Édition du 30 avril 2024

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États-Unis

Géographie de la violence : les États-Unis en pole position

Le retour de Trump sur la scène électorale (il vient de gagner la 2e étape des primaires républicaines) met en relief une des particularités des États-Unis : ils sont l’un des États les plus violents de la planète.

Manouk BORZAKIAN (Lausanne), Gilles FUMEY (Sorbonne Univ./CNRS). Renaud DUTERME (Arlon, Belgique), Nashidil ROUIAI (Université de Bordeaux).

24 janvier 2024 | Billet de Blog
https://blogs.mediapart.fr/geographies-en-mouvement/blog/240124/geographie-de-la-violence-les-etats-unis-en-pole-position

On ne parle pas d’un État failli comme certains qui ploient sous les coups des gangs, mais bien d’un pays qui revient tous les quatre ans dans une joute électorale démocratique qui se termine, depuis quelques scrutins, par une contestation des résultats. Un pays menacé par un parti non loin d’adouber Donald Trump pour la prochaine campagne présidentielle puisqu’il vient de remporter la deuxième manche des primaires dans le New Hampshire après l’Iowa. Un parti « axé sur le culte de la personnalité, qui a fait du trumpisme un populisme, un anti-internationalisme » (Fergus Cullen)[1]. Visé par 91 chefs d’accusation et rendu responsable en 2023 d’agression sexuelle, l’ancien président, « autoritaire qui convient bien à un nombre significatif de républicains » est, donc, en passe d’arracher la nomination du parti avec une réélection possible en novembre 2024.

Cette dérive autoritaire et violente peut choquer dans les pays démocratiques. Mais elle oblige à se positionner face à une violence « civilisationnelle »[2] des États-Unis. Le neuropsychiatre Boris Cyrulnik confiait à Max Armanet : « C’est une morale perverse que de se dire qu’il n’y a qu’une seule morale qui existe, la mienne ! »[3] Il évoquait Poutine en Ukraine et pensait sans doute à Trump, hurlant au complot contre la justice de son pays.

Il n’empêche. Cette violence a pignon sur rue aux États-Unis : 43 000 homicides et suicides pour la seule année 2020. Le taux de mortalité par armes à feu pour 100 000 habitants y est de 4,1[4], et fait du pays le premier de la liste mondiale, le deuxième pays étant la Bulgarie avec 0,6 (environ huit fois moins), la France se positionnant à la 6e place (seize fois moins). Voici donc les électeurs républicains satisfaits du retour de leur chef après son passage en 2023 au congrès de la National Rifle Association, « une association célèbre qui réunit le peureux et les lâches d’Amérique se voyant bien vivre une arme dans chaque main et un couteau entre les dents »[5]. À l’automne 2023, on signalait la présence de Trump à cette réunion au moment où une vingtaine de gamins se faisaient assassiner par un déséquilibré. Et on doit rappeler qu’à la faveur d’un amendement dans la Constitution au 18e siècle, les Etats-Uniens sont autorisés à posséder une arme. Ce n’est même pas assez puisqu’il faudrait, à entendre Trump, équiper les vigiles et… les enseignants, hommes et femmes, arme automatique en bandoulière.

© World Prisons Brief, 2018

La violence, c’est aussi l’enfermement. D’après le World Prison Brief, les États-Unis sont le pays qui a le plus fort taux de détenus par habitant (666 prisonniers/100 000 habitants, soit 2 145 000 personnes derrière les barreaux) à comparer avec le Brésil (trois fois moins par habitant). Et toujours une surenchère pour construire de nouvelles prisons.

Le retour de Trump fait penser à cet épisode où Michel Serres remercie René Girard d’avoir « fait entendre, en ces abois, ces hennissements, ces hurlements d’animaux enragés […] ; d’avoir dévoilé, en cette meute sanglante, en ce nœud de vipères, en ces bêtes acharnées, la violence abominable de nos sociétés. (…) L’origine de la tragédie que Nietzche chercha sans la trouver, vous l’avez découverte, elle gisait, toute offerte, en la racine hellénique du terme lui-même : tragos, signifiant le bouc, ce bouc émissaire que des foules prêtes à la boucherie expulsent en le chargeant des péchés du monde, les leurs propres […] ». La tragédie des États-Unis, la voilà incarnée par Trump qui dévoile au reste du monde cette face qu’Ingrid Carlander qualifiait de «  satanique »[6].

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[1] Libération, 23 janvier 2024, p. 6

[2] Marc Dugain, Les Echos, 10 juin 2022

[3] We demain, n°39, août 2022, p. 186.

[4] Source : Institute for Health Metrics and Evaluation’s (IHME), 2019

[5] Marc Dugain (cité)

[6] Ingrid Carlander, Le Monde diplomatique, février 1991

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Renaud Duterme est enseignant, actif au sein du CADTM Belgique, il est l’auteur de Rwanda, une histoire volée , éditions Tribord, 2013 et co-auteur avec Éric De Ruest de La dette cachée de l’économie, Les Liens qui Libèrent, 2014.

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