuced [46] : « Au total, les fuites des capitaux se sont montées à environ 88,6 milliards de dollars par an en 2013-2015,soit environ 3,7 % du PIB africain »(p. 177), soit de 3 à 2 fois le service de la dette extérieure africaine pendant chacune de ces trois années, soit plus que la dite aide publique au développement (48 milliards de dollars) ou les investissements étrangers directs (54 milliards de dollars).

La fuite des capitaux du continent africain vers le Nord est deux à trois fois plus élevée que le service de la de extérieure. C’est le double de l’aide publique au développement

Ce qui, sur les trois ans (268,5 milliards $), est supérieur à la somme du service de la dette extérieure de l’Afrique de 2010 à 2017 (234,50 milliards $), ainsi qu’à celui de l’ensemble des pays dits en développement de 2014 (252,2 milliards $). Pendant la période de forte croissance – accompagnée déjà de ré-endettement, y compris des États ayant bénéficié des initiatives PPTE et IADM et au cours de laquelle certains États, autres que l’Afrique du Sud, se sont lancés dans l’emprunt obligataire – « Entre 2000 et 2015, elle[la fuite des capitaux]s’est élevée à 836 milliards de dollars, soit 2,6 % du PIB. En moyenne, au cours de la période 2013-2015, les valeurs aberrantes absolues les plus importantes concernent le Nigéria (41 milliards de dollars), l’Égypte (17 milliards de dollars) et l’Afrique du Sud (14,1 milliards de dollars) [47] »(p. 208), rapportée à la« dette extérieure de 770 milliards $US en 2018, “l’Afrique est un[e]créanci[ère]net[te]du reste” [48] ».{}

La fuite des capitaux atteint des records au Nigéria, en Egypte et en Afrique du Sud

Participent aussi à cette fuite des capitaux des gouvernants complices des investisseurs – dans la fraude fiscale, par exemple –, s’octroyant des privilèges légaux ou/et illégaux, détournant des fonds publics en guise d’accumulation initiale privée du capital [49], etc. Ainsi que des entrepreneurs locaux – dont des millionnaires en dollars :Maurice compte 3200 millionnaires. Le nombre de millionnaires a crû de 250 % entre 2000 et 2015 sur cette île touristique de l’océan Indien, loin devant la moyenne de 146 % en Afrique[…]Jusqu’à la fin du mois de juin dernier, il y avait 163.000 millionnaires en dollars américains sur le continent africain, avec une fortune estimée à 670 milliards USD [50] »–, bon nombre, par leur proximité avec les gouvernants, jouant de la surfacturation des marchés avec les pouvoirs publics, obtenant la garantie de leurs emprunts par l’État [51], voire revendiquant des dettes de l’État à leur égard (dans la dette intérieure) s’avérant fictives en cas d’audit (pratiques non pas particulières aux capitalistes africain·e·s, mais capitalistes universelles).James K. Boyce, Léonce Ndikumanaprécisent que« les élites nationalessont aidées et encouragées par des banques, des comptables etdes sociétésde conseil externes pour orchestrer la fuite des capitaux des pays africains » [52].

Pour réaliser la fuite des capitaux les élites nationales sont aidées et encouragées par des banques, des comptables et des sociétés de conseil externes pour orchestrer la fuite des capitaux des pays africains

Parler du fardeau de la dette publique extérieure africaine, subsaharienne en l’occurrence, exige de mentionner qu’elle profite à ces catégories qui pouvaient être “sanctionnées”, si seulement la« communauté internationale » –ces flux pouvant être tracés, aussi bien dans les circuits financiers, patrimoniaux “normaux” que dans les paradis fiscaux, comme le prouvent les différents “papers” depuis quelques années, mentionnant aussi des dirigeant·e·s subsaharien·ne·s – était animée par le sens de la justice, plutôt que de faire porter en fin de compte le fardeau du service de la dette par les classes/couches sociales populaires.

La dette sous la Covid-19

Ainsi c’est en pleine croissance d’un ré-endettement de maints États subsahariens, d’un surendettement de certains d’entre eux, que la Covid-19 est arrivée en Afrique ; les mesures préventives entrainaient, de surcroît, un ralentissement de l’économie, mondialement comme localement. L’impact du processus de néolibéralisation, en cours depuis l’ajustement structurel des années 1980-1990, sur les systèmes de santé publique, présenté d’une certaine façon dans l’État de la santé dans la région Afrique de l’OMS(2018), présageait des effets d’un degré de virulence pire quece qui se manifestait déjà dans les sociétés du capitalisme développé.La forte croissance des économies africaines en général, subsaharienne en l’occurrence, n’ y avait pas stoppé la dégradation des systèmes de santé publique évoquée plus haut. La récente épidémie d’Ebola dans quelques pays d’Afrique de l’Ouest (2014-2016), avec sa dizaine de milliers de mort·e·s, victimes aussi d’une certaine précarité des systèmes de santé locaux, ne s’était pas effacée des mémoires. Ce qui a contribué au catastrophisme sanitaire ayant caractérisé les premières prévisions sur les effets de la pandémie dans la sous-région [53], et a eu, malgré tout, un effet mobilisateur sur certains dirigeant·e·s africain·e·s, à l’instar du chef d’État sénégalais, sur des personnalités, organisations de la société civile/du mouvement social. Ainsi, l’annulation de la dette publique extérieure des États africains, devant permettre au moins le transfert du service de la dette au financement de la santé publique et à la solidarité sociale, a été assez vite présentée comme un moyen de plus dans la lutte contre la pandémie dans ces sociétés de revenu faible et intermédiaire, aux économies particulièrement extraverties. Un appel au bon sens lancé à la« communauté internationale »dont les réponses n’ont pas été à la hauteur des attentes relevant de l’humanisme, plutôt que de la religion du profit.

L’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) ou l’allègement-alourdissement du service de la dette

Les institutions financières internationales, des États membres du Club de Paris, du G20, comme ayant apparemment entendu autre chose, ont répondu d’abord par l’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) – décidée en avril 2020. Il s’agissait d’alléger le service de la dette des États considérés comme à faible revenu, non pas en procédant à quelque annulation, comme demandée par des États africains et des organisations de la société civile, en l’occurrence, mais de suspendre le paiement du service de la dette bilatérale de mai à décembre 2020, afin de« concentrer[les]ressources sur la lutte contre la pandémie et[de]protéger la vie et les moyens de subsistance de millions de personnes vulnérables [54] ». Parmi les critères, il fallait faire partie « des pays éligibles aux financements de l’AID [Association internationale pour le développement, chargée des prêts concessionnels de la Banque mondiale], qui sont à jour sur le service de la dette dûe au FMI et à la Banque mondiale » (qui « bénéficient d’un financement du FMI, y compris des facilités rapides d’urgence (IFR/FCR), ou en ont fait la demande à la Direction générale du FMI ») ainsi des « pays les moins avancés tels que définis par les Nations unies, qui sont à jour sur le service de la dette dû au FMI et à la Banque mondiale » [55] et bénéficier ou avoir sollicité un financement du FMI. Et, à condition, entre autres, d’utiliser l’argent pour« accroître les dépenses sociales, sanitaires ou économiques en réponse à la crise »et de« ne contracter aucune nouvelle dette mon concessionnelle pendant la période de suspension, autre que les accords dans le cadre de cette initiative ou conformément aux limites convenues dans le cadre de la politique de limitation de la dette (DLP) du FMI ou de la politique de la Banque mondiale sur les emprunts non concessionnels ». Le service suspendu étant rééchelonné sur trois ans (2022-2024), avec une année de grâce. 28 États subsahariens y ont participé, après l’avoir demandé. 6 autres, éligibles, ne l’ont pas fait à cause probablement, entre autres, de l’engagement à ne pas contracter un emprunt non concessionnel (sur le marché financier, par exemple) le temps de la suspension ou de la faible part de leur dette bilatérale. Envisageable à son lancement, l’initiative a été prolongée par la suite, d’abord jusqu’en juin 2021, puis jusqu’en décembre 2021 – le paiement du service suspendu et l’année de grâce étant par conséquent prolongés jusqu’en 2026 – afin de permettre« aux pays bénéficiaires de mobiliser davantage de ressources pour faire face aux défis de la crise et, le cas échéant, de passer à une approche plus structurelle pour remédier aux vulnérabilités de la dette, notamment par le biais d’un programme soutenu par le FMI de qualité dans les tranchessupérieures de crédit et d’un traitement dans le Cadre commun [56] ». En effet, par la suite, en novembre 2020, a été aussi initié un « Cadre commun pour les traitements de dette au-delà de l’ISSD » portant sur la restructuration de la dette, par négociation au cas par cas entre le débiteur et les institutions multilatérales (Banque mondiale, FMI), et avec les autres créanciers.

Pour le Club de Paris, ayant suspendu 1,807 milliard de dollars des 28 États subsahariens ayant participé à l’initiative – sur 4,6 milliards pour les 42 États de sa liste –, de mai 2020 à décembre 2021, ou pendant un ou deux des semestres [57], il s’agit d’un succès [58]. Une appréciation nullement partagée, par exemple, par des organisations n’ayant pas attendu la fin du moratoire pour en faire la critique. Par exemple, l’European Network on Debt and Development (Eurodad) se demandait en octobre 2020 si cette« initiative de suspension du service de la dette du G20 [ne revenait pas] à écoper le Titanic avec un seau ? » [59]. Quant au Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM, précédemment Comité pour l’annulation de la dette du Tiers-Monde), il avait carrément condamné l’initiative [60].

À l’ISSD, il était reproché principalement d’avoir remplacé la demande d’annulation de la dette, qu’elle soit partielle ou intégrale, par une demande de suspension du service de la dette. Ce qui, certes, n’a pas manqué d’aider les débiteurs participant à l’ISSD, surtout ceux ayant un service lourd pendant la période de suspension, à l’instar du Cameroun (368 millions de dollars, sur un service total, tous créanciers confondus, de 885,228 millions de dollars [61]), de l’Angola (295 millions sur 6,886 milliards), du Kenya (209 millions, 2,422 milliards), de la Mozambique (171 millions sur 1,407 milliard), du Congo-Brazzaville (145 millions sur 733,860 millions), de la Côte d’Ivoire (125 millions sur 1,896 milliard), du Sénégal (102 millions sur 1,335 milliard), de la Tanzanie (85 millions sur1,198 milliard), concernant le Club de Paris (auquel étaient associé·e·s le Portugal et la Turquie). Pour certains États comme les Comores (sur 5,131 millions de dollars), la Guinée-Bissau (15,851 millions de dollars) le Tchad (110,789 millions), il s’est agi à peine de 2 millions de dollars pour chacun ; 1 million de dollars pour le Lesotho (sur 59,818 millions de dollars), le Togo (sur 85,927 millions de dollars). Pour les uns comme pour les autres, il s’agit de sommes presque insignifiantes en pourcentage. De son côté la Chine a procédé à une suspension globale de 5,7 milliards de dollars et revendique concernant l’Afrique subsaharienne des« suspensions de paiement du service de la dettede plus de 1,3 milliard de dollars, soit près de 30% de la suspension totale du service de la dette du G20, faisant du pays le plus grand contributeur à l’ISSD » [62], mais sans donner des détails.

Quoi qu’il en soit, il ne s’agissait que d’un report de paiement non d’une réduction, l’allègement n’ayant été que provisoire, une accumulation d’arriérés (gratuits) dont le paiement est étalé sur trois à quatre ans plutôt qu’à payer en un an. Ainsi, le terme “allègement” est quelque peu trompeur, car il s’agit aussi, évidemment, d’un alourdissement du service de la dette pour les quatre années suivantes. À moins que l’ISSD soit suivie de l’obtention, après négociation au cas par cas, d’une réduction de la dette par le Cadre commun de traitement de la dette au-delà de l’ISSD » (à quel prix social populaire ?). Pour le moment aucune des trois demandes (Éthiopie, Tchad, Zambie) dans le Cadre commun n’est à un stade avancé.

Institutions multilatérales et créanciers privés

La modicité des sommes suspendues s’explique par le fait d’une part que la Banque mondiale qui est une créancière de grande importance – 18,9 % de la partie de la dette subsaharienne concernée par l’ISSD [63]–, censée être, avec le FMI, au départ de l’initiative et servant de référence pour l’éligibilité des bénéficiaires, s’est exemptée de procéder à quelque allègement tout en s’affirmant préoccupée par la réussite de cet allègement(-alourdissement). Ce qui ne manque pas de cohérence,malgré l’apparence. En effet, il n’y a pas pour cette institution multilatérale (c’est-à-dire dont les parts ne sont détenues que par les gouvernements, institution appartenant au système des Nations unies) de contrainte concernant la participation à l’ISSD en tant que créancière. Selon la fiche technique de l’ISSD :« Les banques multilatérales de développement seront invitées à explorer plus avant les options de suspension du service de la dette pendant la période de suspension, tout en maintenant leur notation actuelle et leur faible coût de financement [64] ». La Banque mondiale manifeste aussi bien de l’incohérence que de la cohérence, non pas sous le même rapport, certes. Incohérence en effet par rapport à sa position de soutien majeur à l’ISSD et le refus, en même temps de s’engager à procéder à la suspension, c’est-à-dire de faire ce qu’elle pousse les créanciers bilatéraux à faire, alors qu’avec les autres banques multilatérales de développement, elles détiennent une part des créances quasi équivalente à celle bilatérale. Par attachement à sa« notation actuelle »mentionnée dans la fiche technique.Comme l’affirmentIolanda Fresnillo etalii,« Les priorités de la Banque mondiale : préserver son alliance avec les agences de notation et les marchés financiers »(p. 14). En toute cohérence, en fait, car sa pratique, tout comme celles du FMI, de la BAD et consorts, consiste à favoriser, à construire le« suprématisme du secteur privé »dans le « développement », le néolibéralisme est loin d’être mourant. C’est ainsi que, d’autre part, les créanciers privés, dont la part s’accroît depuis quelques années dans la dette publique africaine en général [65], subsaharienne en l’occurrence, passant de 56 milliards de dollars en 2010 à 194 milliards en 2019, dont 135 milliards dus aux porteurs d’obligations, jusqu’à être la part la plus importante selon les études récentes citées plus haut, se sont quasiment tenus à l’écart de l’initiative.

Et pour cause, ils étaient plus exemptés de contrainte que les banques multilatérales :« Les créanciers privés seront appelés publiquement à participer à l’initiative à des conditions comparables ». Ce que leur syndicat, l’Institut de la Finance Internationale (IFF) a traduit entermes de« participation volontaire du secteur privé »dont l’efficacité promise s’est soldée par la suspension de 0,024 milliards de dollars par des créanciers privés, pour l’ensemble des débiteurs participant à l’ISSD [66]. Les appels à leur participation lancés par la directrice du FMI et le président de la Banque mondiale ne pouvaient avoir d’effets, l’ayant été plutôt pour la forme. L’essentiel étant ainsi qu’ils ont été« appelés publiquement à participer ».Sans plus. Ce serait en fait illogique, dans ce contexte néolibéral, que ces institutions multilatérales (de la fonction publique internationale, formellement) en imposent au Capital financier (privé), avant-garde actuelle du capitalisme, au service duquel elles dictent, depuis quatre décennies, à des États dits souverains, en l’occurrence de la périphérie subsaharienne, des fondamentaux économiques du capitalisme d’aujourd’hui. Une question de pouvoir effectif. Ainsi, par exemple, les agences de notation, sorte de milices des créanciers privés, ont, sans vergogne, menacé certains États africains, à l’instar du sénégalais, non pas d’envisager solliciter une suspension aux créanciers privés, mais juste pour avoir adhéré à l’ISSD, sous peine de baisser leur note, s’exposant ainsi, en guise de représailles, à emprunter à des taux d’intérêt plus élevés sur les marchés financiers, offensés dans leur souveraineté de facto [67].

Ce qui peut expliquer aussi la non participation du Ghana et du Nigeria, éligibles mais dont les principaux créanciers étaient privés, comme la Côte d’Ivoire et le Sénégal (respectivement à hauteur de 37 %, 37 %, 45 %, et 31 %).

Les services de la dette dus aux créanciers privés, en 2020 et 2021 ont été bel et bien payés. Y compris avec une part de ce qui devrait être consacré à la lutte contre la Covid-19 et ses conséquences sociales, économiques, le suivi que« les ressources libérées par cette initiative bénéficieront directement aux populations des pays les plus pauvres touchés par la crise »(Club de Paris) ayant été oublié en chemin. Lesconséquences de la pandémie sur le quotidien de centaines de millions de personnes des couches sociales populaires relevaient, pour ces créanciers, d’une tout autre planète. Ils n’ont pas ainsi été perturbés par lesdits allègements. D’autant plus que l’année 2020 a été aussi une année d’endettement. Malgré la suspension du service de la dette, quelques annulations de dettes par le FMI (600 millions de dollars, cf. Jubilee Debt Campaign, « How the G20 debt suspension… »), le stock de la dette subsaharienne est passé de 665 milliards de dollars en 2019 à 702 milliards de dollars en 2020. Par exemple, des États ISSD ont reçu pendant la période des prêts du FMI – dont le processus avait été déclenché avant la pandémie (une condition d’éligibilité à l’ISSD), ou subséquemment à la pandémie et ses effets :« l’année dernière nous avons octroyé des prêts d’un montant 13 fois supérieur à la moyenne annuelle de la décennie précédente », a affirmé la Directrice générale du FMI en mars 2022 [68].

Les prêts du FMI, faut-il rappeler sont toujours conditionnés par l’application des« réformes structurelles »profitables au Capital privé. D’autres créanciers bilatéraux, multilatéraux et privés ont aussi prêtés à l’Afrique subsaharienne. Par exemple, la dette publique extérieure du Kenya – un grand débiteur du privé, n’ayant rejoint l’ISSD qu’à compter de janvier 2021 et obtenu une suspension de 209 millions de dollars – est passée de 34,9 milliards de dollars à 38,1 milliards. Celle du Niger – dernier rang mondial de l’Indice de développement humain en 2019, comme en 2020, et confronté au terrorisme –, dont le service a été suspendu de mai 2020 à décembre 2021 pour 16 millions de dollars, est passée de 2019 à 2020, de 3,6 milliards de dollars à 4,5 milliards de dollars. Ce qui a continué en 2021, 2022. Ainsi, en cette année 2022, le Ghana qui n’empruntait plus au FMI depuis 2019, s’est remis en programme avec, car surendetté et subissant, comme les autres pays subsahariens, l’impact économique (inflation) de l’invasion russe de l’Ukraine, source d’approvisionnement en produits alimentaires, en hydrocarbures, en engrais… Plus du tiers des États subsahariens se trouve donc en situation de surendettement ou exposé à l’être.

Les emprunts de ces années de pandémie servent aussi à, entre autres, payer le service de la dette aux créanciers privés. Ainsi, comme l’a démontré la Jubilee Debt Campaign, tout en étant hostiles à l’ISSD, cescréanciers privés en ont été, au final, des bénéficiaires [69]. Et paraissent déterminés à contrer le Cadre commun qui, plus qu’une brève suspension, envisage la restructuration de la dette des États demandeurs. Le principe du traitement au cas par cas paraît ne pas intéresser les débiteurs, beaucoup moins nombreux que pour l’ISSD : trois candidats seulement (Tchad, Éthiopie, puis Zambie) depuis janvier 2021 (le comité des créanciers de la Zambie a pris, le 18 juillet 2022, sa première décision, un soutien à un emprunt au FMI sollicité par la Zambie). Serait-ce par crainte de représailles de la part des [70] créanciers privés, par des États pris au piège du« système dette » ? Les créanciers privés ne s’étant pas encore exprimés concernant le processus zambien, quand bien même« le comité des créanciers invit[ait]instamment les créanciers privés et les autres créanciers bilatéraux à s’engager sans délai à négocier avec la Zambie les traitements de la dette qui sont essentiels pour garantir la pleine efficacité du traitement de la dette de la Zambie au titre du cadre commun [71] »

Une autre réponse apportée par la « communauté internationale », suite à la demande, en 2020, de certaines organisations de la société civile/mouvement social, de certains dirigeants africains, a été l’annonce par le FMI, en août 2021, de l’offre à tous les États membres de 456 milliards de droits de tirage spéciaux (650 milliards de dollars), une allocation réglementaire de secours aux États membres en cas de nécessité évidente, non remboursable. À repartir conformément au principe inégalitaire, de l’institution : non pas “un pays, une voix”, mais “un dollar, une voix”, autrement dit, proportionnellement à la quote-part, au poids dans l’économie mondiale de chaque État. Ainsi, les États-Unis (17, 43 %, soit 118 mds $), le Japon (6,47 %), la Chine (6,40 % ; 43 mds), l’Allemagne (5,59 %) ont reçu chacun plus que l’ensemble de l’Afrique (5 %), soit par exemple, 118 milliards de dollars pour les États-Unis d’Amérique, 43 milliards de dollars pour la Chine contre 33 mds pour les 54 États africains. L’avis est assez partagé que les sommes allouées aux États subsahariens sont insuffisantes. Des États comme le Congo, la Guinée, la Guinée équatoriale, le Tchad, le Malawi, la Mauritanie ont consacré la totalité ou presque de leur allocation à la réduction de leur dette au FMI. Par ailleurs, conscientes de la modicité des allocations, certaines puissances économiques avaient promis de transférer une partie de leur part de DTS aux États dits pauvres, dont des subsahariens. Néanmoins, après l’annonce de la décision,« la proposition qui domine actuellement les débats consiste à un jeu de dupes. Les pays riches prêteraient à intérêt une part des DTS qui leur sont alloués alors qu’ils y auront accès gratuitement [72] ». La France, par exemple, s’était proposée de prêter une part de ses DTS au Soudan, en guise … d’aide.

S’émanciper du « système dette »

Malgré les conséquences socio-économiques de la pandémie, ayant empiré la vie des centaines de millions de personnes sur tous les continents déjà victimes du système capitaliste auparavant, auxquelles se sont ajoutées celles de l’invasion de l’Ukraine, les seigneurs de la « communauté internationale » (États du G7, créanciers privés, institutions financières multilatérales) paraissent décidés à faire moins que l’initiative PPTE et l’IADM (décriées en leur temps comme étant des pseudo-solutions, de surcroît inscrites dans le si socialement nocif ajustement structurel néolibéral) en ne procédant pas à l’annulation des dettes. Ce qui serait possible, comme le rappelait Oxfam, par exemple, en vendant une petite partie de la réserve d’or du FMI. Ainsi, ils ne cessent de prouver par leur insensibilité à l’égard des solutions sensées, concernant l’endettement critique et ses effets sociaux, proposées depuis des décennies par des organisations de la société civile/mouvements sociaux,« qu’il n’ y a rien à attendre des institutions financières internationales »et autres seigneurs du système (dont les États puissances). Il s’agit d’une insensibilité logique, maquillée en manœuvres de diversion, dictée par le principe du profit-roi. Comme cela se manifeste aussi sur la question écologique, si vitale mais malmenée par les transnationales extractivistes, entre autres. Malheureusement, il n’y a aussi rien à attendre des classes dirigeantes et dominantes d’Afrique, en général, de la sous-région subsaharienne, dont les intérêts s’opposent à une dynamique de mobilisation démocratique contre le « système dette » comme instrument de reproduction d’une humanité inégalitaire, du système des inégalités plus dynamique que jamais auparavant.

Il n’y aura d’issue « au système dette » que par la construction d’une dynamique alternative, à celle des saigneurs des peuples par la dette, pour une souveraineté populaire et démocratique, tirant les leçons des différents échecs dans la construction du panafricanisme et de l’internationalisme.

Jean Nanga, 11 août 2022

Notes

[1] Le taux de croissance du PIB est, dans la “science économique” hégémonique, un critère majeur d’appréciation de la santé économique d’un pays. Ce qui est contesté, très minoritairement pour le moment, par des économistes et des non-économistes. Par exemple, dans le calcul du PIB peuvent être intégrés l’argent de la prostitution, du trafic de drogue, par exemple.

[2] McKinsey Global Institute,« L’heure des Lions » : L’Afrique à l’aube d’une croissance pérenne– Synthèse, p. 2 (la version intégrale parue en anglais est intitulée Lions on the move : The progress and potential of African economies ; juin 2010) ;www.mckinsey.com/.

[3] « Africa Rising », The Economist, december 3rd, 2011 ;https://www.economist.com/leaders/2011/12/03/africa-rising.

[4] FMI, « Accélérer la croissance et réduire la pauvreté en Afrique subsaharienne – le rôle du FMI », décembre 2000,https://www.imf.org/external/np/exr/ib/2000/fra/120100f.htm.

[5] Pour les adeptes du néolibéralisme, la croissance des années 2001-2015 est fille de l’ajustement structurel des années 1980-1990 :« la poussée réformiste [des] années 1990 leur a permis d’enregistrer des épisodes prolongées de croissance du PIB réel, qui ont duré parfois 30 ans. Cette croissance ininterrompue s’est traduite par un doublement du PIB dans 28 des 45 pays d’Afrique subsaharienne. » selon le FMI (Perspectives économiques régionales. Afrique subsaharienne : faire face à l’incertitude, octobre 2019, p.11 ;www.imf.org).

[6] Ma traduction de« The new{}millenium has brought more disaster than hope to Africa. Worse, the few candles of hope are flickering weakly »,« The heart of the matter »,The Economist, may 11th2000 ; https://www.economist.com/special/2000/05/11/the-heart-of-the-matter.

[7] Mamadou Gazibo et Olivier Mbabia, (préface de Dr. Ibrahim Assane Mayaki, secrétaire exécutif du NEPAD),Index de l’émergence en Afrique 2017, PRAME (Pôle de recherche sur l’Afrique et le monde émergent)/OBEMA (Observatoire de l’émergence en Afrique), Montréal, 2018. Dans les années 1960, il a été question d’émergence en Afrique, mais pour prédiquer les États produits par la décolonisation.

[8] Les listes de l’Indexsont partiellement différentes de celles du FMI (Perspectives économiques régionales : Afrique subsaharienne, mai 2017, p. 13). Les critères del’Indexne se limitant pas à l’économique, au-delà donc de ceux ordinairement utilisés, par exemple, pour le groupe dit des BRICS, (dans lequel la présence sud-africaine n’avait pas manqué d’être considérée comme quelque générosité à l’égard de l’Afrique plutôt qu’une comparabilité ou proximité des performances sud-africaines avec celles des autres membres), voire avec ceux pour la Turquie et autres. Comme un ajustement, non dépréciatif, une adaptation sémantique à la “réalité africaine”. Dans sa préface, le secrétaire général de l’Agence du NEPAD (Nouveau partenariat économique pour le développement de l’Afrique), Dr. Ibrahim Assane Mayaki précise ainsi le sens de l’émergence présentée dansl’Index :« Développer un index de l’émergence en Afrique, c’est aller au-delà des aspects strictement quantitatifs, et prendre en compte un environnement qualitatif et néanmoins mesurable. Outre l’économie, ce sont les champs de la politique, du développement humain et de la société qu’il convient de convoquer »(p. 5). Quant aux auteurs après un tour d’horizon de la polysémie d’« émergence », ils la définissent, dans l’avant-propos, comme« un processus de transformation économique soutenue qui se traduit par des performances aux plans social et humain et qui prend place dans un contexte politique et institutionnelstable susceptible d’en assurer la soutenabilité »(p. 9). Ils indiquent au passage que pour certain·e·s auteur·e·s, « la fin de la crise de la dette »fait partie des« myriades d’opportunités »qui caractérisent{}l’émergence (p. 8).

[9] FMI,Perspectives économiques régionales. Afrique subsaharienne : faire face à l’incertitude, p. IX et 2.

[10] On pourrait dire que ces deux initiatives n’ont pas encore pris fin, car la Somalie, trente et unième État subsaharien concerné, n’a atteint qu’en 2020 le « point de décision », la première des deux étapes du processus (la seconde étant le « point d’achèvement »).

[11] Le capitalisme chinois, tout en profitant de la néolibéralisation de la mondialisation capitaliste, n’est pas soumis à la souverainté du capital privé, mais piloté par l’État chinois, dont le parti dirigeant, le Parti communiste chinois, a de nombreux milliardaires parmi ses membres, voire les membres du comité central. Le plus célèbre et plus riche milliardaire chinois, Jack Ma, est membre du parti (il n’en a pas été démissionné, malgré quelques désaccords, sur la relative autonomie de son empire économique, avec l’État chinois).

[12] Ernest Mandel, « La dynamique infernale de la spirale de l’endettement »,Inprecor, 217, 1986,http://www.inprecor.fr/article-La-dynamique-infernale-de-la-spirale-de-l’endettement?id=804, ouwww.cadtm.org/Coup-d-oeil-dans-le-retroviseur-La-dynamique-infernale-de-la-spirale-de-l

[13] Damien Millet, « L’initiative PPTE : entre illusion et arnaque », 2 décembre 2003,www.cadtm.org/L-initiative-PPTE-entre-illusion-et-arnaque ; Aminata Barry Touré, « Initiatives PPTE et allègement de la dette : Audit et répudiation », 19 août 2006,www.cadtm.org/Initiatives-PPTE-et-allegement-de,2010.

[14] Marin Ferry, Benoît Jonveaux, Maxime Terrieux, « La soutenabilité des dettes en Afrique : état des lieux et enjeux futurs », Macroéconomie et développement, mai 2021, n° 34, p. 17-23.

[15] De +10 points du Mali, Sénégal et Rwanda à +25 points du Congo-Brazzaville en passant par +17 points du Ghana et du Libéria, le +23 points du Niger, Anaïs Le Gouguec « L’Afrique aura-t-elle besoin d’une nouvelle initiative “Pays Pauvres Très Endettés” ? »,Trésor-Éco, n° 164, mars 2016, p. 4.

[16] Cf., par exemple, cette présentation de la crise précédente de la dette, Ernest Mandel, « La dynamique infernale de la spirale de l’endettement »,Inprecor, 217, 1986,http://www.inprecor.fr/article-La-dynamique-infernale-de-la-spirale-de-l’endettement?id=804.

[17] Avec aplomb, sans avoir pris le temps de s’informer, déjà, l’économiste sénégalais Felwine Sarr affirmait que « majoritairement (excepté pour la Chine) nous nous endettons à des taux concessionnels »(Felwine Sarr (propos recueillis par Folashadé Soulé et Camilla Toulmin),« Felwine Sarr : La crise du Covid-19 indique une nécessité de changement et de repenser le monde de demain »,ineteconomics.org,{}16 juin 2020,https://www.ineteconomics.org/perspectives/blog/felwine-sarr-la-crise-du-covid-19-indique-une-nécessité-de-changement-et-de-repenser-le-monde-de-demain). Alors que si les prêts de la Chine peuvent l’être à des taux supérieurs à ceux des autres créanciers bilatéraux (les États) ainsi que des multilatéraux (Banque mondiale, FMI, etc.), il n’atteignent pas généralement ceux des créanciers privés.

[18] Cf., par exemple, parmi les plus récents, « Les prêts chinois à l’Afrique pourraient déclencher une crise financière mondiale, selon Olaf Scholz [chancelier allemand] »,Agence Ecofin, 31 mai 2022,https://www.agenceecofin.com/actualites/3105-98211-les-prets-chinois-a-lafrique-pourraient-declencher-une-crise-financiere-mondiale-selon-olaf-scholz.

[19] Malick Diawara, « Dette et colonisation de l’Afrique : ces peurs que réveille la Chine »,Le Point Afrique, 2018,https://www.lepoint.fr/economie/dette-et-colonisation-de-l-afrique-ces-peurs-que-reveille-la-chine-03-09-2018-2247943_28.php.

[20] Chiara Filoni, « La politique de prêts chinoise en Afrique subsaharienne », 2 janvier 2020,www.cadtm.org/La-politique-de-prets-chinoise-en-Afrique-subsaharienne.

[21] Le dollar indiqué dans l’ensemble du texte est celui des États-Unis d’Amérique.

[22] Debt Justice (ex-Jubilee Debt Campaign), « African governments owe three times more debt to private lenders than China », 11 juillet 2022 ;https://debtjustice.org.uk/press-release/african-governments-owe-three-times-more-debt-to-private-lenders-than-china. En 2018 déjà, la même organisation affirmait que « ·20 % of African government external debt is owed to China·17 % of African government external interest payments are made to China·In contrast, 32 % of African government external debt is owed to private lenders, and 35 % to multilatéral institutions such as the World Bank·55 % of external interest payments are to private creditors »Jubilee Debt Campaign, « Africa’s growing debt crisis : Who is the debt owed to ? », october 2018 ; Nicolas Lippolis & Harry Verhoeven, « Politics by Default : China and the Global Governance of African Debt », Survival. Global Politics and Strategy, vol. 64, 2022, issue 3, p. 153-178,https://doi.org/10.1080/00396338.2022.2078054.Concernant la participation française, cf. Oxfam et la Plateforme Française Dette et Développement,Taux d’intérêts financiers, désintérêt humain. Le rôle des institutions financières françaises privées dans l’endettement des pays en développement, octobre 2021.{}La Banque africaine de développement aussi l’a affirmé dans l’édition 2021 de sesPerspectives de l’économie africaine :« Depuis 2015, les cinq principaux créanciers de l’Afrique sont les créanciers obligataires (27 % de la dette du continent à la fin 2019), la Chine (13 %), l’Association internationale de développement du Groupe de la Banque mondiale (IDA) (12 %), la Banque africaine de développement (7 %) et d’autres prêteurs multilatéraux (7 %). Les cinq principaux créanciers bilatéraux de l’Afrique sont la Chine (13 %), les États-Unis (4 %), la France (2,9 %), l’Arabie Saoudite (2,5 %) et le Royaume-Uni (2,4 %) »(p. 55-56)

[23] World Bank Group,International Debt Services 2022, Washington DC, World Bank, 2022, p. 39.

[24] Idriss Linge, « L’Afrique remboursera pour près de 100 milliards $ d’eurobonds dans les 10 prochaines années »,Agence Ecofin, 18 février 2021, https://www.agenceecofin.com/finance/1802-85326-l-afrique-remboursera-pour-pres-de-100-milliards-deurobonds-dans-les-10-prochaines-annees.

[25] Mthuli Ncube, Charles Leyeka Lufumpa, Steve Kayizzi-Mugerwa, « The Middle of the Pyramid : Dynamics of the Middle Class »,Market Brief,April 2011,http://www.afdb.org.Pour la diversité des discussions, critiques, de cette émergence de la classe moyenne africaine (valable pour la sous-région subsaharienne), cf., par exemple, celle antérieure à l’étude de la BAD, Jean-Christophe Servant, « Mirage des classes moyennes africaines »,Le Monde diplomatique, août 2010, p. 18 ; Jean Nanga, « Quel boom des classes moyennes en Afrique ? », 24 décembre 2014, www.cadtm.org/Quel-boom-des-ckasses-moyennes-en ; Alinah Segobye, Alioune Sall, Rasigan Maharajh and Geci Karuri-Sebina, « Whither the African Middle Class in a “African Rising” ? », inPerspectives Africa, issue 1, february 2014, p. 39-44 ; Henning Melber (ed.),The Rise of Africa’s middle class : Myths, realities, and critical engagements, London, Zed Books, 2016 ;Julie Vandal, « Classe moyenne africaine : les vœux pieux et la réalité »,RFI, 2 février 2018 ;https://www.rfi.fr/fr/hebdo/20180202-classe-moyenne-africaine-voeux-pieux-realite-societe-etudes-instituts.

[26] La pertinence de la catégorie de « classe moyenne » est discutée parmi les sociologues, son indéfinition explique l’usage du pluriel « classes moyennes », ne résolvant pas en fait le problème.

[27] Depuis 2018, la Banque mondiale, s’étant, rendue compte que ce seuil n’était pas bien raisonnable, en a ajouté deux autres, réservant celle-là aux pays dits à revenu faible (26) : 3,20 pour les pays à dits à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (14 pays subsahariens) et 5,50 dollars pour ceux de la tranche supérieure (8 pays) rejoignant presque ainsi l’Organisation internationale du travail qui fixait déjà l’extrême pauvreté à moins de 1,90 dollar, la « pauvreté modérée » entre 1,90 et 3,10 dollars, la « quasi-pauvreté » entre 3,10 et 5 dollars, et la « classe moyenne émergente » entre 5 et 13 dollars (Emploi et questions sociales dans le monde – Tendances pour 2016). La pauvreté, bien sûr, ne se limite pas au niveau monétaire, mais celui-ci détermine l’accès aux soins de santé, une scolarité normale, des conditions de logement décentes

[28] Le 1erdes Objectifs du millénaire pour le développement (« éliminer l’extrêmepauvreté et la faim ») visait la réduction de moitié du taux de pauvreté entre 2000 et 2015. Ce recul du taux est néanmoins, par sa faiblesse, un échec. De surcroît en période de forte croissance de l’Afrique en général, subsaharienne en l’occurrence.

[29] Beegle, Kathleen et Luc Christiaensen, (éds).,Accélérer la réduction de la pauvreté en Afrique.” Vue d’ensemble, Washington, DC : Banque mondiale, 2019, p. 1. La région Afrique de la Banque mondiale n’inclut pas l’Afrique du Nord.

[30] {}Selon l’édition 2019 desPerspectives économiques en Afrique, du Groupe de la Banque africaine de développement« Au cours des deux dernières décennies, l’Afrique a enregistré l’une des accélérations de croissance les plus rapides et les plus soutenues, mais cette croissance n’a pas été favorable à l’emploi. Une augmentation de la croissance du PIB de 1 % sur la période 2000-2014 n’a été associée qu’à une croissance de 0,41 % de l’emploi, ce qui correspond à un taux de croissance annuel de l’emploi inférieur à 1,8 %, soit bien en deçà des 3 % de croissance annuelle de la population active. Si cette tendance se maintient, 100 millions de personnes vont rejoindre les rangs des chômeurs en Afrique d’ici 2030 […] L’une des caractéristiques les plus saillantes du marché du travail en Afrique est la forte prévalence de l’emploi informel, option par défaut pour la grande majorité de la main-d’œuvre en expansion […] l’Afrique enregistre les taux estimés d’informalité les plus élevés au monde, avec 72 % (et même 90 % dans certains pays) des emplois non agricoles[…]. De plus, rien n’indique que l’informalité soit en recul en Afrique »p. xx,www.afdb.org.

[31] Josiane Kouagheu, « Eseka, un “mouroir” révélateur de l’état des hôpitaux camerounais »,Le Monde, 25 octobre 2017,https://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/10/25/a-eseka-un-mouroir-revelateur-de-l-etat-des-hopitaux-camerounais_5205677_3212.html ; Amaury de Féligonde, « Le secteur de la santé en Afrique … un patient à soigner d’urgence »,Jeune Afrique, 15 mai 2017, https://www.jeuneafrique.com/438829/societe/secteur-de-sante-afrique-patient-a-soigner-durgence/. L’Afrique du Sud n’est pas épargnée : « ’There’s a huge amount of fear, and of mental and emotional fatigue. We were working with a skeleton staff even before Covid-19 and now we’re down another 30%,’said Dr John Black. Last year, the BBC found poor conditions in hospitals in South Africa’s Eastern Cape province.’Services are starting to crumble under the strain. Covid has opened up all the chronic cracks in the system. It’s creating a lot of conflict,’he said, confirming reports that patients had been’fighting for oxygen’supplies in a ward at Livingstone Hospital in Port Elizabeth. »,Andrew Harding(Africa correspondent),« Coronavirus in South Africa Inside Port Elizabeth’s ’hospitals of horrors’ »,BBC News, 15 July 2020,https://www.bbc.com/news/world-africa-53396057.

[32] Viviane Diatta, « Seuls 6 pays consacrent 15 % de leur budget à la santé »,SenePlus, 6 mars 2019,https://www.enqueteplus.com/content/programme-de-sante-en-afrique-seuls-6-pays-consacrent-15-de-leur-budget-à-la-santé.

[33] Cf., par exemple, Clarisse Juompan-Yakam, « Mort tragique devant l’hôpital Laquintinie de Douala : “Je ne me serais jamais pardonné de n’avoir rien essayé” »,Jeune Afrique, 13 avril 2016,https://www.jeuneafrique.com/mag/315173/societe/ne-me-serais-jamais-pardonne-de-navoir-rien-essaye/.

[34] Il s’agit d’une tautologie, l’OMS tendant à oublier la définition de la santé dans sa Constitution :« La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité »(Constitution de l’Organisation mondiale de la santé, 1948) ». Elle n’est pas rappelée dans l’État de la santé dans la région africaine de l’OMS, car, par exemple, certains facteurs d’un bien-être social ne figurent pas parmi les cibles de l’ODD.

[35] Dans certains pays dit de revenu intermédiaire de la tranche inférieure comme le Congo, des classes de plus d’une centaine d’élèves, du primaire au secondaire, sont fréquentes, voire la norme, dans les établissements publics urbains. Ce que ne reflètent pas, par exemple, les ratios élèves/enseignant·e présentés dansRemédier à la pénurie. Garantir un nombre suffisant d’enseignants qualifiés et soutenu en Afrique subsahariennepar l’Équipe Spéciale internationale sur les Enseignants pour Éducation 2030.

[36] Cf., par exemple, Badara N’Diaye, « L’École de la dette au Sénégal », in Éric Toussaint, Arnaud Zacharie (dir.),Abolir la dette pour libérer le développement, CADTM, Bruxelles, 2001, p. 132-151.

[37] Ce qui peut s’expliquer aussi par la gabegie : par exemple, au Gabon, avant la baisse des cours du pétrole, principal source de recettes d’exportation, « 60 lycées prévus au budget de l’État en 2013 […] n’ont jamais vu le jour », Mays Mouissi, « Les carences du système éducatif au Gabon »,mays-mouissi.com, 17 mai 2015.

[38] « 33 millions d’enfants n’allaient pas à l’école en Afrique subsaharienne en 2012, dont 5,5 millions de filles au Nigéria et plus d’un million en Éthiopie […] 56 % des enfants non scolarisés s’avèrent être des filles », Franck Kuwonu, « Des millions de filles non scolarisées »,Afrique Renouveau, avril 2015, ,https://www.un.org/africarenewal/fr/magazine/août-2015/des-millions-de-filles-non-scolarisées ; Marie-Christine Deleigne, Marc Pilon, « Le taux de scolarisation à l’épreuve du genre en Afrique », in Mélanie Jacquemin (dir.),Être fille ou garçon : Regards croisés sur l’enfance et le genre, Ined Éditions, 2016,http://books.openedition.org/ined/4197.

[39] Keiko Inoue, Emanuela Di Gropello, Yesmin Sayin Taylor et James Gresham, Les jeunes non scolarisés et déscolarisés d’Afrique subsaharienne : Politiques pour le changement.Directions du développement. Washington DC, Banque mondiale, 2015, p. 25 ; DOI : 10.1596/978-1-4648-0688-9.

[40] Déclaration d’Incheon :{}« Éducation 2030 : Vers une éducation de qualité inclusive et équitable et un apprentissage tout au long de la vie pour tous », inForum Mondial de l’Éducation 2015- Rapport final, 21 mai 2015, Unesco, 2015.

[41] Union Africaine, Unicef,Transformer l’éducation en Afrique : un aperçu basé sur des données probantes et des recommandations pour des améliorations à long terme,{}(document non daté, mais mentionnant la Covid-19), p. 22.

[42] CEA, « La réalisation des ODD en Afrique ne sera possible qu’avec des données de haute qualité », 9 mai 2019,https://archive.uneca.org/fr/stories/la-réalisation-des-odd-en-afrique-ne-sera-possible-qu’avec-des-données-de-haute-qualité. Cf. aussi dans la même tendance illusionniste, Issa Faye, « La BAD pourrait jouer un rôle catalytique et accompagner ses pays membres dans la mise en œuvre des ODD », 5 novembre 2015,https://www.afdb.org/fr/interview/02/21/2019-0953/la-bad-pourrait-jouer-un-role-catalytique-et-accompagner-ses-pays-membres-regionaux-dans-la-mise-en-œuvre-des-odd-entretien-avec-issa-faye-manager-au-departement-de-la-recherche-de-la-bad-6952.

[43] Conseil économique et social des Nations unies, Edition spéciale : point sur les objectifs de développement durable. Rapport du Secrétaire général, 8 mai 2019,E/2019/68, p. 29.

[44] Le FMI parle aussi des« dépenses prioritaires nécessaires à la promotion de la convergence sociale », Communiqué de presse n° 22/120 « Côte d’Ivoire : Déclaration des services du FMI à l’issue de leur mission de 2022 au titre de l’article IV », 22 avril 2022,https://www.imf.org/fr/News/Articles/2022/04/15/pr22120-cote-divoire-imf-staff-completes-2022-article-iv.mission-.

[45] La Commission des entreprises et du développement durable – composée de chefs d’entreprises – s’intéresse aux ODD, en toute évidence, pour ce qu’elle pourra rapporter, vu que la durabilité est censée ne pas changer fondamentalement le système économique, mais juste« transformer les marchés » : « La réalisation des Objectifs mondiaux génèrerait des opportunités d’une valeur de 12 000 milliards de dollars dans les quatre systèmes économiques examinés par la Commission. On compte parmi ceux-ci les secteurs de l’agro-alimentaire, de l’urbanisme, de l’énergie et des matériaux, de la santé et du bien-être. Ensemble, ces activités comptent pour quelque 60 pour cent de l’économie réelle et sont essentielles à la réalisation des Objectifs mondiaux »,Rapport de la Commission des entreprises et du développement durable : De meilleures entreprises, un monde meilleur. Note de synthèse, janvier 2017, p. 3,https://sdgresources.relx.com/reports/better-business-better-world-executive-summary.

[46] CNUCED,Rapport 2020 sur le développement économique en Afrique : Les flux financiers illicites et le développement durable en Afrique.

[47] En Afrique du Sud, sous la pandémie, s’est poursuivie« la fuite des capitaux (témoin la sortie de 1,75 milliard d’USD[dollars états-uniens]des portefeuilles sud-africains observée au cours du mois de mars »,Cesar Calderon, Gerard Kambou, Calvin Z Djiofack, Megumi Kubota, Vijdan Korman, Catalina Cantu Canales,Africa’s Pulse, No. 21 (Avril 2020). Washington, DC. La Banque mondiale, 2020, p. 2, Doi : 10.1596/978-1-4648-1569-0.

[48] Rémi Vilain, « Flux financiers illicites : Afrique première créancière du monde », 15 octobre 2020,www.cadtm.org./Flux-financiers-illicites-Afrique-première-cranciere-au-monde.

[49] « Scandale de la dette cachée au Mozambique : où sont passés les 2 milliards de dollars ? »,Jeune Afrique,https://www.jeuneafrique.com/1226640/economie/scandale-de-la-dette-cachee-au-mozambique-ou-sont-passes-les-2-milliards-de-dollars/. Le{}Mozambique, auparavant bon élève de la BM et du FMI, était confronté à des émeutes de la faim, contre l’étalage d’enrichissement des gouvernants, dirigés par le millionnaire Guebuza.

[50] Wei Shan, Guangqi Cui, « Johannesburg compte le plus grand nombre de millionnaires en Afrique »,french.peopledaily.com, 7 septembre 2015,http://french.peopledaily.com.cn/Afrique/n/2015/0907/c96852-8946371.html.

[51] Par exemple, l’affaire de la dette extérieure cachée de 2 milliards de dollars, empruntés par des entreprises privées (mozambicaines et étrangères) et garanties par l’État mozambicain, moyennant corruption, pendant des années de forte croissance (2011-2014), et constituant un des facteurs du surendettement mozambicain, ayant entrainé un gel des relations du Mozambique avec le FMI, de 2016 à 2022 cf., par exemple, Mathieu Olivier, « Dette cachée : le scandale qui ébranle le Mozambique »,Jeune Afrique, 27 mars 2019,https://www.jeuneafrique.com/mag/752779/politique/dette-cachee-du-mozambique-le-scandale-qui-ebranle-la-republique/.

[52] James K. Boyce, Léonce Ndikumana, « Fuite des capitaux arrêter le pillage de l’Afrique pour éviter l’explosion sociale »,Jeune Afrique17 janvier 2022,https://www.jeuneafrique.com/1279612/economie/fuite-des-capitaux-arreter-le-pillage-de-lafrique-pour-eviter-lexplosion-sociale/ ; Ristel Tchounand, « FinCEN Files : l’argent « blanchi » par les banques mondiales implique (aussi) des oligarques dans 22 pays d’Afrique »,La Tribune Afrique, 23 septembre 2020 (devenu inaccessible sur le site deLa Tribune Afrique, il est accessible sur celui de La Terangahttps://www.lateranga.info/FinCEN-Files-l-argent-blanchi-par-les-banques-mondiales-implique-aussi-des-oligarques-dans-22-pays-d-Afrique_a65903.html.

[53] Bien que chacune personne qui meurt, surtout si cette mort aurait pu être empêchée, est toujours un drame pour ses proches, on peut dire que l’hécatombe redoutée, un taux de mortalité beaucoup plus élevé en Afrique qu’ailleurs, n’a pas eu lieu : 4 % des décès enregistrés dans le monde. Ce qui s’explique aussi bien par la promptitude des gouvernants à instaurer les mesures déjà éprouvées ailleurs que par des facteurs démographiques, climatiques.

[54] Club de Paris « Initiative pour la suspension du service de la dette - Modèle de lettre de demande »https://clubdeparis.org/fr/file/3019/download?token=lQsy4t1N.

[55] Club de Paris, « Initiative de suspension du service de la dette pour les pays les plus pauvres. Fiche descriptive », 16 avril 2020, https://clubdeparis.org/fr/communications/communique-presse/suspension-du-service-dette-pays-plus-pauvres-addendum-15-04-2020.

[56] Club de Paris, « Dernière extension de l’initiative de suspension du service de la dette », Communiqué de presse, 13 avril 2021,https://clubdeparis.org/fr/communications/communique-presse/derniere-extension-initiative-suspension-du-service-dette-issd-13.

[57] Des États africains ont soit embarqué au départ et sont descendus en chemin, soit ont pris le train en marche, après avoir annoncé ne pas vouloir s’embarquer. Ainsi, la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie, le Lesotho, Madagascar n’y ont participé que de mai 2020 à juin 2021 ; la Guinée-Bissau et l’Ouganda, de janvier 2021 à juin 2021 ; le Kenya, de janvier 2021 à décembre 2021 ; São Tomé-et-Principe, de mai 2020 à décembre 2020. N’ont pas participé parmi les éligibles : Bénin, Ghana, Liberia, Nigeria, Rwanda, Somalie, Soudan du Sud. Cependant le Liberia figure dans le tableau de Debt Justice avec 78 % du service de la dette suspendu en fin juin 2021 (« G20 initiative leads to less than a quarter of debt payments being suspended ») Les intérêts de la dette de toute l’Afrique s’élevait en 2020 à 44 milliards de dollars. Par ailleurs, la liste du FMI compte 48 participants, contre 42 pour la liste du Club de Paris.

[58] Calculé à partir du tableau annexé à Club de Paris, « Le Club de Paris a mis en œuvre avec succès l’ISSD et ses extensions », Communiqué de presse, 23 février 2022,https://clubdeparis.org/fr/communications/communique-presse/club-paris-a-mis-œuvre-succes-issd-ses-extensions-23-02-2022.

[59] Iolanda Fresnillo etalii, Initiative de suspension du service de la dette du G20 : écoper le Titanic avec un seau ?{{}}Rapport parallèle d’Eurodad sur les limites de l’Initiative de suspension du service de la dette du G20,octobre 2020,https://d3n8a8pro7vhmx.cloudfront.net/eurodad/pages/768/attachments/original/1603714545/Rapport-ISSD-FR.pdf?1603714545. Une synthèse du rapport est publiée sur le site duCADTM :Romain Compère, « Les limites du système ISSD (Initiative de suspension du service de la dette) du G-20Synthèse du rapport EURODAD », 7 décembre 2020,www.cadtm.org/Les-limites-du-systeme-ISSD-Initiative-de-suspension-du-service-de-la-dette-du.

[60] CADTM International, « Le CADTM condamne les mesures du G20 sur la dette », 16 octobre 2020,19060.

[61] Données de la Banque mondiale pour les services de la dette.

[62] « La Chine condamne les tentatives américaines de calomnier sa politique d’aide étrangère », Xinhua, 22 juillet 2022, .http://french.xinhuanet.com/20220722/37d1d99c924b4e47a8718705070baf42/c.htm.

[63] Selon Marie Toulemonde « Dette : qui sont les créanciers de l’Afrique ? »,Jeune Afrique, 9 juillet 2021,https://www.jeuneafrique.com/1196909/economie/dette-qui-sont-les-creanciers-de-lafrique. Ainsi, le Rwanda, dont la Banque mondiale est le principal créancier multilatéral – par ailleurs non exposé alors au surendettement – a jugé inutile de participer à l’ISSD.

[64] Club de Paris, « Initiative de suspension du service de la dette pour les pays les plus pauvres. Fiche descriptive »,15 avril 2020, https://clubdeparis.org/fr/communications/communique-presse/suspension-du-service-dette-pays-plus-pauvres-addendum-15-04-2020

[65] Par exemple, selon lesPerspectives économiques de l’Afrique 2019de la BAD,« La composition de la dette en Afrique a évolué, les pays ayant une tendance à délaisser la dette extérieure officielle et à conditions préférentielles, en faveur de la dette commerciale, qui implique des coûts de service plus élevés »(p. 21).

[66] Jubilee Debt Campaign, « How the G20 debt suspension initiative benefits private lenders », october 2021, sur https://jubileedebt.org.uk/ ou.

[67] Cf., par exemple, Jean Mermoz Konandi, « Créances privées : S&P met en garde les pays bénéficiaires de l’ISSD »,SikaFinance, 17 février 2021,{}https://www.sikafinance.com/marches/creances-privees-sp-met-en-garde-les-pays-beneficiaires-de-lissd_26661 ; la réaction officielle sénégalaise à la tentative d’intimidation par l’agence Moody’s :Ministère sénégalais des Finances et du Budget, « Note d’information sur l’annonce de Moody’s de mettre le Sénégal sous revue pour dégradation »,Financial Afrik, 13 juin 2020,https://www.financialafrik.com/2020/06/13/note-dinformation-sur-lannonce-de-moodys-de-mettre-le-senegal-sous-revue-pour-degradation/. Cette note, mentionnant aussi les précédents ivoirien et éthiopien – celle-ci étant aussi coupable d’avoir, après le Tchad, demandé de restructuration par le Cadre commun – (il y en a eu d’autres) de l’agence de notation, n’est pas une critique de la réaction de Moody’s, mais une précision sur le fait que la note du Sénégal n’était pas dégradée, mais qu’elle était juste placée en revue, situation« pouvant mener à une dégradation. L’État du Sénégal continue d’avoir une approche proactive durant la période de surveillance. Il s’agira de continuer à produire les éléments susceptibles de prouver la volonté et la capacité du Sénégal à assurer le service de la dette, malgré son adhésion à l’ISSD ». Les créanciers recourent aux agences de notation, comme à des gangs ou milices privées pour “discipliner”, ramener à leur raison un ou des clients considérés comme en voie d’insoumission.

[68] Kristalina Georgieva, « Debout avec et pour l’Afrique. observations de la Directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, lors de la table-ronde sur le financement pour une croissance durable et inclusive en Afrique, à l’occasion du sommet Union européenne-Union africaine », 18 février 2022,https://www.imf.org/fr/News/Articles/2022/02/18/sp021822-stepping-up-with-and-for-Africa.

[69] Jubilee Debt Campaign, « How the G20 debt suspension initiative benefits private lenders ».

[70] Éric Toussaint,Le système dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les Liens qui Libèrent, 2017.

[71] Communiqué : « Deuxième réunion du Comité des créanciers pour la Zambie au titre du cadre commun de traitement de la dette au-delà de l’ISSD », 18 juillet 2022,

[72] Milan Rivié et Éric Toussaint, « Effet d’annonce du FMI à propos de 650 milliards de dollars de Droits de Tirage Spéciaux », 7 septembre 2021,www.cadrm.org/Effet-d-annonce-du-FMI-a-propos-de-650-milliards-de-dollars-de-Droits-de-Tirage.

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