29 avril 2024
Mais comment expliquer que les descendants des victimes de l’holocauste ayant avec l’appui des pays européens, migré en Palestine et bâti l’État d’Israël, se trouvent presque 80 plus tard, amenés à cautionner des politiques d’État guerrières agressives ? Des politiques sionistes pour lesquelles la Cour internationale de justice, la plus haute juridiction de l’ONU vient d’annoncer qu’elles relèvent —dans le cas de Gaza — d’une convention pour la prévention du crime de génocide !
Oui, vous avez bien lu : voilà que les descendants directs des victimes d’un génocide perpétré il y a seulement quelques décennies en arrière, se retrouvent sur la sellette, accusés de risquer d’en provoquer un à leur tour ? Le monde à l’envers ? Peut-on imaginer qu’un peuple qui a vécu dans sa chair l’horreur de l’anéantissement se retrouve entraîné dans une telle spirale ?
L’horreur de l’anéantissement
Face à une question aussi dérangeante, on comprendra que certains —cyniques ou désabusés— aient envie de jeter le blâme sur « l’inhumaine humanité du genre humain », ajoutant que ce n’est là qu’une autre de ces calamités déclenchées par l’être humain dont notre époque est aujourd’hui le théâtre.
Il faut pourtant se rappeler une vérité qui devrait servir de boussole. L’être humain n’existe pas en soi. Il n’est ni "bon, ni "mauvais", mais reste le fruit de circonstances historiques données, de conditions d’existence, économiques, sociales, politiques qui, pour une bonne part, façonnent son comportement.
Si l’Allemagne nazie, forte de l’appui tacite du gros de ses classes dirigeantes, s’est rendue coupables de génocide, c’est en raison de conditions bien précises. Mue par de puissants intérêts militaires et économiques, eux-mêmes stimulés par les dynamiques d’un capitalisme agressif, elle bénéficiait en leur faveur d’une formidable a-symétrie de pouvoir lui permettant, d’imaginer pouvoir imposer sa domination partout au monde, violence déchaînée de la guerre et arbitraire absolu en prime. Broyant pour longtemps les espaces et règles démocratiques existant, tout comme les souterraines aspirations à l’égalité sociale qui les rendaient effectives.
Une bulle cognitive aveuglante
Bien évidemment 8 décennies plus tard, les factions d’extrême-droite israéliennes qui aujourd’hui sont à la tête du gouvernement Netanyahou ne se trouvent pas dans une telle situation. Et sans doute –à la suite des massacres perpétrés [1] par le Hamas le 7 octobre dernier et hantées par le trauma de l’holocauste— ont-elles réussi à enfermer le peuple d’Israël dans une sorte de bulle cognitive aveuglante, lui interdisant de prendre la mesure de ce qui est en train de se passer à Gaza ; là où 2,4 millions personnes sont depuis des décennies parquées dans une prison à ciel ouvert, en passe cependant de se transformer en un cimetière dantesque [2] .
Il n’en demeure pas moins qu’en 2024, les factions intégristes du gouvernement Netanyahou peuvent compter, elles aussi, sur les avantages d’une formidable asymétrie de pouvoir, leur permettant de faire fi, violence de la guerre et arbitraire en prime [3] , de toutes les règles de droit internationales en vigueur, de tous les principes de coexistence pacifique hérités des traditions humanistes.
L’arrogance des tout-puissants
Étant devenus les alliés privilégiés de la première puissance économique et militaire mondiale et s’étant transformé –l’arme nucléaire en prime— en la bastille des intérêts pétroliers occidentaux au Moyen-Orient, les dirigeants israéliens, ont repris à leur compte cette arrogance des tout-puissants. Au fil du temps, ils se sont refusés, non seulement à prendre en compte le légitime droit à l’auto-détermination du peuple palestinien, mais aussi à saisir les occasions de paix offertes. Plus encore, ils se sont laissés peu à peu entraînés par leurs factions les plus extrêmes, dans des politiques d’apartheid et d’épuration ethniques —voire de duplicité machiavélique avec le Islamistes intégristes pour éviter tout compromis de paix possible—, pour finalement s’engager dans une guerre ouverte prenant des allures génocidaires.
La prévention des génocides commence chez nous
« L’inhumaine inhumanité du genre humain » a donc bien un nom, et son remède est avant tout d’ordre politique : combattre la montée de l’intégrisme identitaire, de l’autoritarisme et de la guerre, en réinstallant partout où elles vacillent, les exigences de la démocratie et de ses aspirations à l’égalité sociale. Partout : en Israël bien sûr, mais aussi ailleurs, aux USA, au Québec et au Canada tant le monde est aujourd’hui inter-relié.
Un peu comme ont cherché à le faire les internationalistes venus de 35 pays de la flottille de la liberté pour Gaza qui voulaient depuis Istanbul accompagner par bateau l’acheminement d’une aide humanitaire et demandaient pour cela, notamment un soutien effectif du Canada pour y parvenir. En vain !
Saura-t-on en ces temps si difficiles se souvenir de leur détermination et se rappeler que le combat pour la démocratie et la prévention de génocides commence aussi chez nous ?
Pierre Mouterde
Sociologue, essayiste
Le 28 avril 2024
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