Édition du 26 mars 2024

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Comment sortir du piège afghan ?

Si peu à peu tout le monde s’accorde à considérer qu’il n’y aura pas de solution militaire, rares sont ceux qui acceptent d’en tirer la conséquence : la nécessité d’entamer un dialogue de réconciliation nationale avec les talibans et tous les chefs de guerre dont les querelles anciennes sont pour partie responsables des violences qui ensanglantent le pays. Li Qinggong, Secrétaire général adjoint du Conseil National de Sécurité chinois, déroule la feuille de route proposée par la Chine. Loin d’aider à la résolution du conflit, juge-t-il, l’engagement militaire américain ne fait qu’aggraver la situation. Mais selon lui, l’opposition montante à la guerre pourrait permettre à Obama de sortir de la logique militaire qui prévaut au Pentagone et d’organiser sous l’égide de l’ONU une conférence de paix internationale.

par Li Qinggong, Secrétaire général adjoint du Conseil National de Sécurité chinois, China Daily, 28 septembre.

La discorde politique et sociale en Afghanistan a été aggravée par les divers objectifs poursuivis par les nations qui participent aux forces de la coalition.

À court terme, le fragile gouvernement afghan éprouve des difficultés à maîtriser une situation intérieure troublée. Il existe pourtant une voie qui pourrait contribuer à sortir le pays de sa situation, si les acteurs majeurs adoptaient une approche pacifique de réconciliation dans leurs efforts pour mettre fin à la guerre.

Les États-Unis devraient d’abord mettre un terme à la guerre. La guerre contre le terrorisme que George W. Bush a lancé en 2001 s’est avérée être la cause des problèmes et de la violence incessante durant ces dernières années.

Pour promouvoir la réconciliation si nécessaire entre les parties concernées, les États-Unis doivent mettre fin à leur action militaire. La guerre n’a pas apporté la paix et la sécurité à la nation islamique comme l’administration Bush l’avait promis à l’origine, pas plus qu’elle n’a conféré d’avantages tangibles pour les États-Unis eux-mêmes. Au contraire, la légitimité de l’action militaire américaine fait l’objet d’un doute croissant.

L’opinion des américains sur la guerre a beaucoup changé. Selon un récent sondage, le soutien à la guerre a diminué, passant de 53 pour cent en avril à 39 pour cent, tandis que les opposants à la guerre sont passés de 46 pour cent à 58 pour cent. Le Congrès américain a également émis des doutes sur la stratégie en Afghanistan de l’administration Obama. L’opposition à la guerre de 74 pour cent des démocrates et de 70 pour cent des indépendants pourrait constituer un frein important contre une escalade militaire de l’administration, d’autant plus que le nouveau président ne peut se permettre de jouer son destin politique sur une guerre impopulaire.

Depuis sa prise de fonctions en tant que président, Obama a subi la pression du Pentagone pour l’envoi de renforts militaires en Afghanistan. Le soutien des opposants à la guerre, s’ajoutant à ses partisans, donnera au jeune président des États-Unis la meilleure chance de se dégager des pressions du Pentagone. Si Obama décide résolument d’arrêter la guerre, cela permettrait non seulement de répondre aux attentes de l’opinion publique américaine et de sauver plus de vies américaines, mais l’aiderait aussi à restaurer l’image pacifique des Etats-Unis et améliorerait les perspectives politiques du président.

Une autre façon d’aider l’Afghanistan à sortir de l’impasse actuelle consisterait à promouvoir la réconciliation entre le gouvernement afghan, les talibans et les principaux chefs de guerre, qui sont tous des acteurs clés pouvant jouer un rôle influent pour déterminer l’avenir du pays. En dehors du facteur américain, le chaos régnant en Afghanistan est aussi étroitement lié aux luttes de longue date entre les factions nationales. L’Afghanistan a connu durant son histoire de nombreuses guerres et conflits, y compris l’invasion par l’Union soviétique dans les années 1980 et la guerre américaine. Cette nation asiatique ravagée par la guerre est engagée dans une bataille chaotique qui implique les forces de la coalition dirigée par les USA, les troupes gouvernementales, les seigneurs de la guerre, les talibans et les forces d’Al-Qaïda. Ces affrontements multiples ne sont profitables à quiconque, et n’ont fait que de provoquer des souffrances indicibles pour le peuple afghan.

Le désordre politique qui règne en Afghanistan est également une cause première du chaos régnant dans le pays. L’élection présidentielle qui s’est tenue le 20 août a jusqu’à présent échoué à délivrer un résultat final.

Le recomptage des votes dans plus de 600 bureaux de vote dans lesquels se seraient déroulées des fraudes devrait durer encore deux ou trois mois, ce qui permettra au chaos de s’accroitre. Les États-Unis ont exhorté le président afghan Hamid Karzai à organiser un second tour de scrutin. Karzaï semble être persuadé que les États-Unis ne sont pas un partenaire fiable qui pourrait aider à mettre fin aux difficultés actuelles de l’Afghanistan. Le dialogue, estime-t-il, est la seule issue. Le président afghan pourrait sans doute ouvrir un processus de pourparlers de paix tripartites avec les Talibans et les principaux chefs de guerre à condition que les États-Unis mettent fin à leur intervention militaire.

Le soutien de la communauté internationale est nécessaire pour aider l’Afghanistan à se diriger réellement vers la paix. La communauté internationale peut profiter de l’opposition croissante à la guerre aux États-Unis pour demander à l’administration Obama d’y mettre fin et de retirer les troupes américaines. L’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne ont prévu de tenir une conférence internationale cette année pour discuter du retrait progressif des militaires déployés en Afghanistan. Des pressions internationales pourraient fournir à Obama une autre excuse pour retirer les troupes américaines. Le Conseil de Sécurité devrait prendre le relais des trois nations européennes, convoquer une conférence sur la question de l’Afghanistan, tenter de parvenir à un consensus entre les cinq membres permanents du Conseil de sécurité et rédiger une feuille de route et un calendrier pour la résolution de cet épineux problème. Durant ce processus, les questions délicates seront de savoir si les parties concernées peuvent accepter les talibans en tant qu’acteur clé en Afghanistan et comment régler le cas des miliciens d’Al-Qaïda, une question qui revêt une influence clé sur l’issue de la conférence internationale sur la question de l’Afghanistan.

Assurément, une mission de maintien de la paix internationale serait nécessaire en l’absence des troupes américaines. Avec l’aide internationale de soldats de la paix, le gouvernement afghan et ses forces de sécurité peuvent espérer maîtriser les troubles intérieurs et maintenir la paix et la sécurité.

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