Édition du 16 avril 2024

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Infirmières d’agences privées dans le secteur public : le ministre Couillard questionné

Trois-Rivières, le 23 novembre 2007. – « L’engagement du ministre de la Santé et des Services sociaux, Philippe Couillard, voulant que l’utilisation d’infirmières d’agences privées ne doive être qu’un recours exceptionnel est pertinent, mais insuffisant. Quoi qu’il en dise, cette tendance, bien qu’encore marginale, est à la hausse et elle est encouragée par son propre gouvernement dont l’imposition et le maintien de la loi 142 contribuent à la détérioration des conditions de travail et poussent les infirmières vers le secteur privé. »

De passage à Trois-Rivières dans le cadre de l’assemblée régionale du Syndicat des infirmières, inhalothérapeutes, infirmières auxiliaires du Cœur-du-Québec (SIIIACQ-CSQ), la vice-présidente de la CSQ, Mme Louise Chabot, a profité de l’occasion pour questionner sérieusement la bonne foi du ministre Philippe Couillard lorsqu’il prétend vouloir freiner le recours croissant aux infirmières d’agences privées.

« Il y a quelque chose d’irréel d’entendre le ministre de la Santé et des Services sociaux dire aujourd’hui que la solution pour enrayer l’exode des infirmières du public vers le privé passe par l’offre de meilleures conditions de travail afin de retenir le personnel. Ces conditions de travail, qui font fuir le personnel infirmier, sont justement l’héritage de l’imposition sauvage de la loi 142 en décembre 2005 par son gouvernement, à laquelle il a donné pleinement son aval à l’époque », tient à lui rappeler Mme Chabot.

Une solution simple pour enrayer le glissement vers le privé

La vice-présidente de la CSQ soutient que si le ministre est sincère dans sa volonté de tuer dans l’œuf le glissement de notre système de santé public vers le secteur privé, comme il le prétend, la solution est bien simple.

« Les infirmières délaissent le secteur public au profit du secteur privé justement pour aller chercher de meilleures conditions salariales et de travail qui leur ont été refusées en 2005. Si M. Couillard veut corriger la situation, il n’a qu’à interdire dès maintenant le recours à des infirmières du secteur privé, à lever la loi 142 qui a été condamnée par le Bureau international du travail et à rouvrir les négociations pour améliorer concrètement les conditions de travail du personnel, de même que les salaires », le met au défi Mme Louise Chabot.

Des propositions de changements ignorées par le ministre Couillard

La vice-présidente de la CSQ se dit également surprise que Philippe Couillard reconnaisse aujourd’hui qu’il faille apporter « des modifications assez radicales » à l’organisation du travail alors qu’il a obstinément refusé de discuter des changements proposés lors des dernières négociations.

« En 2005, le seul radicalisme dont voulait entendre parler le ministre, c’était l’imposition d’une loi massue aux travailleuses et aux travailleurs des établissements de santé. Pourtant, nous avions des propositions concrètes justement pour revoir l’organisation du travail afin de diminuer la surcharge. Il était également question du versement de primes d’inconvénients et d’autres mesures semblables auxquelles souhaite maintenant recourir M. Couillard. Quelque part, le discours actuel du ministre ressemble à un aveu indirect des torts de son gouvernement lors de la dernière négociation », interprète Mme Chabot.

Un discours non crédible

Renchérissant dans le même sens, la présidente de la Fédération de la santé du Québec (FSQ-CSQ), Mme Monique Bélanger, soutient qu’il y a une autre grosse lacune dans le discours du ministre de la Santé et des Services sociaux qui affecte d’autant sa crédibilité et celle de son gouvernement.

« En décembre 2005, la présidente du Conseil du trésor, Mme Monique Jérôme-Forget, affirmait le plus sérieusement du monde qu’elle cherchait l’argent sous la table pour justifier le refus de son gouvernement de négocier sérieusement avec les travailleuses et les travailleurs du secteur public. Depuis ce temps-là, ce même gouvernement a trouvé près de 1,3 milliard de dollars pour les médecins spécialistes, 500 millions $ pour les omnipraticiens et plus de 100 millions $ au cours de la dernière année pour rémunérer les infirmières d’agences privées. Sans compter qu’il retournera, en janvier prochain 900 millions $ en baisse d’impôt aux contribuables québécois. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce n’est pas pire pour un gouvernement qui n’avait pas d’argent », ironise Mme Bélanger.

Un ministre de la Santé et des Services sociaux qui s’illusionne

La présidente de la FSQ rappelle au ministre Philippe Couillard que si son gouvernement avait accepté d’ouvrir de la même manière les goussets en décembre 2005, pour accorder aux travailleuses et aux travailleurs du secteur de la santé les augmentations de salaire qui leur revenaient de droit, il ne serait pas obligé aujourd’hui de faire autant de rattrapage pour essayer de retenir les infirmières dans le réseau public.

« Ce qui est scandaleux, c’est que ce gouvernement, qui se plaignait de ne pas avoir d’argent pour rémunérer convenablement les infirmières du secteur public, a puisé au cours de la dernière année seulement 100 millions $ dans les fonds publics pour rémunérer des infirmières d’agences privées qui sont déjà nettement avantagées au point de vue des salaires. Pendant ce temps, les infirmières du secteur public doivent continuer à travailler dans des conditions de travail difficiles en acceptant des salaires moindres. Si M. Couillard croit qu’il va réussir à endiguer l’érosion enclenchée de notre système de santé public vers le privé, sans corriger les iniquités créées par son propre gouvernement, il s’illusionne », fait valoir Mme Monique Bélanger.

Le recours au privé en Mauricie

Pour sa part, la présidente du SIIIACQ-CSQ, Mme Claire Montour, dit constater que la tendance de recourir à des infirmières d’agences privées est également devenue une réalité dans la région de la Mauricie.

« La pénurie d’infirmières oblige, il est devenu difficile de combler les postes devenus vacants, ce qui a pour conséquence que les infirmières se retrouvent en situation de surcharge de travail ou l’on embauche des infirmières d’agences privées. C’est le cas, entre autres, au Centre de santé et de services sociaux de Maskinongé où l’on recourt à une infirmière du privé pour pourvoir à un poste à temps partiel devenu vacant. Et ce n’est pas le seul établissement de santé dans la région de la Mauricie où l’on fait face à un manque sérieux de personnel », raconte Mme Montour.

Un attrait du privé inquiétant

La présidente du SIIIACQ-CSQ ne cache pas, comme c’est le cas partout ailleurs au Québec, s’inquiéter de l’attrait qu’exercent les agences privées sur les infirmières de la Mauricie œuvrant dans le secteur public.

« Si l’on veut empêcher les infirmières de se tourner vers le secteur privé et intéresser à nouveau les jeunes à envisager une carrière d’infirmière, le ministre de la Santé et des Services sociaux doit prendre les mesures qui s’imposent pour revaloriser la profession d’infirmière dans le secteur public en améliorant à la fois les conditions de travail et les salaires. Ce n’est certainement pas en continuant à utiliser les fonds publics pour rémunérer à plus haut salaire des infirmières provenant du secteur privé qu’on va renverser la tendance qui se pointe. Au contraire, en agissant ainsi, le gouvernement se fait complice de la démolition de notre service public de santé à même l’utilisation des fonds publics », conclut Mme Claire Montour.

Mots-clés : Communiqués

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