Édition du 26 mars 2024

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France : Temps de travail LE COUP FOURRÉ DU PREMIER MINISTRE

M. Fillon a profité de la trêve des confiseurs pour esquisser son projet d’abrogation de la durée légale du travail. Il souhaite que celle-ci soit à l’avenir fixée dans chaque entreprise, via des accords collectifs ou individuels.

La trêve des confiseurs est souvent propice aux coups fourrés ! C’est entre Noël et le Nouvel an que le Premier ministre François Fillon a esquissé son projet d’abolition de durée légale du travail. Le 27 décembre, il a sommé les organisations syndicales et patronales de conclure des négociations sur le sujet avant le 31 mars pour que le gouvernement puissent légiférer ensuite. Selon le « document d’orientation » reçu par les interlocuteurs sociaux, ces négociations auront pour but « de parvenir à un droit de la durée du travail plus lisible et plus adaptable aux réalités du terrain », car, est-il expliqué, « les règles régissant la durée du travail sont encadrées par une série de plafonds, de seuils, de contingents et d’autorisations dont la justification est souvent fragile ou datée ».

Exposé sous forme d’interrogations feintes, le texte de Matignon pose d’emblée les résultats concrets auxquels ces discussions devront aboutir. « Quel doit être le domaine réservé impérativement à la loi ? Celui-ci ne doit-il pas être recentré notamment sur la définition des règles nécessaires à la protection de la santé et de la sécurité des salariés ? ». « A-t-il ainsi vocation à fixer des règles en matière de contingent et de repos compensateur ? ». « Quel doit être le domaine réservé aux accords collectifs ? ». « A quelle condition de validité devrait être soumis un accord d’entreprise pour qu’il puisse librement déterminer les règles applicables en matière de durée du travail, dans le respect de limites maximales prévues par la loi : seuil de déclenchement des heures supplémentaires, taux de majoration applicables ? ». « Quel espace doit être réservé à l’accord direct entre le salarié et son employeur en matière de durée du travail, notamment en matière d’arbitrage entre le travail et le repos ? ».

A terme, l’Etat se contenterait uniquement de faire respecter le cadre (européen) horaire maximal, soit 48 heures hebdomadaire au-delà duquel aucun travail ne peut être ni demandé, ni effectué. Et laisser ainsi les entreprises manœuvrer librement à l’intérieur de ce plafond avec le luxueux loisir de fixer elles-mêmes le seuil déclenchant les heures supplémentaires et le niveau de leur majoration (25% à partir de la 36ème heure et 50% au-delà de la 43ème heure, selon la réglementation actuelle). En clair, syndicats et patronat sont appelés à s’entendre pour dynamiter la durée légale en systématisant les accords « majoritaires » d’entreprise ou les accords individuel dits de gré à gré. Une aubaine pour le MEDEF qui revendique depuis des lustres que le temps de travail et le seuil de déclenchement des heures supplémentaires soient définis « exclusivement » au niveau des entreprises. Mais, une perspective qu’aucun syndicat n’est disposé à négocier.

« Il y a une volonté sans le dire et un peu hypocrite de vouloir remettre en cause la durée légale en tant que telle et ce n’est pas acceptable », a réagi le secrétaire général de FO Jean-Claude Mailly, selon qui, « nous ne pouvons pas accepter que la durée du travail puisse être différente d’une entreprise à une autre, voire d’un salarié à un autre » Pour lui, le Premier ministre « sait très bien que sur ces questions-là, la négociation ne pourra pas fonctionner. Ce n’est pas un objet de négociation ! Donc, d’une certaine manière, on fait semblant de nous consulter et après, on passe en force ». A la CGT, on a dénoncé une « reprise quasi in extenso de la revendication du MEDEF » par le gouvernement. C’est une « remise en cause de la notion de durée légale du travail commune à l’ensemble des salariés serait sans doute une régression de plus d’un siècle », a-t-elle ajouté. Pour la CFTC aussi, les pouvoirs publics « font prévaloir la logique du MEDEF sans considération aucune pour les salariés à qui on voudrait faire croire qu’ils pourraient ainsi décider ou avoir un peu la maîtrise de leur temps de travail ». Comment leur faire croire surtout qu’ils pourront « travailler plus pour gagner » grâce aux RTT et aux heures Sup’ alors que le projet Fillon veut en finir (de gré ou de force) avec les 35 heures ?


Source : http://www.force-ouvriere.fr/

Mots-clés : Communiqués

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