Édition du 22 avril 2025

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Santé

Amendements au projet de loi 83 : Une stratégie molle pour faire face à l'exode des médecins vers le privé

MONTRÉAL, le 22 avril 2025 - Le projet de loi 83 favorisant l’exercice de la médecine au sein du réseau public de la santé et des services sociaux sera adopté cette semaine à l’Assemblée nationale du Québec. Lors de l’étude détaillée, le ministre de la Santé et des services sociaux, Christian Dubé, a apporté des amendements au PL 83. Néanmoins, la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles affirme qu’il s’agit de mesures nettement insuffisantes pour contrer l’exode des médecins vers le secteur privé.

Dans cette nouvelle mouture du projet de loi, Santé Québec évaluera la pertinence de la demande d’un médecin qui souhaite se désaffilier du système public selon les critères suivants :

 Le nombre de médecins déjà non participants dans la région où le médecin entend exercer et si ce nombre est trop élevé pour que les services assurés puissent continuer à être rendus selon des conditions uniformes ;

 les répercussions de l’autorisation sur la qualité ou l’accessibilité des services assurés dans une telle région ;

 la capacité du médecin à contribuer à l’amélioration de la qualité et de l’accessibilité des services assurés dans la région ;

 si le médecin envisage de changer de région après avoir obtenu l’autorisation, l’évaluation doit également tenir compte de sa région actuelle.

À l’heure actuelle, les critères établis par le ministre Dubé nous laissent perplexes et soulèvent plus de questions qu’ils n’amènent de réponses.

« Considérant la pénurie actuelle de médecins, combien exactement de médecins dans une région donnée peuvent êtrenon-participants sans que les services assuréssoient mis en péril ?, se questionne William Archambault, membre du Comité de lutte en santé de la Clinique communautaire. Aussi, les répercussions d’une autorisation à quitter le système public sur la qualité ou l’accessibilité des services assurés doivent être clairement définies. Les amendements fournis par Christian Dubé laissent trop de place à l’interprétation. Ils accordent à Santé Québec un pouvoir discrétionnaire sans ligne définie et surtout qui ne repose sur aucune donnée probante. De plus, le projet de loi 83 ne fait absolument rien pour inciter les 800 médecins qui ont fait le saut au privé à réintégrer le système public, ni pour s’assurer que les futurs médecins ne passent pas au privé après leurs cinq années réglementaires. »

À cet effet, la Clinique communautaire propose deux mesures concrètes pour limiter, et idéalement réduire - voire éliminer - la pratique médicale en clinique privée.

En premier lieu, il faut abolir le statut de médecin « non-participant ». Comme dans la vaste majorité des autres provinces canadiennes, seul le statut de « désengagé » devrait être permis pour les médecins qui ne veulent pas pratiquer au sein du régime public. Notons qu’un médecin désengagé doit obligatoirement appliquer les grilles tarifaires de la Régie de l’assurance-maladie du Québec pour une consultation, ainsi que pour toute chirurgie ou opération pratiquée dans une clinique médicale spécialisée privée. Ce petit changement aurait l’énorme avantage d’éliminer l’attrait financier du privé pour nos médecins.

En second lieu, il faut impérativement agir pour freiner les allers-retours de nombreux médecins qui passent allègrement du système public au secteur privé plusieurs fois par année. Ce stratagème, cautionné par l’état, permet entre autres à des médecins spécialistes d’offrir aux patients et patientes sur leurs listes d’attente les chirurgies qu’ils ou elles espèrent depuis de nombreux mois, et ce à des coûts faramineux dans des cliniques spécialisées privées. Cette pratique est un exemple concret d’une médecine à deux vitesses où les personnes plus nanti•e•s obtiennent des soins plus rapidement alors que celles qui n’ont pas les moyens de payer poireautent sur d’interminables listes d’attente.

À titre d’effet dissuasif, la Clinique communautaire propose de faire passer le délai pour se désaffilier de la RAMQ de 30 jours à huit mois. De plus, ces allers-retours ne pourraient être possibles qu’à deux reprises sur une période de cinq années.

« Si le ministre Dubé souhaite réellement freiner la privatisation des soins de santé au Québec, il doit mettre en application nos deux recommandations dans les plus brefs délais, explique Marie-Chantal Vincent, membre du Comité de lutte en santé de la Clinique. Il faut impérativement inverser la tendance lourde au Québec où la prestation des soins de santé repose de plus en plus sur un modèle d’affaires. »

Rappelons que le Québec est la province championne du nombre de médecins qui travaillent dans le secteur privé, et de loin. Lors du dernier recensement publié dans la Gazette officielle du Québec, plus de 800 médecins se sont retirés du régime public, alors que dans le reste du Canada, on en compte que quelques dizaines.

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