Édition du 30 avril 2024

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Canada

L’Aléna nouvelle formule

L’administration Trump a fait de l’ALÉNA, l’entente de libre-échange entre le Canada, le Mexique et les États-Unis, un enjeu majeur dans ses relations avec ses deux voisins. Récemment, le président Trump a menacé de la déchirer. Dans sa démagogie nationaliste, il prétend que « les mauvais traités commerciaux acceptés dans le passé » ont fait perdre beaucoup d’emplois américains parce que les entreprises américaines ont délocalisé leurs activités à l’étranger.

Ernie Tatei, The Bullet 28 avril 2017
Traduction : Alexandra Cyr

En ce moment, il annonce au Canada et au Mexique que son administration est prête à brutalement faire passer un arrangement qui sera plus en sa faveur.

Personne n’a de mots sympathiques et ne raconte d’histoires réconfortantes à propos d’une « entente qui serait à l’avantage de tous ». Au lieu de cela, cette administration met les gentillesses diplomatiques de côté et utilise un lourd langage de guerre et des termes martiaux pour nous informer de ce qu’il pense de la conduite des prochaines négociations. Le Secrétaire américain au commerce, le multimillionnaire M. Wilbur Ross, a déclaré : « He ! bien, nous sommes dans une guerre commerciale. Nous avons été dans cette situation depuis des décennies ; c’est pourquoi nous sommes en déficit commercial. La différence (maintenant), c’est que nos gens montent aux barricades. Si les gens savent que vous avez un bazooka, vous n’aurez probablement pas à l’utiliser. Les Mexicains savent, les Canadiens savent, tout le monde sait que les temps ont changé. Nous allons avoir une nouvelle relation commerciale avec les gens et ils savent tous qu’ils devront faire des concessions. Il ne s’agit que de savoir à quelle hauteur et sous quelles formes ces concessions se feront ».

Ici, il faut noter que cette sortie verbale est le corollaire du plus agressif et même militariste virage de la politique étrangère (américaine) envers les pays hors de l’Empire américain : la fin de la « stratégie d’impatience » envers la Corée du nord, les bombardements en Syrie, à Mossoul, en Irak, la monstrueuse bombe et l’augmentation des troupes (américaines) en Afghanistan et une approche encore plus belliqueuse et agressive envers la Chine, l’Iran, la Russie et Cuba. C’est un virage de la classe dirigeante américaine. Je préfère y voir une future brèche dans le néo libéralisme, un néo libéralisme renforcé qui a commencé à s’installer depuis un bon moment. Sans aucun doute, cela ne veut pas dire le démantèlement de l’empire américain, mais une nouvelle phase dans sa manière de se lier au reste du monde.

Des négociations en secret

Je pense que tous les socialistes devraient porter une attention sérieuse partout où ces négociations de l’ALÉNA (auront lieu). Ce sera difficile parce que, comme pour toutes les autres négociations commerciales de la fin des années 80 et au début 90, elles se tiendront en secret et ce ne sera que plus tard que nous apprendrons les nouvelles limites imposées à notre souveraineté et à nos droits démocratiques. Et la moindre concession qu’acceptera la classe dirigeante canadienne, en regard de la version originale de l’ALÉNA, sera chèrement payée par la classe ouvrière. Vraisemblablement, ils vont fixer les nouveaux contours des relations commerciales entre les pouvoirs capitalistes les plus importants de cette nouvelle ère. La Grande Bretagne est au premier poste : quand elle aura quitté l’Union européenne, elle va négocier toute une nouvelle série d’ententes avec les pays qui demeurent dans l’Union européenne. Il n’y a aucun doute qu’elles auront les caractéristiques des négociations typiques du néo libéralisme, tenues sans démocratie et menées secrètement. Comme nous avons pu le voir, ces négociations ne portent pas tant sur le commerce que sur les investissements et la recherche de garanties constitutionnelles pour les droits de propriété des entreprises étrangères. Comme dans le cas des négociations du Canada avec l’Union européenne pour le traité de l’Accord économique et commercial global (AECG), beaucoup des fameux éléments de l’ALÉNA ont été retenus. Cela était aussi vrai pour le Partenariat Trans Pacifique annulé par l’administration Trump immédiatement après son installation au pouvoir.

Ces traités n’ont jamais été populaires au Canada. En 1994, malgré une opposition importante, l’ALÉNA a finalement été adoptée. La classe dirigeante en a fait grand bruit. À l’époque, un sondage Ipsos Reid montrait que 58 % des Canadiens-nes étaient contre ; elle était aussi impopulaire aux États-Unis. Ironiquement, elle est aujourd’hui, une des sources d’appui de la classe ouvrière envers D. Trump. Au Canada, l’opposition était très forte ; elle venait de tous les syndicats fédéraux et provinciaux. Les groupes communautaires, les organisations étudiantes et le Nouveau Parti démocratique, (….) ont mené cette campagne d’opposition. Au Mexique, l’opposition la plus flamboyante est venue de l’état le plus pauvre du pays, le Chiapas. Les Zapatistes ont été à l’origine d’un soulèvement des peuples indigènes et des paysans contre le gouvernement central, soulèvement qui dure toujours d’ailleurs. L’ALÉNA est probablement la plus importante entente jamais signée par les classes dirigeantes de l’Amérique du Nord. Son adoption a été une lourde défaite pour les classes ouvrières qui, depuis, en payent un énorme prix.

Les clauses qui donnent aux investisseurs des entreprises transnationales des droits qui contreviennent à la souveraineté du Canada sont sans doute les plus détestables de cet accord de 1994. Le pouvoir de tous les niveaux de gouvernements de réguler les investissements est ainsi court-circuité. L’ALÉNA a ouvert l’économie à de futures privatisations, spécialement dans les services comme l’hydro électricité, la distribution des eaux de consommation et le traitement des eaux usées dans les municipalités.

Il est encore tôt, les idées lancées par les Républicains-es n’étant pas encore finales, en ce moment le débat porte sur une possible taxe de 20 % sur tous les produits et services échangés entre les deux pays. Cette taxe porterait le nom de « taxe d’ajustement à la frontière ». Certains-es soutiennent que le financement des coupes d’impôt proposé pour les riches serait ainsi compensé, au moins en partie.

Ce genre de taxe est déjà imposé sur le bois d’œuvre canadien, et ce, à la hauteur de 20 %. Le fruit de cette taxation servirait à compenser ce qui ne sera pas atteint par la réforme de l’assurance maladie (Obamacare) pour laquelle le président Trump a échoué. Ils ont aussi déjà annoncé qu’ils exigeront des droits spéciaux pour permettre aux investisseurs étrangers de soumissionner pour des contrats des trois niveaux de gouvernements, sur ceux des programmes d’infrastructure, sans réciprocité.

Singulariser le Mexique

D. Trump a pointé particulièrement le Mexique pour cause de traitement commercial injuste (qu’il infligerait aux États-Unis). Le Mexique est très dépendant des États-Unis pour son commerce ; celui-ci représente 80 % de ses exportations. Des Républicains-es de haut niveau suggèrent qu’une taxe d’importation spéciale soit imposée sur tous les produits mexicains pour aider à financer la construction du mur à la frontière que le président Trump a promis au cours de sa campagne électorale. Mais cette hostilité envers le Mexique a provoqué une conséquence inattendue : on assiste à une montée significative du sentiment anti américain et une progression spectaculaire du nationalisme radical dans la population mexicaine.

Depuis l’élection de D. Trump, le nombre de manifestations d’opposition s’est multiplié ; une des plus importante a eu lieu le 12 février dernier. Les journaux rapportent que de grandes manifestations de protestation se sont tenues partout dans le pays dans plus des 20 plus grandes villes. À Mexico, des centaines de milliers de manifestants-es se sont massés-es dans le fameux parc Zocalo pour exprimer leur colère envers D. Trump.

Andre Manuel Obrador (AMLO) récolte les fruits de ce virage à droite des États-Unis. Il est l’ex-dirigeant du Parti pour la révolution démocratique (PRD). Il s’est présenté à deux reprises aux élections présidentielles ; des malversations dans les décomptes l’auraient privé de sa victoire. En 2012, il a formé un nouveau parti, le Mouvement pour la régénération nationale, et il en est le candidat officiel pour de 2018.

Les investisseurs privés ont littéralement été consternés quand « AMLO » a menacé de mettre fin à la privatisation de la compagnie pétrolière nationale Pemex, propriété de l’État et de la Commission fédérale de l’électricité. Avant l’élection du président Trump, AMLO était largement à l’arrière dans les sondages ; il est maintenant largement à l’avance, dépassant ces deux principaux rivaux. Il se peut bien, qu’en 2018, les États-Unis, à sa frontière sud, soient face à un gouvernement radical de gauche, dans la seconde plus grande économie d’Amérique latine. Je suis certain que ce n’était pas ce à quoi on s’attendait quand D. Trump n’était que candidat.

Au Canada, à ce stade hâtif, il semble que Justin Trudeau va poursuivre avec mollesse sa quête auprès de la nouvelle administration (américaine). Il serait prêt à laisser tomber le Mexique qui, d’ailleurs, n’a jamais vraiment été accepté comme véritable partenaire à l’entente ; tout cela pour obtenir un contrat favorable. Mme C. Freeland, la ministre du commerce, déclare qu’elle cherche une « entente trilatérale » ; tandis que de son côté, son conseiller principal, M. Brian Mulroney qui a une propriété près de Mar-a-Lago (où D. Trump a sa maison de campagne) et prétend avoir une relation particulière avec le président, déclare qu’on arrivera à une entente « bilatérale ».

Il faut noter que M. Trudeau n’a jamais prononcé un seul mot de solidarité envers le Mexique tout au long de la campagne raciste de D. Trump qui s’était permis de qualifier les Mexicains-es de « violeurs », de « criminels-les », et de « trafiquants-es de drogue ». Pourtant, les mêmes Canadiens-nes hypocrites n’ont pas hésité à critiquer publiquement d’autres gouvernements comme la Russie ou la Chine quand on trouvait qu’ils ne se comportaient pas correctement. Pour l’administration Trump, c’est le grand silence.

Des trois pays parties prenantes à l’ALÉNA, c’est sûrement le Mexique qui a le plus souffert depuis le début, entre autres, leur agriculture a été dévastée. Le pays est passé du statut de pratiquement auto-suffisant en production alimentaire pour en arriver à une dépendance presque totale envers les importations américaines pour satisfaire ses besoins. Par exemple, tous les tarifs américains sur le maïs, composante majeure de la diète mexicaine, ont été abolis. L’entrée du produit sur le marché mexicain s’est faite sans aucune restriction. Et en plus, les subventions à la culture du maïs ont été augmentées en 2002 par le gouvernement américain. Ce maïs est devenu si bon marché au Mexique que les fermiers du pays ont fait faillite ; la plus part cultivant de petites parcelles. Conséquemment, de milliers de fermiers-ères et paysans-nes sont devenus chômeurs-euses. C’est la raison principale qui en ont poussé beaucoup à immigrer aux États-Unis ces dernières années à la recherche désespérée de travail.

Et le Canada

L’administration républicaine (dans les négociations sur l’ALÉNA) va cibler l’agriculture canadienne et sa gestion de l’offre du lait, des volailles et des œufs. La plupart de ces productions sont le fait de coopératives et de fermes familiales, souvent petites comparées à celles qu’on trouve aux États-Unis. La gestion de l’offre les protège de l’agriculture américaine lourdement subventionnée.

On s’attend aussi à ce que les Américains introduisent des demandes dans l’industrie numérique qui pourraient affecter la souveraineté canadienne dans le futur. S’appuyant sur les droits spéciaux pour la sécurité des services, les négociateurs américains vont exiger que le Canada abandonne l’installation de la « localisation des données ». Cette règle obligerait les serveurs canadiens à emmagasiner les données personnelles et privées des Canadiens-nes au Canada, les rendant ainsi inaccessibles aux pouvoirs étrangers, dont les États-Unis. Ils ont été capables d’imposer cette exigence durant les négociations sur le TPP abandonné maintenant. Beaucoup de pays ont insisté pour se servir de cette règle précisément pour protéger leurs citoyens-nes de la surveillance américaine.

L’industrie du bois sera aussi à l’ordre du jour avec ses vastes étendues de forêts publiques. Elle est d’ailleurs attaquée régulièrement depuis longtemps par les producteurs américains de bois. Ils invoquent que les droits de coupe que payent les entreprises canadiennes à leur gouvernement sont en réalité des subventions cachées. Partout dans le nord du Canada, la scierie est une source primaire d’emplois dans les petites villes et autres communautés. Malgré l’ALÉNA, les exportations de bois d’œuvre vers les États-Unis n’ont cessé de diminuer à cause des taxes punitives imposées par ce pays. Le Canada a souvent porté plainte auprès de l’OMC et a gagné sa cause à chaque fois et les États-Unis ont toujours refusé de reconnaitre ces résultats.

Les Républicains-es ont aussi l’énergie dans leur mire. Ils menacent toutes les nouvelles constructions des oléoducs canadiens qui descendent vers le sud des États-Unis en exigeant que l’acier qui doit les composer soit totalement de l’acier américain. Le président Trump a d’ailleurs signé un décret pour faire cesser le « dumping » d’acier étranger sur le marché américain. Pour l’industrie de l’acier, la frontière entre le Canada et les États-Unis n’existait pour ainsi dire plus, même si le flot des échanges a diminué ces dernières années. Néanmoins, les exportations canadiennes d’acier vers notre voisin du sud représentent 14 milliards de dollars par année en minerais de fer, en charbon métallurgique et en rebus d’acier. Selon l’Association canadienne des producteurs d’acier, les propositions américaines sur l’acier auraient un impact majeur pour cette industrie qui compte pour 22,000 emplois directs et 100,000 indirects dans le pays.

Dans les propos du président Trump sur le commerce, dont la majorité sont surtout incendiaires et semblent truffés d’erreurs, on n’entend jamais parler des énormes montant de capitaux que les entreprises multinationales américaines accumulent grâce à leur suprématie et à leur domination du reste du monde. Ce qu’il dit est typique des démagogues qui cherchent des boucs émissaires lorsqu’ils tentent de donner des explications aux problèmes endémiques de l’économie capitaliste. Ce sont des problèmes qui se présentent lorsque le système économique est incapable de répondre aux besoins de la population et vogue de crise en crise. Alors arrivent, le chômage, la pauvreté, le crime, les difficultés à se loger, les crises dans les soins de santé et l’incarcération de masse.

Vous pouvez être assurés-es que les résultats de la renégociation de l’ALÉNA n’amélioreront pas les conditions de vie de la population, même si depuis 1994, ont nous le promettait. Promesse tenue pour le 1 % qui se porte beaucoup mieux, mais pour tous les autres, ce fut le désastre. Quand on ajuste les salaires canadiens à l’inflation, ont se rend compte qu’ils ont stagné au cours des deux dernières décennies. Chaque fois que les syndicats entrent en négociation, les employeurs exigent d’immenses reculs et gagnent leur point.

L’activité manufacturière a diminué dans les deux plus grandes provinces canadiennes, l’Ontario et le Québec. 300,000 emplois sont disparus dans une économie qui décline constamment jusqu’à réduire à se retrouver dans le statut de « coupeur de bois et d’expéditeur de ressources humaines ».

Les socialistes devraient s’intéresser sérieusement à ce qui se passe à propos de ces renégociations de l’ALÉNA ; qu’elles soient trilatérales comme ce qui a été signé en 1994 ou bilatérale en trois ententes séparées. On peut être convaincu que cette nouvelle entente, comme dans le cas original, même si ce n’est pas un modèle, sera tout de même un cadre de base pour la classe dirigeante américaine qui va en exiger autant de leurs autres partenaires partout dans le monde. Malgré tout ce que nous avons entendu dans certains cercles ces dernières années sur le soit disant « déclin des États-Unis », il n’en reste pas moins qu’il s’agit de l’économie la plus puissante au monde avec la machine militaire nucléaire également la plus puissante et de très loin. (Dans ces circonstances), les autres classes dirigeantes s’empressent de monter dans ce train.

Nous en avons déjà eu une idée lors de la rencontre des ministres des finances du G20, les 18-19 mars dernier. La nouvelle administration américaine y a mené une charge agressive en faveur de sa position intransigeante sur le commerce qui a finalement été considérée comme le communiqué final. On n’y trouve aucune mention des formulations habituelles comme « devoir résister au protectionnisme » etc. Comme l’a souligné un journaliste, cette nouvelle position de ces ministres des finances les place au plus près du nouveau « protectionnisme » américain, cette attitude aide à préparer le terrain pour les prochaines négociations avec la Chine. Le Congrès américain gardera en poche la stigmatisation de la Chine à titre de « manipulatrice de sa monnaie » pour l’utiliser comme menace, si jamais les États-Unis n’avaient pas le succès voulu en cours de négociations.

Le commerce avec les États-Unis est un énorme enjeu pour le Canada. Notre économie est la plus intégrée à la leur (au monde), ce qui n’a fait que s’accélérer depuis l’adoption de l’ALÉNA. 30 % du PIB canadien ou 75 % des exportations canadiennes sont acheminés vers notre voisin du sud ; par ailleurs, nous recevons uniquement 2 % des leurs, ce qui donne une idée de l’importance relative des deux économies. Pour tenter de surpasser les mesures protectionnistes américaines, Justin Trudeau s’est réfugié dans les interventions doucereuses avec l’administration Trump et de souligner l’importance du marché canadien pour les États voisins immédiats de leur frontière nord. L’Ontario, où la fabrication manufacturière canadienne est concentrée, exporte presque la moitié de la valeur de son PIB. Le Québec y exporte pour 40 % et l’Alberta culmine avec 83 %.

Le cas de l’industrie automobile est particulièrement exemplaire. Les grandes compagnies, General Motors, Ford et Chrysler, ont des installations de chaque côté de la frontière avec le mode de production « juste à temps ». Ce procédé d’assemblage fait qu’en cours de production, les véhicules peuvent traverser la frontière jusqu’à 7 fois avant que le produit définitif sorte des usine. Avec l’ALÉNA, tous les véhicules sont expédiés sans taxes entre les trois pays.

Le mouvement ouvrier ?

Jusqu’ici, nous n’avons rien entendu de vraiment significatif de la part du mouvement ouvrier canadien. Rien non plus de la part du NPD à propos de ce que le retrait de l’ALÉNA pourrait signifier. Ils donnent tous l’impression de d’être endormis. Depuis quelques années, cet enjeu a pratiquement disparu des préoccupations du mouvement ouvrier, comme s’il n’y avait pas de possibilités d’actions significatives à ce sujet. Il n’est pas certain que le Congrès canadien du travail, les grands syndicats comme Unifor qui rassemblent les travailleurs-euses de l’automobile, s’opposeront aussi fortement à l’entente durant les négociations, comme ce fut les cas au début des années 90. Cette époque plus militante dans les syndicats canadiens a duré une dizaine d’années et s’est terminée lorsque la Fédération du travail de l’Ontario a organisé une série de journées de grève dans les grandes villes contre le gouvernement conservateur de Mike Harris. Depuis ce temps, le mouvement ouvrier s’est éloigné des manifestations de masse et des perspectives militantes et c’est particulièrement vrai dans le secteur de l’auto. Par exemple, chez General Motors à l’usine d’Oshawa où les travailleurs-euses sont syndiqués-es avec Unifor, leur nombre est passé de 13,000 approximativement à l’époque, à 6,000 en ce moment. C’est le résultat, non seulement de l’ALÉNA, mais aussi de l’automation.

Les contrats que signent les dirigeants-es des syndicats aujourd’hui représentent l’ampleur de leur défaite. Unifor a accepté des conditions impensables au moment de la signature de l’ALÉNA : des ententes régressives pour les deux tiers d’entre elles et l’audace de les glorifier devant d’autres employeurs pour leur caractère raisonnable et « compétitif ». C’est ce qu’on retrouve partout dans le secteur de l’auto en ce moment. Les retraites ont ainsi été grandement modifiées et soumettent les travailleurs-euses aux fluctuations de la bourse et s’appliquent aux nouveaux arrivants-es dans les entreprises qui se retrouveront avec des revenus de retraite diminués comparativement au reste de la force ouvrière.

Les menaces du président Trump contre l’ALÉNA, après son élection, ont été commentées par les syndicats pour souligner leurs « faiblesses » et demander des « améliorations ». C’est l’approche d’Hassan Yussuff, le nouveau dirigeant du Congrès du travail du Canada. La plupart des grands syndicats canadiens appartiennent à cette fédération qui rassemble ainsi 3,3 millions d’adhérents-es. De leur côté, Jerry Dias, président d’Unifor et Maude Barlow, dirigeante du Conseil des Canadiens, expriment des critiques à l’égard de l’ALÉNA, sans toutefois demander son retrait. Ils demandent des réformes, mais selon moi, c’est du pur maquillage.

J’espère que lorsque les négociations de l’ALÉNA débuteront, nous pourrons assister à un réveil à propos de sa signification sur la vie des populations, et ce, pour les années à venir. L’existence même de l’ALÉNA est une menace à la souveraineté des classes populaires et ouvrières dans ce pays. Elle limite nos possibilités de modifier les rapports de classes au Canada et de lutter pour un monde meilleur. Avant que les négociations ne débutent, les syndicats pourraient dès maintenant prendre l’initiative d’organiser et de soutenir la plus grande manifestation à Ottawa, comme celles qui ont lieu en ce moment à Londres pour protester contre la visite de D. Trump à la reine. Nous devrions en faire autant quand il viendra rencontrer J. Trudeau, ce qui devrait bientôt se produire. Tous les présidents américains viennent à Ottawa au début de leur mandat. Quelle belle occasion de protester contre cet ALÉNA pourri.

 1.Ernie Tate est un militant qui vit à Toronto. Il a récemment publié Revolutionary Acrivism in the 1950s and 1960s, qui retrace l’histoire de la gauche au Canada et en Grande Bretagne.

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