Les manifestations propalestiniennes deviennent chaque jour plus nombreuses ici, aux États-Unis et en Europe. Il ne faut pas les confondre avec l’antijudaïsme.
Même une apparence de consensus sur l’antagonisme entre Israël et la Palestine reste très difficile à atteindre. Cette tentative met en lumière d’une façon crue et gênante, les classes dirigeantes des pays hégémoniques face à celles du Tiers-Monde, même si dans la zone arabo-musulmane on note des tensions sur cette guerre.
On traite souvent de la duplicité des dirigeants arabes à l’égard de la cause palestinienne, ce qui est indéniable. Leur appui militaire et financier à l’endroit de la cause palestinienne varie beaucoup d’un pays à l’autre, selon les intérêts de chacun. Mais il s’est toujours révélé pas mal plus modeste que le soutien ample et inébranlable (bien qu’avec des fluctuations) des pays occidentaux à Israël, soutien qui relève du fanatisme et d’un racisme anti-palestinien inavoué.
Certains commentateurs (notamment au Journal de Montréal) répètent que les dirigeants du Hamas se prélassent dans des logements avec l’air conditionné, à l’abri des bombardements aériens israéliens tandis que leurs compatriotes se font massacrer par cette même aviation. Ils les manipuleraient donc. Mais il faut noter que déjà, certains responsables du Hamas ont perdu la vie dans la contre-attaque de Tsahal et qu’il est normal que les gros bonnets de l’organisation se soient mis à l’abri pour continuer à mener les opérations de résistance. On observe la même chose dans toutes les guerres de libération.
Si l’on ne craint pas les comparaisons, durant la Seconde Guerre mondiale, le général de Gaulle a organisé la résistance française à partir de Londres où il s’était réfugié après la débâcle de mai-juin 1940. Pareil pour le premier ministre britannique Winston Churchill qui ne s’exposait pas beaucoup au danger (être un haut placé confère certains privilèges). C’était la même chose pour les responsables de la résistance antinazie dans les pays occupés par l’Allemagne, bien que dans ce dernier cas, les risques de se faire zigouiller ou arrêter et torturer étaient beaucoup plus élevés.
Après ce détour par l’histoire, revenons au présent. En octobre de cette année au Conseil de sécurité de l’ONU, une résolution a été présentée pour instaurer une trêve humanitaire à Gaza afin de permettre l’acheminement de vivres et de médicaments à la population.
La France a voté en faveur, les États-Unis ont imposé leur véto sous prétexte qu’elle ne condamnait pas avec assez de clarté l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre. La Grande-Bretagne s’est abstenue, une position qui peut s’interpréter aussi bien comme un désaveu implicite du véto américain que Londres refusait de formuler ouvertement afin de ne pas froisser son allié que comme un appui implicite ; ou encore comme une une sincère incertitude à l’endroit de la position américaine.
Quelques jours après à l’Assemblée générale des Nations Unies, une résolution non contraignante concoctée par Washington et Ottawa qui visait à condamner le Hamas a été rejetée par la grande majorité de ses membres.
Par la même occasion, une autre résolution appelant à un cessez-le-feu fut adoptée à une écrasante majorité, mais son application n’était pas obligatoire, étant donné l’hostilité de certaines délégations.
Comme il fallait s’y attendre, celle des États-Unis s’y est opposée, mais la France l’a soutenue. La Grande-Bretagne, le Canada, l’Allemagne, l’Italie et le Japon se sont abstenus, ce qui dénote la perplexité et un certain flottement au sujet du conflit israélo-gazaoui chez les puissances hégémoniques.
Au début de novembre cependant, les pays membres du G-7 (États-Unis, Canada, France, Grande-Bretagne, Allemagne, Japon et Italie) ont réussi à "tricoter" une apparence de consensus en reprenant à leur compte les idées reçues sur ce conflit à rebondissements multiples.
Ils ont donc adopté les résolutions suivantes :
– Une condamnation du Hamas ;
– Le droit d’Israël à l’autodéfense ;
– Un appel à des pauses humanitaires pour accélérer l’aide aux civils gazaouis, mais sans mentionner de cessez-le-feu ;
– Une condamnation de la violence des colons israéliens contre les Palestiniens et Palestiniennes en Cisjordanie.
Le but officiel de cet exercice visait à contrer l’aggravation de la crise humanitaire et, de manière plus officieuse, à éviter d’étaler davantage les divergences de vues entre ces pays sur la guerre à Gaza. On voulait aussi prévenir dans la mesure du possible un étalement du conflit dans la région du Proche-Orient.
De tout cela se dégage une position pro-israélienne, tempérée (sans doute pour ménager les opinions publiques arabes et musulmanes) par un blâme contre les abus des colons israéliens en Cisjordanie. Le droit des Palestiniens et Palestiniennes à la résistance est passé sous silence de même que la disproportion des représailles du gouvernement Netanyahou vis-à-vis des Gazaouis (1,500 morts israéliens lors de l’attaque du 7 octobre contre environ 10,000 gazaouis depuis). Pas mention non plus sur le droit des Palestiniens et Palestiniennes à l’autodétermination.
En fin de compte, les membres du G-7 ont accouché d’une déclaration conformiste, complaisante envers Israël et ce dans la droite ligne de leur politique traditionnelle.
La situation évolue rapidement et on peut difficilement prévoir les péripéties à venir. Les possibilités de soubresauts du conflit sont nombreuses et inquiétantes. Tel-Aviv n’a pas encore lancé de grande offensive terrestre au moment où sont écrites ces lignes. Mais l’objectif de Netanyahou et de Biden est de détruire le Hamas, que Biden souhaite remplacer à Gaza par une administration du Fatah, dirigé en ce moment par Mahmoud Abbas, beaucoup plus accommodant que le Hamas. Pour ce faire, il déconseille la réoccupation de Gaza par Israël. En dernière heure, le gouvernement israélien accepte des pauses de quatre heures chaque jour dans certaines zones du nord de Gaza pour laisser passer vivres et médicaments, sur pression américaine sans doute. On n’évoque pas encore de trêve, encore moins de cessez-le-feu. On veut éliminer le Hamas à petit feu et atténuer l’image de brutalité accolée à Israël depuis le début de sa contre-offensive.
Mais le fond du problème demeure : quand prendra-t-on enfin le taureau par les cornes ? Il faudrait cesser d’essayer d’imposer aux Palestiniens une administration collaboratrice avec l’occupant sioniste et de fil en aiguille, une paix à rabais dont ils feraient les frais. Toutes les conditions pour une relance du conflit se trouveraient alors réunies.
Jean-François Delisle
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