Tiré de Plate-forme alter mondialiste.
L’ASP est apparue en 2013, à la suite de mouvements de protestation fortement réprimés. Elle est réapparue, participant avec prudence aux grèves concernant les salaires des enseignants en 2018, puis à la suite des soulèvements survenus à Atbara, dans le nord du Soudan, à la mi-décembre de la même année. Les racines du mouvement, cependant, datent de plusieurs décennies. L’ASP hérite de grands mouvements, notamment ceux qui ont été liés aux insurrections en 1964 et en 1985. En octobre 1964, le Front des comités révolutionnaires d’octobre (jabhat el hayaat el thawriya), groupe d’associations professionnelles avait initié des grèves générales et un mouvement plus large de désobéissance civile qui ont finalement mis fin au régime militaire du général Ibrahim Abboud. Le Front allait ensuite faire partie du fragile pouvoir civil qui a finalement été renversé par un coup d’État en 1969.
En 1985, l’Assemblée des syndicats (altajamoo al-naqabi) a joué un rôle similaire en tant en tant que moteur central de la chute de Jaafar El Numeiry. Piégé par des conflits internes, le groupe (allié à d’autres forces politiques de l’opposition) n’a pas réussi à tenir tête au gouvernement militaire de l’époque, qui a su conserver le monopole du pouvoir politique et étatique. Ces deux antécédents ont réussi à éliminer deux régimes, mais ils n’ont pu aller au-delà du soulèvement, devant la mise en place de nouveaux régimes liés aux militaires.
Décrit comme le « bataillon fantôme » par le président déchu, Omar al-Bashir, le mouvement contemporain dirigé par l’ASP a attiré un large public. Il a exercé une influence sur les mobilisations et réactivé le soulèvement inachevé de janvier 2018. Les membres constituants de l’ASP ont démontré leur savoir-faire puisé dans un répertoire nouveau et dynamique de luttes à travers le pays. Ils ont organisé des manifestations de désobéissance civile, des rassemblements et des marches mobilisant les femmes et les personnes déplacées et exilées, au-delà des limites de grandes villes comme Khartoum, dans les villes et les provinces périphériques. Leur travail est renforcé par les comités de résistance de quartier, qui sont des groupes de vigilance pacifiste qui s’oppose aux soi-disant « comités populaires de quartier », à la solde du gouvernement. Tout cela a abouti au sit-in devant le quartier général de l’armée, et plus tard, au limogeage d’Omar al-Bashir.
À notre, l’ASP a popularisé un nouveau langage de la résistance. « Tasgot bass ! » (« Pars, c’est tout », en référence à al-Bashir). Il y avait aussi « Lam tasgot baad ! » (« Pas encore tombé » – en référence au Conseil militaire de transition). Les appels à l’action sont devenus des mots d’ordre de la révolution – que ce soit en arabe, dans les dialectes locaux ou en randouk (l’argot urbain). Ils ont captivé l’imagination des citoyens à travers le pays. À tel point que « Eltajamoo youmathilouni » (« l’ASP me représente ») est devenu l’appel de ralliement de nombreuses personnes.
Aujourd’hui, maintenant que les négociations ont abouti à la mise en place d’un gouvernement provisoire composé de représentants de la société civile et des militaires, on s’interroge sur l’avenir de l’ASP. Va-t-elle se cimenter en tant que gardien de la transition ? Va-t-elle se transformer en chien de garde politique du Soudan, auréolé de crédits révolutionnaires, ou se réduire à un ensemble de chansons, slogans et incantations révolutionnaires – un symbole de la loi indélébile de la politique au Soudan, où tout change pour que rien ne change ?
Sarra Majdoub
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