Édition du 26 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Le cirque des hypocrites

Un article paru dans un grand média ce samedi 28 mars fait état d’une "proposition audacieuse" de Bernard Drainville dans le contexte de la course à la chefferie du parti Québécois. Il a présenté un "plan vert" important pour le Québec où il souhaiterait à terme réduire de 80% les gaz à effet de serre et de 90% l’utilisation du pétrole au Québec d’ici 2050.

Vite de même, j’ai le goût de dire bravo, ça fait du bien à entendre, il faut que ces "idées" se propagent... Mais... Mais... Retenons cependant que ces "idées" proposées par Drainville et Gaudreault sont pour l’essentiel, déjà existante, que ce soit dans le « Plan vert » de 2012, ou de sa nouvelle mouture appelé « Plan de sortie du pétrole » de 2014 de Québec solidaire. Québec solidaire y propose en effet une réduction des émissions des gaz à effet de serre de 40 % par rapport à leur niveau de 1990. La proposition de Drainville semble à première vue plus audacieuse, mais elle vise un horizon plus éloigné de 20 ans ! La stratégie de Québec solidaire vise plutôt 2030.

D’ailleurs, plusieurs "bonnes idées" que l’on entend depuis quelques semaines venant de différents candidats à la chefferie du PQ proviennent bien souvent, et même textuellement parfois, du programme de QS, ou en sont largement inspirées du moins. Comme cette "idée" de Martine Ouellet d’ouvrir les CLSC 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Ou encore cette "idée" d’Alexandre Cloutier d’un pôle d’achat des médicaments aux Québec pour réduire les coûts. Ou finalement, l’ensemble du "programme" de Pierre Céré, où celui-ci suggère d’établir un revenu minimum garanti, mais contrairement à QS où nous voulons un revenu minimum garanti pour toutes la population, celui proposé par Céré se limiterait qu’aux artistes… C’est bien beau tout ça, il faut le reconnaître, quoique personnellement, à la copie, je préfère l’original...

Mais revenons à l’environnement... Depuis le petit changement du rouge au vert de la petite queue du logo de leur parti, sous Boisclair, les velléités écologiques du PQ n’ont souvent été que du vent, rien qu’à voir leur dernier mandat. Rien de véritablement sérieux n’a été fait, ou sinon, les quelques bonnes idées ont été largement gâchées par leur virage pétrolier.

En effet, c’est le PQ qui a autorisé, à travers une commission parlementaire bâclée d’une petite semaine avec rapport écrit à l’avance, l’inversion du pipeline 9B d’Enbridge. Parallèlement à cette commission, c’est le PQ qui a signé un certificat d’autorisation à Kidlar pour faire transiter le pétrole des sables bitumineux par train dans les réservoirs de Sorel-Tracy. Pétrole qui sera par la suite transvidé, et c’est déjà arrivé au moins deux fois jusqu’à maintenant, dans des supers-pétroliers et pour l’exportation sur les marchés étrangers. Ce type de pétrolier ne remontaient jamais aussi loin dans le fleuve, il s’agit d’une première au Québec, malgré le danger. Le Québec n’a aucun plan d’urgence si un déversement survient en hiver… Tout ce pétrole ne fait que « passer » et rappelons-le, provient d’un type d’exploitation le plus polluant de la planète. Puis, finalement, rappelons que c’est le PQ qui a eu dès le début de leur mandat un « avis favorable au pipeline Énergie Est de Transcanada »… Je ne pardonnerai jamais au Parti québécois, supposément indépendantiste, d’avoir ouvert la porte à tous ces projets qui permettent de sortir le pétrole de l’Alberta via notre territoire. Le PQ avait une occasion en or de donner de la substance à leur concept de gouvernance souverainiste, mais ils ont malheureusement choisi d’embrasser la politique énergétique des Conservateurs qui gouvernent à Ottawa. Et tout ça en seulement 18 mois de mandat.

Mais ce n’est pas tout, comme bilan environnemental, rajoutons que c’est le PQ qui a allongé des millions de dollars publics pour l’exploration en pétrole de schiste sur l’île et joyau naturel qu’est Anticosti et qui a réduit, par décret, la profondeur minimale de la fracturation à 400 mètres de la surface. Une modification sur mesure pour les pétrolières et leur analyse préliminaire qui montre que le type de roche où pourrait se retrouver du pétrole de schiste n’était pas assez présente dans la zone réglementaire de forage ailleurs dans le monde, qui est de 2 km de profondeur. Le risque que le gaz ainsi libéré par la fracturation s’infiltre dans les nappes phréatiques ou même puisse fuir carrément à la surface augmente dramatiquement. Puis qui dit pétrole de schiste, dit aussi gaz de schiste, mais celui-ci ne serait pas récupéré, mais brûlé en torchère comme au Dakota du nord...

Comme gouvernement, le Parti québécois a aussi laissé Gaspé seul face aux poursuites judiciaires de Pétrolia, malgré les hauts cris de l’Union des municipalités ainsi que des centaines de villes et villages ayant adopté un règlement de protection de l’eau potable similaire. Gaspé a récemment abandonné la bataille, et maintenant c’est au tour de Ristigouche d’être au prise avec une poursuite de plusieurs milliers de dollars par la gazière Gastem pour les même raisons...

Puis peut-on seulement parler du cadeau de 500 millions pour une méga-cimentrie en Gaspésie qui va brûler du coke de pétrole et ainsi augmenter de 10% notre production de GES industriel ?

Non, je ne leur pardonnerai jamais. Soyons honnête, le PQ n’a plus vraiment de programme, plus de logique, tout ce qu’il met de l’avant semble n’être inspiré que par les sondages d’opinion du moment, sans vision d’ensemble, et Drainville en est l’incarnation la plus évidente, rien qu’à constater ses revirements nombreux sur la question de la charte des valeurs, SA charte. Pendant les élections, celle-ci était "essentielle", tout d’un coup, après le 7 avril, c’était une erreur, ensuite il revient à la charge avec une mouture 2.0 quelques mois après la tragédie de Charlie Hebdo, etc... Puis vraiment, l’idée d’un chef-pape tout puissant, c’est une des raisons du pourquoi de mon implication à Québec solidaire. Il n’y a pas de chef ! Bien sûr, nos porte-paroles ont de l’influence, mais c’est les membres qui ont le dernier mots et c’est le programme, construit démocratiquement, qui prime. Avec le PQ, le parti et le programme disparaît au profit d’un chef et de ce qu’il dit qu’il va faire. Sous la gouverne de Marois, nos aspirants chef Ouellet, Cloutier et Drainville, qui ont tous trois été ministre, rappelons-le, ont pourtant été complice d’un gouvernement faisant tout le contraire de ce qu’ils avancent aujourd’hui dans leurs différentes plate-formes de courses à la chefferie. Plate-formes où, comme nous l’avons vu, tout ce qui est à gauche à été largement copié/collé des propositions de Québec solidaire. Comment pouvons-nous faire confiance à ce virage à gauche chez ces candidats ?

Ce parti est mort en même temps que ses grands architectes des débuts, et les bons coups du premier gouvernement péquiste de 1976 sont loin loin loin. Que tous les progressistes qui continuent de s’y accrocher lâche prise. Je laisse les derniers mots à un certain René Lévesque :

« Pour moi, tout parti politique n’est au fond qu’un mal nécessaire, un de ces instruments dont une société démocratique a besoin lorsque vient le moment de déléguer à des élus la responsabilité de ses intérêts collectifs. Mais les partis appelés à durer vieillissent généralement assez mal. Ils ont tendance à se transformer en églises laïques hors desquelles point de salut et peuvent se montrer franchement insupportables. À la longue les idées se sclérosent, et c’est l’opportunisme politicien qui les remplace. Tout parti naissant devrait à mon avis inscrire dans ses statuts une clause prévoyant qu’il disparaîtra au bout d’un certain temps. Une génération ? Guère davantage, ou sinon, peu importe les chirurgies plastiques qui prétendent lui refaire une beauté, ce ne sera plus un jour qu’une vieillerie encombrant le paysage politique et empêchant l’avenir de percer. »

Pierre-Louis Cauchon
Militant de Québec solidaire dans la circonscription de Taschereau à Québec.

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