15 avril 2025 | tiré d’Europe solidaire sans frontières | source : mediapart.fr
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article74585
Un tableau de bord dont tous les voyants clignoteraient en rouge : telle est la funeste impression qui affleure à la lecture du huitième rapport annuel sur l’état du climat en Europe. Publiée mardi 15 avril par l’Organisation météorologique mondiale et l’observatoire européen du climat Copernicus, cette étude a été pilotée par une centaine de scientifiques, qui ont rassemblé environ soixante ensembles de données ayant trait à la température de l’air, aux précipitations, au rayonnement solaire ou encore à la couverture neigeuse.
« En combinant informations satellitaires et données de surface relevées sur le terrain, nous pouvons obtenir une image extrêmement précise de l’état actuel de la planète. Et nos mesures démontrent que l’Europe est le continent qui se réchauffe le plus au monde »,indique Florence Rabier, directrice générale du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme, acteur clé de Copernicus.
Selon le rapport, la température moyenne de la planète a augmenté de 1,3 °C depuis l’ère préindustrielle, mais l’Europe s’est déjà réchauffée de 2,4 °C. Une surchauffe qui s’intensifie puisque 2024 a été l’année la plus chaude jamais mesurée sur le continent.

L’Europe du Sud-Est a connu treize jours consécutifs de canicule durant l’été 2024, soit la plus longue vague de chaleur jamais enregistrée dans la région. Les scientifiques soulignent que le 17 juillet 2024, 20 % du territoire européen a été frappé par un « stress thermique très fort », à savoir une température maximale ressentie d’au moins 38 °C, un record depuis le début des relevés en 1950.
Idem pour la température de surface des eaux européennes. Elle a été en 2024 la plus élevée jamais relevée, avec, pour la mer Méditerranée, un mercure qui a atteint 1,2 °C au-dessus de la moyenne. Ces mesures confirment, comme l’a souligné le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), que ce bassin est une des régions mondiales les plus touchées par le réchauffement.
Une Europe de l’Ouest sous les pluies
« Le deuxième point saillant de notre étude est qu’on a observé un contraste assez marqué entre l’ouest et l’est de l’Europe, explique à Mediapart Julien Nicolas, climatologue à l’observatoire Copernicus. Si l’Europe centrale et orientale a connu des températures annuelles moyennes record, en revanche, en Europe de l’Ouest, 2024 a été une des dix années les plus humides depuis 1950. »
En conséquence, le continent a enregistré ses plus grandes inondations depuis 2013. Les chercheurs et chercheuses avancent que 30 % du réseau fluvial européen a été sujet à des crues importantes. Par exemple, en septembre, les fortes précipitations apportées par la tempête Boris ont touché des centaines de milliers de personnes en Allemagne, en Italie, en Hongrie ou en Slovaquie. Le long d’un total cumulé de 8 500 kilomètres de cours d’eau, les débits des rivières ont alors atteint au moins le double de leur maximum annuel moyen.

Des habitants nettoient les routes après les inondations dans la région de Valence (Espagne), le 30 octobre 2024. © Photo Alex Juarez / Anadolu via AFP
Puis fin octobre, en Espagne, la province de Valence et les régions voisines ont connu des précipitations extrêmes causant 232 décès. La France n’est pas en reste, avec des pluies exceptionnelles mesurées en mai dans l’est du pays, puis en octobre dans les départements de l’Ardèche, de la Loire ou de la Seine-et-Marne. D’après les scientifiques, les tempêtes et les inondations ont touché en 2024 environ 413 000 Européen·nes et causé la mort d’au moins 335 personnes.
L’urgence de l’adaptation
« On voit dans ce rapport que les événements climatiques extrêmes en Europe, alors qu’on parle de sociétés qui ont commencé à intégrer les contraintes du réchauffement global, font déjà beaucoup de dégâts et de victimes », analyse pour Mediapart Davide Faranda, directeur de recherche en climatologie au CNRS.
L’étude conjointe de Copernicus et de l’Organisation météorologique mondiale dévoile par ailleurs que l’année 2024 a été marquée par des pertes de masse record pour les glaciers du nord de l’Europe, notamment en Scandinavie et dans les îles du Svalbard – un archipel norvégien situé à l’est du Groenland. Quant aux Alpes, elles demeurent une des régions de la planète où les glaciers diminuent le plus.
Pour terminer, les mégafeux eu Europe ont touché l’an dernier environ 42 000 personnes. Rien qu’au Portugal, en septembre 2024, les incendies ont ravagé 110 000 hectares de végétation en une semaine, soit environ un quart de la superficie totale brûlée cette année sur l’ensemble du continent.
D’après le climatologue Julien Nicolas, le fait que l’Europe soit un hot spot (ou point chaud)du changement climatique s’explique par le réchauffement qui provoque « des dérèglements de la circulation atmosphérique mondiale, et donc du mouvement des masses d’air à grande échelle ayant tendance, en Europe, à faire augmenter les températures ». De plus, le continent est situé à la fois à proximité de l’Arctique, dont la température s’élève presque quatre fois plus rapidement que sur le reste du globe, et de la Méditerranée, une mer fermée qui se réchauffe à grande vitesse.
« Chaleurs extrêmes, pluies et inondations catastrophiques, fonte des glaciers : toute cette série d’événements en 2024 montre l’urgence pour l’Europe de s’adapter à ces nouvelles conditions climatiques », conclut Julien Nicolas.
Les dégâts causés par les seules tempêtes et les inondations survenues en Europe en 2024 sont estimés à au moins 18 milliards d’euros, souligne le rapport. Si l’étude salue le fait que 51 % des villes européennes ont adopté des plans d’adaptation au changement climatique, elle rappelle que le Vieux Continent est une des zones de la planète où l’on prévoit la plus forte augmentation du risque d’inondation et où un réchauffement de 1,5 °C pourrait entraîner 30 000 décès par an en raison de la chaleur extrême.
Mais à l’heure de l’ébullition climatique, le chemin politique de l’adaptation et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre semble de plus en plus se rétrécir en Europe. Après que l’Union européenne a lancé en 2020 son « Pacte vert » – un plan climat visant une baisse des émissions de 55 % d’ici à 2030 –, la Commission européenne et le Parlement européen ont débuté depuis quelques semaines le détricotage de textes clés de cette feuille de route climatique.
Le 8 avril, selon l’observatoire européen Copernicus, les températures européennes ont pourtant encore atteint des records, le mois de mars 2025 ayant été le plus chaud jamais enregistré depuis l’ère préindustrielle.
Mickaël Correia
P.-S.
• Mediapart. 15 avril 2025 à 07h11 :
https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/150425/climat-l-europe-est-le-continent-qui-se-rechauffe-le-plus-vite
Les articles de Mickaël Correia sur Mediapart :
https://www.mediapart.fr/biographie/mickael-correia-0
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